Cet arrêt est commenté par :

- Mme MALLET-BRICOUT, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 2, p. 44.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 30 janvier 2013

N° de pourvoi: 11-26.074 11-26.648 11-27.970

Publié au bulletin Cassation partielle

Joint les pourvois n° U 11-26. 074, T 11-26. 648 et E 11-27. 970 ;

Donne acte à la SGCP, à la SNC Echiquier développement, à la société Sodipierre finance et à la SCI Hanafa du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Crédit du Nord, la SCI Jan Van Gent et M. X..., ès qualités de représentant des créanciers de la société Gannets ;

Donne acte à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SGCP, la SNC Echiquier développement, la société Sodipierre finance, M. Y..., la SCP Y..., la société Crédit du Nord, M. X..., ès qualités de représentant des créanciers de la société Gannets, et la SCI Jan Van Gent ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2011), que, par acte du 15 janvier 1999 la SCI Montim'Immo a acquis un immeuble de la SCI La Montagne, en liquidation judiciaire, cette vente ayant été autorisée par une ordonnance du juge-commissaire précisant que l'immeuble acquis serait dédié à l'exploitation d'un établissement pour adolescents handicapés ; que, par acte authentique reçu le 3 mars 1999 par M. Z... et M. A..., notaires, la SCI Montim'Immo a vendu cet immeuble à la société Gannets ; que celle-ci l'a revendu par lots, le premier, par acte reçu le 22 décembre 1999 par M. Z... au profit de la SCI Hanafa, le deuxième, par acte reçu par M. Z... le 31 janvier 2000 au profit de la SCI Jan Van Gent, puis revendu le 29 mars 2001 à la société Sodipierre Finance, et le troisième par acte reçu par M. Z... et M. Y... le 24 août 2000 au profit de la société en nom collectif Echiquier développement (la SNC), aux droits de laquelle se trouve la Société de gestion commerciale privée (la SGCP) ; que, par une décision, devenue irrévocable, la nullité de l'acte de vente du 3 mars 1999 et la nullité des trois ventes subséquentes consenties par la société Gannets après division de l'immeuble en lots a été prononcée pour défaut de pouvoir du gérant de la SCI Montim'Immo ; qu'après expertise, la SGCP, la SNC, la société Sodipierre finance et la SCI Hanafa ont assigné les notaires, ainsi que la SCI Jan Van Gent et M. X..., liquidateur de la société Gannets, en indemnisation de leur préjudice ; que la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France et le Crédit du Nord sont intervenus volontairement à l'instance et ont sollicité l'indemnisation de leurs préjudices ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la SCP Z..., M. Z..., M. A..., et le moyen unique du pourvoi incident de la SCP Y... et M. Y..., réunis :

