14ème législature

Question N° : 13010 de M. Patrick Mennucci ( Socialiste, républicain et citoyen - Bouches-du-Rhône ) Question écrite

Ministère interrogé > Justice Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal Tête d'analyse > procédure pénale Analyse > dossiers de procédure. avocats. accès

Question publiée au JO le : 11/12/2012 page : 7328

Réponse publiée au JO le : 05/03/2013 page : 2624

Texte de la question

M. Patrick Mennucci, souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'accès à l'intégralité du dossier pénal par l'avocat. La réforme de la garde de la vue prévue par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 a été saluée comme un relatif progrès par les avocats et les défenseurs des droits de l'Homme mais a été aussi critiquée par la doctrine en raison de son imperfection. Parmi les carences de la réforme, l'accès à l'intégralité du dossier pénal avant l'audition ou la confrontation. À ce titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans une décision du 19 septembre 2012 (n° 11-88-111) a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Agen d'octobre, qui, se fondant sur l'article 6-3 de la convention européenne des droits de l'Homme, énonçait l'effectivité du droit d'assistance d'un avocat nécessite que celui-ci ait accès à l'entier dossier de la procédure. La décision est cassée par un attendu lapidaire : "l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'étant pas de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l'accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement". Si cette position s'inscrit dans la lignée du Conseil constitutionnel, elle va à l'encontre du droit européen. Ainsi, dans la décision Danayan, la mission d'assistance effective a été rappelée. De plus, la directive n° 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadres des procédures pénales, devrait renforcer dans un avenir proche les droits de la défense des personnes gardés à vue, notamment au regard de l'article 7. Il souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce point.

Texte de la réponse

L'article 63-4-1 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 portant réforme de la garde à vue dispose que l'avocat d'une personne placée en garde à vue peut consulter le procès-verbal de notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-1 du code de procédure pénale ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il doit être rappelé que ces dispositions ont été jugées constitutionnelles par le Conseil constitutionnel, et conventionnelles par la Cour de cassation et le Conseil d'Etat. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 18 novembre 2011, a ainsi rappelé que la garde à vue demeure une mesure de police judiciaire qui n'a pas pour objet de permettre un débat contradictoire sur sa légalité ou le bien-fondé des éléments de preuve et que l'absence de droit, pour l'avocat de la personne gardée à vue, de consulter les pièces de l'entière procédure lors de la garde à vue ne méconnait pas l'équilibre des droit des parties. La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 septembre 2012, a jugé que l'accès de l'avocat aux seules pièces de la procédure définies par l'article 63-4-1 du code de procédure pénale au stade de la garde à vue est conforme au principe du droit à un procès équitable défini à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CSDHLF) dans la mesure où l'accès à l'ensemble des autres pièces de la procédure est garanti, d'une part, lors de la phase d'instruction, d'autre part, devant la juridiction de jugement. La section du contentieux du Conseil d'État, saisi d'un recours en excès de pouvoir à l'encontre de la circulaire du 23 mai 2011 relative à l'application des dispositions relatives à la garde à vue de la loi du 14 avril 2011, a jugé dans un arrêt du 11 juillet 2012 que la consultation des pièces de la procédure, limitativement énumérées par l'article 63-4-1 du code de procédure pénale, permet à l'avocat de la personne gardée à vue d'avoir connaissance des informations essentielles pour apprécier la légalité de la détention de son client et n'est donc pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité des armes, au rôle de la défense ni à l'effectivité des droits de la défense garanti par l'article 6 de la CSDHLF. En outre, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) n'a jamais énoncé le principe selon lequel l'avocat devait avoir accès à toutes les pièces du dossier dès la phase du placement en garde à vue. La CEDH a jugé que « l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer » (arrêt Dayanan c. Turquie, 13 octobre 2009, §32). Elle n'a pas précisé la nature des informations et pièces devant être mises à la disposition de l'avocat et, d'autre part, elle admet que le droit d'accès au dossier de l'avocat puisse être temporairement limité pour des raisons légitimes tenant à la bonne marche des investigations : « la nécessité d'une conduite efficace des enquêtes pénales, ce qui peut impliquer qu'une partie des informations recueillies durant ces investigations doivent être gardées secrètes afin d'empêcher les accusés d'altérer les preuves et de nuire à la bonne administration de la justice » (arrêt Svipsta c. Lettonie, 9 mars 2006, § 137). Ainsi, en prévoyant que soient transmis à l'avocat, le certificat médical, les procès-verbaux d'interrogatoire de la personne et les procès-verbaux de placement en garde à vue, le législateur permet à l'avocat de disposer des éléments essentiels pour pouvoir assurer la défense de son client lors de la phase de garde à vue. Enfin, il doit être rappelé que la directive 2012/13/UE du parlement européen et du conseil relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales n'a pas encore été transposée en droit français. Les États membres doivent se conformer à la directive précitée au plus tard le 2 juin 2014. Les services de la Chancellerie travaillent actuellement à cette transposition, qui sera effectuée avant cette échéance. Elle devra assurer la libre circulation des pièces de procédure concernées, à l'instruction comme au cours de la phase juridictionnelle des enquêtes.