Absence de lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre des notaires et les dommages relevés
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 22-17.172
- ECLI:FR:CCASS:2024:C100023
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 24 janvier 2024
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, du 07 avril 2022
Président
Mme Champalaune (président)
Avocat(s)
Me Balat, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet François Pinet
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SA9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 janvier 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 23 F-D
Pourvoi n° V 22-17.172
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JANVIER 2024
1°/ Mme [V] [H], domiciliée [Adresse 5],
de la société [H] - Bernard - Claudot,
2°/ M. [K] [E], domicilié [Adresse 7], de la société Lamy - Pelletier - [E],
3°/ M. [Z] [B], domicilié [Adresse 4],
4°/ la société [H] - Bernard - Claudot, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ la société Lamy - Pelletier - [E], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° V 22-17.172 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [X] [T], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Mme [U] [M], domiciliée [Adresse 8],
3°/ à M. [I] [A], domicilié [Adresse 3],
4°/ à Mme [L] [R], épouse [A], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. [T] et Mme [M] ainsi que M. [A] ont formé, respectivement, un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Les demandeurs aux pourvois incidents invoquent, respectivement, à l'appui de leurs recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [H], de MM. [E] et [B], de la société [H] - Bernard - Claudot, et de la société Lamy - Pelletier - [E], de Me Balat, avocat de M. [T], et de Mme [M], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [A], après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 avril 2022), par acte du 5 janvier 2005, auquel est intervenu notamment M. [B], notaire, réitéré par acte reçu le 1er avril suivant par Mme [H], notaire associé de la société [H], Bernard et Claudot, avec la participation de M. [E], notaire associé de la société Lamy, Pelletier et [E] (les notaires), M. [T] et Mme [M] (les vendeurs) ont vendu une maison d'habitation à M. et Mme [A] (les acquéreurs).
2. Invoquant divers désordres et non-conformités, les acquéreurs ont assigné les vendeurs et les notaires en responsabilité et indemnisation.
Examen des moyens
Sur les pourvois incidents
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident des vendeurs, et sur le premier moyen du pourvoi incident de M. [A], qui sont irrecevables, ni sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen, du pourvoi incident des vendeurs, et le second moyen du pourvoi incident de M. [A], qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. Les notaires font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à relever et garantir les vendeurs de leur condamnation à payer aux acquéreurs les sommes de 171 460 euros HT au titre des travaux de réparation des désordres et non conformités, 168 000 euros en réparation de leur préjudice lié à la perte de valeur vénale d'une partie du sous-sol de l'immeuble, de 10 620 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral, alors « que seul ouvre droit à réparation le dommage en lien causal direct et certain avec la faute imputée au notaire ; qu'en jugeant les notaires responsables des préjudices subis par les acquéreurs en raison des défauts de conformité et du caractère inhabitable du sous-sol de la maison acquise, sans établir que, sans les manquements à leur devoir de conseil qui leur étaient imputés, les acquéreurs ou les vendeurs auraient pu échapper à ces préjudices, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
4. Il résulte de ce texte que seul ouvre droit à réparation le dommage en lien causal direct et certain avec la faute imputée au notaire.
5. Pour condamner les notaires in solidum à relever et garantir les vendeurs des condamnations prononcées à leur encontre à payer certaines sommes aux acquéreurs au titre des travaux de réparation des désordres et non conformités, de la perte de valeur vénale d'une partie du sous-sol affecté de graves infiltrations, du préjudice de jouissance et du préjudice moral, l'arrêt retient, d'abord, que les permis de construire et les plans afférents à ceux-ci n'ont été ni joints à l'acte de vente ni portés à la connaissance des acquéreurs et qu'aucune déclaration de conformité des travaux n'est intervenue à la suite du deuxième permis de construire. Il relève, ensuite, que la désignation d'une partie du sous-sol, qui s'est avéré impropre à sa destination, comme « aménageable » et non comme « habitable », était ambigüe et que les notaires ne s'étaient pas assurés que les acquéreurs en avaient compris la portée. Il en déduit que les notaires, qui ont manqué à leur devoir d'information et de conseil, n'ont pas assuré l'efficacité de l'acte et ont concouru aux préjudices, certains, subis par les acquéreurs, qui ne peuvent s'analyser en une simple perte de chance de renoncer à l'acquisition du bien litigieux.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'en l'absence de manquement des notaires, ces préjudices auraient pu être évités et qu'il existait ainsi un lien de causalité entre la faute retenue et les dommages relevés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société [H], Bernard et Claudot, la société Lamy, Pelletier et [E], M. [B], Mme [H] et M. [E] à relever et garantir Mme [M] et M. [T] de leur condamnation à payer les sommes de 171 460 euros HT au titre des travaux de réparation des désordres et non conformités, 168 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte de valeur vénale d'une partie du sous-sol de l'immeuble, 10 620 euros en réparation du préjudice de jouissance et 10 000 euros en réparation du préjudice moral, l'arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [T] et Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100023
Publié par ALBERT CASTON à 15:50
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Libellés : causalité , faute , Notaire , responsabilité délictuelle
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