Attendu que la SCP Z..., M. Z..., M. A..., la SCP Y... et M. Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer certaines sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que le client d'un notaire ne peut demander à être indemnisé d'un avantage que lui aurait procuré un acte qui sans la faute reprochée à l'officier ministériel n'aurait pu être conclu ; qu'en condamnant les notaires à indemniser les sociétés sous-acquéreurs de la perte des profits et avantages qu'elles auraient pu retirer des acquisitions si elles n'avaient pas été annulées tout en constatant que la vente initiale avait été conclue sans que le gérant de la société venderesse ait été valablement habilité à l'effet de la représenter, ce dont il résultait que sans la faute imputée à l'officier ministériel, la vente initiale n'aurait pas été conclue de sorte que les sociétés sous-acquéreurs n'auraient pu tirer un quelconque profit des ventes subséquentes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la perte d'un avantage illicite n'est pas réparable ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que les biens objets de la vente ne pouvaient être exploités à une fin différente de celle prévue par l'ordonnance du juge-commissaire n'autorisant la vente initiale qu'en vue de la création d'un établissement pour handicapés ; qu'en condamnant néanmoins les notaires à indemniser les sociétés sous-acquéreurs de la perte du profit qu'elles auraient pu retirer de la revente des biens affectés à un usage d'habitation quand un tel avantage était illicite, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que l'attitude de la victime qui a délibérément couru un risque exonère en tout ou partie le notaire de sa responsabilité ; qu'il ressort des propres constatations de la décision attaquée que pour prononcer l'annulation des quatre ventes subséquentes, la cour d'appel de Versailles avait estimé, par son arrêt du 28 octobre 2004, que la société SNC Echiquier développement, la société Jan Van Gent, la société Sodipierre finance et la société Hanafa « professionnelles de l'immobilier, connaissaient, en raison de la publication de l'état modificatif, l'affectation des lots et, partant, le risque d'une annulation du titre de propriété de la société Gannets fondée sur le défaut de respect des conditions de la vente et ce, alors que la société Mont'Immo avait vendu les biens moyennant le prix de 7 400 000 francs (1 128 122, 3 euros) à la société Gannets qui, elle-même les a revendus en trois lots d'habitation pour le prix de 20 000 000 francs (3 048 980, 34 euros) » ; qu'en déclarant néanmoins les notaires entièrement responsables des conséquences de l'annulation des actes qu'ils avaient instrumentés bien qu'il résultât de ses constatations que les sociétés acheteuses s'étaient délibérément exposées à un risque d'annulation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ que la faute de la victime exonère en tout ou partie le notaire de sa responsabilité ; qu'en condamnant les notaires à indemniser les sociétés Echiquier développement, Jan Van Gent, Sodipierre finance et Hanafa de la totalité du préjudice résultant de l'annulation des ventes bien qu'il résultât de ses propres constatations que ces sociétés ne pouvaient être regardées comme des acquéreurs de bonne foi dès lors qu'elles savaient qu'elles étaient en l'état d'un acte irrégulier, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par un motif non critiqué, que même si les sous-acquéreurs n'étaient pas de bonne foi, ils étaient déchargés de l'obligation de procéder aux vérifications nécessaires à l'efficacité des actes de vente, cette obligation ne reposant que sur les notaires, la cour d'appel a pu retenir que, même si les conditions posées par le juge-commissaire n'étaient pas constitutives de véritables charges grevant les locaux, il n'en demeurait pas moins que les notaires auraient dû attirer l'attention des sous-acquéreurs sur le risque d'acquérir des lots pour une destination qui n'était pas celle qui était visée par l'ordonnance du juge-commissaire et qu'en s'abstenant de le faire, ils avaient manqué à leur devoir de conseil et exposé les sous-acquéreurs au risque, qui s'est réalisé, de subir les conséquences de l'annulation des ventes subséquentes à la vente initiale et ont engagé leur responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la SGCP, la SNC, la société Sodipierre et la SCI Hanafa :

Attendu que la société SGCP fait grief à l'arrêt de condamner les notaires à lui payer la somme de 3 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ qu'après avoir fixé à la somme de 5 421 572, 57 euros la base du calcul du montant du préjudice subi par la société SGCP du fait de l'annulation de la vente des lots n° 100 et 200, puis déduit de cette base de calcul la somme de 597 905, 03 euros déjà perçue au titre du remboursement du prix de vente, la cour d'appel, qui s'est fondée sur ce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la société Echiquier développement, et à la société Sodipierre Finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros », pour réduire à la somme de 3 000 000 euros le montant du préjudice subi par la société SGCP, alors que ce moyen n'avait été invoqué par aucune des parties et que ces dernières n'avaient pas été préalablement invitées à faire connaître leurs observations sur ce moyen soulevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que les parties intimées en appel ont toutes admis dans leurs écritures que le préjudice de la société SGCP comprenait la valeur du bien immobilier dont la vente a été annulée ; qu'après avoir fixé à la somme de 5 421 572, 57 euros la base du calcul du montant du préjudice subi par la société SGCP du fait de l'annulation de la vente des lots n° 100 et 200, puis déduit de cette base de calcul la somme de 597 905, 03 euros déjà perçue au titre du remboursement du prix de vente, la cour d'appel, qui s'est fondée sur ce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la SNC Echiquier développement, et à la société Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros », pour réduire à la somme de 3 000 000 euros le montant du préjudice subi par la société SGCP, a méconnu l'objet du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se fondant notamment sur ce qu'il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, « de la part de la venderesse », que la somme de 597 905, 57 euros qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la société Montim'Immo à verser aux sociétés SGCP et Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros, avant de diminuer de 5 421 572, 57 euros à 3 000 000 euros le montant du préjudice subi par la société SGCP, la cour d'appel, qui n'a pas précisé de quelle « venderesse » il s'agissait et s'est donc fondée sur un motif imprécis, n'a pas satisfait aux exigences de motivation posées par l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la victime a droit à la réparation de son préjudice direct et certain, et le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel est certain, alors même que la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice ; qu'après avoir admis la responsabilité des notaires pour manquement à leur devoir de conseil et de diligence lors de la conclusion de l'acte d'acquisition des biens immobiliers, la cour d'appel, qui s'est fondée sur ce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la société Echiquier développement, et à la société Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros », pour réduire le montant du préjudice financier subi par la société SGCP à la somme de 3 000 000 euros, a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice et l'article 1382 du code civil ;

5°/ que l'auteur d'un accident est tenu d'en réparer toutes les conséquences dommageables et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en se fondant sur ce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la société Echiquier développement, et à la société Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros », pour réduire le montant du préjudice financier subi par la société SGCP à la somme de 3 000 000 euros, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés et l'article 1382 du code civil ;

6°/ que pour diminuer le montant de l'indemnisation du préjudice matériel subi par la société SGCP, résultant de la faute des notaires, l'arrêt énonce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la société Echiquier développement, et à la société Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute de la société SGCP ayant causé l'aggravation de son préjudice matériel, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

7°/ que la cour d'appel qui s'est fondée, d'une part, sur ce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la société Echiquier développement, et à la société Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros », ce qui impliquait que la société SGCP avait perdu tout ou partie du prix de vente versé lors de l'acquisition, point d'ailleurs non contesté par les parties, d'autre part sur ce qu'« il n'est pas utilement contesté que la SNC Echiquier développement avait, à son tour, l'intention de revendre les biens de sorte que, si la base de calcul du préjudice doit retenir notamment une valeur des biens à la date de l'arrêt prononçant la nullité de la sous-vente et aux frais susvisés, l'appréciation définitive de l'indemnisation du préjudice prendra en compte cette circonstance dès lors que, par la faute des notaires, la SNC Echiquier développement a perdu, non pas tout ou partie de la valeur de l'immeuble, mais le profit qu'elle aurait tiré de l'opération d'achat et de revente des biens qui aurait entraîné des charges de rénovation, de découpe et de commercialisation », ce dont il résultait que la société SGCP n'aurait pas perdu tout ou partie de la valeur de l'immeuble vendu, pour fixer le montant du préjudice subi par la société SGCP, à la somme de 3 000 000 euros, a fondé cette partie de son arrêt sur des motifs contradictoires, en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en se fondant, d'une part, sur ce qu'« il n'est aucunement démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne touchera, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui a été versée en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 14 décembre 2006 et portant condamnation de la SCI Montim'Immo à verser à la société SGCP, venant aux droits de la société Echiquier développement, et à la société Sodipierre finance, ensemble, une provision de 1 128 122, 72 euros », d'autre part sur ce qu'« il n'est pas utilement contesté que la SNC Echiquier développement avait, à son tour, l'intention de revendre les biens de sorte que, si la base de calcul du préjudice doit retenir notamment une valeur des biens à la date de l'arrêt prononçant la nullité de la sous-vente et aux frais susvisés, l'appréciation définitive de l'indemnisation du préjudice prendra en compte cette circonstance dès lors que, par la faute des notaires, la SNC Echiquier développement a perdu, non pas tout ou partie de la valeur de l'immeuble, mais le profit qu'elle aurait tiré de l'opération d'achat et de revente des biens qui aurait entraîné des charges de rénovation, de découpe et de commercialisation », pour fixer à la somme de 3 000 000 euros le montant du préjudice subi par la société SGCP, motifs qui ne permettent pas de s'assurer que les juges d'appel ont alloué à la victime des dommages-intérêts couvrant la totalité de son préjudice, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard du principe susvisé ;

9°/ qu'en retenant qu'« il n'est pas utilement contesté que la SNC Echiquier développement avait, à son tour, l'intention de revendre les biens de sorte que, si la base de calcul du préjudice doit retenir notamment une valeur des biens à la date de l'arrêt prononçant la nullité de la sous-vente et aux frais susvisés, l'appréciation définitive de l'indemnisation du préjudice prendra en compte cette circonstance dès lors que, par la faute des notaires, la SNC Echiquier développement a perdu, non pas tout ou partie de la valeur de l'immeuble, mais le profit qu'elle aurait tiré de l'opération d'achat et de revente des biens qui aurait entraîné des charges de rénovation, de découpe et de commercialisation », pour réduire à la somme de 3 000 000 euros le montant du préjudice subi par la société SGCP, alors que ce moyen n'avait été invoqué par aucune des parties et que ces dernières n'avaient pas été préalablement invitées à faire connaître leurs observations sur ce moyen soulevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il convenait d'arrêter à la somme de 5 421 572, 57 euros la base de calcul du préjudice subi par la société SGCP, que, de cette somme, il y avait lieu de déduire la somme de 597 905, 03 euros déjà perçue au titre du remboursement du prix de vente et, sans violer les articles 16 et 4 du code de procédure civile, qu'il n'était pas démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société SGCP ne toucherait, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui avait été versée en vertu d'une ordonnance de référé portant condamnation de la SCI Montim'Immo à lui verser une provision, ce dont il résultait que la société venderesse était implicitement mais nécessairement la SCI Montim'Immo, la cour d'appel, qui a retenu, sans se contredire, sans violer ni le principe de la réparation intégrale du préjudice, ni le principe de la contradiction et sans se fonder sur l'aggravation par la SGCP de son préjudice, que la SNC ayant l'intention de revendre les biens, l'appréciation définitive de l'indemnisation du préjudice prendrait en compte cette circonstance dès lors que, par la faute des notaires, la SNC avait perdu, non pas tout ou partie de la valeur de l'immeuble, mais le profit qu'elle aurait tiré de l'opération d'achat et de revente des biens qui aurait entraîné des charges de rénovation, de découpe et de commercialisation, et qui a fixé le préjudice à une somme qu'elle a souverainement appréciée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la SGCP, la SNC, la société Sodipierre et la SCI Hanafa, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé qu'il convenait de fixer à la somme de 1 067 923 euros la base de calcul du préjudice subi par la société Sodipierre finance, que, de cette somme, il y avait lieu de déduire l'acompte de 101 531, 04 euros déjà perçu au titre du remboursement partiel du prix de vente et, sans violer les articles 16 et 4 du code de procédure civile, qu'il n'était pas démontré qu'à la suite de l'annulation de la vente, la société Sodipierre ne toucherait, de la part de la venderesse, que la somme susdite qui lui avait été versée en vertu d'une ordonnance de référé portant condamnation de la SCI Montim'Immo à lui verser une provision, ce dont il résultait que la société venderesse était implicitement mais nécessairement la SCI Montim'Immo, la cour d'appel, qui a retenu, sans se contredire, sans violer ni le principe de la réparation intégrale du préjudice, ni le principe de la contradiction et sans se fonder sur l'aggravation par la société Sodipierre de son préjudice, que cette société ayant l'intention de revendre les biens l'appréciation définitive de l'indemnisation du préjudice prendrait en compte cette circonstance dès lors que, par la faute des notaires, elle avait perdu, non pas tout ou partie de la valeur de l'immeuble, mais le profit qu'elle aurait tiré de l'opération d'achat et de revente des biens qui aurait entraîné des charges de rénovation, de découpe et de commercialisation, et qui a fixé le préjudice à une somme qu'elle a souverainement appréciée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la SGCP, la SNC, la société Sodipierre et la SCI Hanafa :

Attendu la SGCP, la SNC, la société Sodipierre et la SCI Hanafa font grief à l'arrêt de condamner in solidum M. Z..., la SCP Z... et M. A... à payer à la SCI Hanafa la seule somme de 2 500 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses écritures d'appel, la société Hanafa insistait sur le fait que « Ne sauraient évidemment en rien être confondus la valeur du droit réel de propriété et les fruits susceptibles d'être produits par ce droit réel. Le prêt accordé par la Caisse d'épargne n'a financé que l'acquisition du droit réel de propriété. L'indemnisation qui a été accordée par les premiers juges concernant la SCI Hanafa recoupe exclusivement l'indemnisation de ce droit réel perdu et absolument en rien les fruits produits ou qu'aurait dû produire ce droit réel. Or, le principe de la responsabilité civile revient précisément à indemniser ce qui a été produit. Il ne peut être contestable que si la vente n'avait pas été annulée, la SCI Hanafa - indépendamment du financement de son droit réel de propriété et des remboursements du prêt à la Caisse d'épargne - aurait évidemment perçu les loyers jusqu'au terme du contrat de bail ! ! En revanche, par l'arrêt d'annulation de la vente du lot Hanafa, la SCI Hanafa :- a bien perdu la valeur de l'immeuble à la date du 28/ 10/ 2004,- n'a pas perçu les loyers qu'elle aurait été fondée à percevoir jusqu'au terme du bail en 2015, époque où elle aurait récupéré en outre la libre disposition du droit réel de propriété sur l'immeuble,- a dû pour autant supporter la restitution du prêt consenti par la Caisse d'épargne, fait juridique totalement indépendant des loyers » ; qu'en se bornant à considérer que « comme l'ont décidé les premiers juges, les charges de remboursement du prêt contracté pour financer l'acquisition du lot numéro 21 sont entièrement couvertes par les loyers perçus de sorte que les loyers ont été consommés dans la constitution du capital formé par la différence existant entre la valeur de l'immeuble et l'encours de la dette de remboursement du prêt » puis que « la SCI Hanafa n'est donc pas fondée à solliciter l'indemnisation d'une prétendue perte de loyers », la cour d'appel, qui ne s'est nullement expliquée sur le moyen soulevé devant elle tiré de ce que la société Hanafa avait perdu non seulement la valeur du droit réel de propriété sur le bien immobilier, mais aussi les fruits susceptibles d'être produits par ce droit réel, c'est-à-dire les loyers, a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile l'arrêt fondé sur une simple affirmation sans précision des éléments sur lesquels celle-ci est basée ; qu'en se référant à une « prétendue perte de loyers » subie par la société Hanafa, pour refuser d'en tenir compte dans la fixation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'annulation de la vente, la cour d'appel, qui a procédé par voie de pure et simple affirmation, sans se référer à aucune pièce, alors que ce point était contesté par la société Hanafa, a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le bail consenti le 10 décembre 1999 au CESAP stipulait, en matière de « durée », que « Le présent bail est conclu pour une durée de quinze années entières et consécutives qui commenceront à courir le premier jour du mois suivant la date de passation par la société Hanafa. Conformément aux dispositions de l'article 3-1 du décret du 30 septembre 1953 modifié par la loi 85-1408 du 30 décembre 1985, le preneur renonce à la faculté de donner congé à l'expiration de chaque période triennale. Par ailleurs, le bailleur renonce à bénéficier de la faculté prévue à l'article 3-1, alinéa troisième, du décret numéro 53-960 du 30 septembre 1953 lui permettant de donner congé à l'expiration de chacune des périodes triennales s'il entend invoquer les dispositions des articles 10, 13 et 15 dudit décret, afin de reconstruire l'immeuble, de le surélever ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière » ; que, pour considérer le préjudice invoqué par la société Hanafa, tiré de la perte des loyers à échoir après le 28 octobre 2004, comme hypothétique et incertain, la cour d'appel, qui s'est reportée à ce qu'« ont décidé les premiers juges » et, en confirmant le jugement sur ce point, a donc implicitement adopté le motif du jugement tiré de ce que « ce préjudice demeure hypothétique en présence d'une faculté de résiliation unilatérale offerte au preneur au terme de chaque période triennale », a dénaturé les clauses claires et précises du bail précité ;

4°/ que, dans ses écritures d'appel, la société Hanafa insistait sur le fait que « ce bail ne comportait aucune faculté de résiliation unilatérale offerte au preneur au terme de chaque période triennale » puisque « les parties voulaient s'assurer d'une occupation ferme de quinze ans dans le cadre d'un bail emphythéotique soumis à publication aux hypothèques », concluant que « dans ces conditions, non seulement le préjudice évoqué par M. l'expert B... n'était pas hypothétique mais son caractère de préjudice futur certain est acquis », et, à propos du « préjudice subi à partir du 28 octobre 2004 à raison des loyers perdus entre 2005 et 2014 », demandait « après avoir constaté que le bail commercial du 10 décembre 1999 entre Hanafa et le CESAP excluait la faculté de résiliation triennale pour le locataire, le bail emphythéotique étant consenti pour une durée irrévocable de quinze années, la cour d'appel réformera le jugement entrepris et statuant à nouveau :- constatera que la SCI Hanafa a subi un préjudice futur certain constitué de la non-perception des loyers que devait lui verser son locataire au droit d'une obligation de résultat irrévocable,- fera droit à la demande de fixation de son préjudice de ce chef sur la base des conclusions de M. l'expert B..., chiffrant les pertes de loyers subies entre 2005 et 2014, à hauteur de 1 805 328 euros » ; qu'en se bornant à affirmer que « s'agissant des loyers à échoir après le 28 octobre 2004, ce préjudice est hypothétique et incertain », la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen sérieux, appelant réponse, qui était soulevé devant elle, a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la réparation d'un préjudice doit être intégrale et les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en estimant d'abord que « la SCI Hanafa n'est ... pas fondée à solliciter l'indemnisation d'une prétendue perte de loyers », pour refuser d'indemniser la perte des loyers afférents au bail conclu avec le CESAP, puis qu'« il existait un aléa quant à la poursuite du bail et à la perception des loyers à venir », pour diminuer l'indemnisation du préjudice subi par la société Hanafa, avant de fixer cette indemnité revenant à la société Hanafa à la somme de 2 500 000 euros, la cour d'appel, qui a réduit le montant ainsi alloué d'abord du montant des loyers puis de l'aléa pesant sur ces loyers, a violé le principe susvisé ;

Mais attendu qu'ayant relevé, répondant aux conclusions, que les charges de remboursement du prêt contracté pour financer l'acquisition du lot numéro 21 étaient entièrement couvertes par les loyers perçus de sorte que les loyers avaient été consommés dans la constitution du capital formé par la différence existant entre la valeur de l'immeuble et l'encours de la dette de remboursement du prêt, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la présence dans le bail d'une faculté de résiliation unilatérale offerte au preneur au terme de chaque période triennale, que la SCI Hanafa n'était pas fondée à solliciter l'indemnisation d'une prétendue perte de loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal de la SGCP, la SNC, la société Sodipierre et la SCI Hanafa :

Attendu que la SGCP, la SNC, la société Sodipierre et la SCI Hanafa font grief à l'arrêt de condamner la SCI Hanafa à payer à la caisse d'épargne la somme de 1 723 069, 54 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses écritures d'appel, la société Hanafa faisait valoir qu'« Il est constant que la créance en principal de la Caisse d'épargne IDF Nord à l'égard de la SCI Hanafa s'est élevée à 1 243 984 euros. De ce montant, le tribunal a jugé - pour obtenir le montant de la créance principale de la banque - que devaient être déduites les sommes d'ores et déjà payées par Hanafa et encaissées par la Caisse d'épargne IDF Nord jusqu'à la date du 5 octobre 2001, soit une somme de 213. 445 euros, de telle sorte que la créance en principal de cette banque s'est élevée, arrondie, à 1 089 636, 26 euros .... Au principal, si la cour d'appel suit la SCI Hanafa dans ses demandes visant à la décharger de toute responsabilité dans la nullité des ventes ordonnée le 28/ 10/ 2004, la somme de 213 445 euros viendra s'imputer sur le montant de la dette en principal d'Hanafa vis-à-vis de la Caisse d'épargne IDF Nord et qu'elle devra en tout état de cause, et vaudra comme acompte de remboursement du principal du prêt consenti par cet établissement financier » ; qu'en se bornant à estimer qu'« il n'est pas contesté qu'à l'occasion du contrat de prêt en date du 22 décembre 1999, la caisse d'épargne a versé à la SCI Hanafa une somme de 1 243 983, 98 euros ; qu'il ressort des stipulations contractuelles, de la lettre datée du 12 mars 2002 et portant notification de la déchéance du terme et des décomptes versés aux débats que la caisse d'épargne est créancière d'une somme de 1 723 069, 54 euros arrêtée au 20 mai 2009 et des intérêts au taux de 5, 50 % sur le capital de 1 170 734, 47 euros restant dû ; qu'il échet d'infirmer le jugement sur ce point et de condamner la SCI Hanafa à payer cette somme à la caisse d'épargne », la cour d'appel, qui n'a donc pas répondu au moyen soulevé devant elle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la réparation d'un préjudice doit être intégrale et les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'après avoir reconnu l'entière responsabilité des notaires dans l'annulation des ventes initiale et subséquentes des biens immobiliers prononcée le 28 octobre 2004, donc l'absence de toute responsabilité des sociétés sous-acquisitrices dont en particulier de la société Hanafa, la cour d'appel, qui a aussi relevé que cette société avait contracté le 22 décembre 1999 auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France un prêt destiné à l'acquisition de l'un de ces biens pour un montant en principal de 1 243 983, 98 euros, prêt annulé par les premiers juges du fait de l'annulation de la vente, annulation à laquelle les parties ont acquiescé et que la cour d'appel n'a pas infirmée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en condamnant la société Hanafa à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France la somme de 1 723 069, 54 euros arrêtée au 20 mai 2009 et augmentée des intérêts au taux de 5, 50 % sur le capital de 1 170 734, 47 euros restant dû, sous déduction des sommes encaissées, faisant ainsi peser sur la société Hanafa la charge des conséquences de la faute des notaires, en violation de l'article 1382 du code civil ensemble le principe susvisé ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé qu'il résultait des stipulations contractuelles, de la lettre datée du 12 mars 2002 et portant notification de la déchéance du terme et des décomptes versés aux débats que la caisse d'épargne était créancière d'une somme de 1 723 069, 54 euros arrêtée au 20 mai 2009, la cour d'appel a, répondant aux conclusions, pu condamner la SCI Hanafa à payer cette somme sous déduction des sommes déjà encaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la société Crédit du Nord, ci-après annexé :

Attendu que le grief fait à l'arrêt de ne pas confirmer dans son dispositif la condamnation de la SNC solidairement avec la SGCP à payer au Crédit du Nord la somme de 2 738 035 euros, sous déduction des sommes encaissées jusqu'au 22 mars 2005, dénonce une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Crédit du Nord :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter la société Crédit du Nord de ses demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre les notaires, l'arrêt retient que le préjudice est hypothétique dès lors que le contrat de prêt a été conclu pour une durée de deux années de sorte qu'à la date d'annulation des ventes les prêts étaient censés être entièrement remboursés et que, dans ces circonstances, le dommage qu'a pu subir la banque à ce titre est dépourvu de tout lien de causalité avec la faute des notaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité de la vente ayant pour conséquence la nullité du prêt, le crédit du Nord a perdu les intérêts conventionnels auxquels il avait droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner in solidum la société civile professionnelle Z... , M. Z... et M. A... à payer à la caisse d'épargne la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les manquements de M. Z... et de M. A... présentent un lien de causalité non seulement avec l'annulation des vente et sous-ventes, mais également avec la résolution du prêt consenti à la SCI Hanafa pour une durée de douze années par la caisse d'épargne de sorte que leur responsabilité est engagée, que l'indemnisation des conséquences de la faute commise par les notaires, loin d'être équivalente à la somme restant due par l'emprunteuse, ne consiste qu'en la perte de l'avantage qu'aurait constitué la poursuite du remboursement du prêt dans les conditions initialement stipulées, étant observé qu'il existait une faculté de remboursement anticipé et que, compte tenu de ces circonstances, l'indemnité revenant à la caisse d'épargne en réparation du préjudice complémentaire consécutif à la résolution du contrat de prêt consenti à la SCI Hanafa sera arrêtée à la somme de 150 000 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, la caisse d'épargne demandait la condamnation des notaires, in solidum avec la SCI Hanafa, à lui rembourser le crédit en principal et accessoires, leur faute ayant concouru à l'absence de remboursement du prêt, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société crédit du Nord de ses demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre les notaires et en ce qu'il a condamné in solidum la SCP Z..., M. Z... et M. A... à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 13 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la SGCP, la SNC Echiquier développement, la société Sodipierre finance, la SCI Hanafa, la SCP Z..., M. Z..., M. A..., la SCP Y... et M. Y... aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SGCP, la SNC Echiquier développement, la société Sodipierre finance, la SCI Hanafa, la SCP Z..., M. Z..., M. A..., la SCP Y... et M. Y..., ensemble, à payer à la société crédit du Nord la somme de 2 500 euros et à la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;