Vente immobilière et notion de vice apparent
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-23.070
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300457
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 25 septembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, du 04 octobre 2023
Président
M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
Me Balat, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 25 septembre 2025
Rejet
M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 457 F-D
Pourvoi n° B 23-23.070
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2025
1°/ M. [X] [I],
2°/ Mme [T] [W], épouse [I],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° B 23-23.070 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [F] [P],
2°/ à Mme [K] [O],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. et Mme [I], de Me Balat, avocat de M. [P] et de Mme [O], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pety, conseiller rapporteur, Mme Abgrall, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 octobre 2023), M. et Mme [I] (les vendeurs) ont vendu trois immeubles contigus, dont une maison d'habitation à M. [P] et Mme [O] (les acquéreurs), suivant acte authentique du 26 février 2010.
2. Ensuite de l'effondrement, le 26 novembre 2016, du plafond de la cave dans l'un des immeubles contigus, les acquéreurs ont immédiatement quitté leur habitation dans laquelle ils ne sont revenus qu'une fois réalisé l'étaiement du plancher haut du sous-sol.
3. Une expertise judiciaire des trois immeubles a été ordonnée.
4. Les acquéreurs ont assigné les vendeurs sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Les vendeurs font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de les condamner solidairement à payer aux acquéreurs diverses sommes indemnitaires, alors :
« 1°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'il suffit que le vice soit apparu au moment de la vente même si son aggravation n'était pas prévisible sans que l'acquéreur puisse se prévaloir de sa qualité de profane ; que l'arrêt attaqué relève, à partir des observations de l'expert, que la partie basse visible des poutres dans la maison des consorts [P]-[O], qui n'a subi aucun effondrement, était dans un état de rouille très avancé similaire à celui de la maison [J], que l'âme centrale de la poutre jouxtant la trémie avait presque totalement disparu, et ajoute que l'expert a émis l'hypothèse que le vieillissement accéléré des poutrelles serait dû aux travaux de rénovation entrepris par M. [I] en 1995 ; que l'arrêt retient que les acquéreurs, profanes en matière de construction, n'ont pu pleinement apprécier, au moment de l'acquisition du bien, en 2010, l'état de dégradation avancé des poutres métalliques dans la cave et l'évolution de celle-ci ; qu'en décidant néanmoins que le vice tenant à la rouille extrême des poutres métalliques avait le caractère d'un vice caché, l'arrêt attaqué a violé les articles 1641 et 1642 du code civil ;
2°/ qu'en déduisant des seules observations effectuées par l'expert dans la maison de M. et Mme [J] dans laquelle l'effondrement d'une poutre et de ses remplissages a mis à jour de nouvelles poutres dans un état de décomposition par la rouille très avancée, qu'un état de rouille similaire affecterait également les poutres non visibles du plafond de la cave des consorts [P]-[O], la cour d'appel, qui a statué par une motivation impropre à établir l'ampleur et la gravité du vice, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;
3°/ que l'arrêt constate que, par une ordonnance rendue le 1er février 2018, non exécutée, le juge chargé du contrôle des expertises a ordonné, à la demande de M. [I], une extension de la mission de l'expert consistant, après une note de calcul établie par un ingénieur structure de son choix, à déterminer les qualités de la dalle de béton coulée par M. [I] et de faire toute observation sur cette dalle notamment si elle a été exécutée dans les règles de l'art au regard des contraintes de l'immeuble et de donner son avis sur les solutions techniques de reprise des désordres ; qu'en retenant que l'extension de mission ordonnée aurait certes permis une étude approfondie de l'état général de l'ensemble immobilier mais n'aurait pas modifié les constatations de l'expert sur le lien entre le plafond haut de la cave comme collaborant avec la dalle coulée par M. [I] en termes de stabilité, de portance du poids propre et des sollicitations d'exploitations et de flèches, la cour d'appel, qui a statué par un motif purement hypothétique, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de M. et Mme [I], qui faisaient valoir que la gravité du vice constitué par la rouille des poutres soutenant le plafond de la cave n'était pas démontrée dès lors que la maison des consorts [P]-[O] n'a subi aucun désordre, que depuis la chute partielle d'une partie du plafond de la cave de la maison de M. et Mme [J] en 2016 et l'arrêté de péril qui a été pris à titre préventif, aucun désordre n'a été signalé aussi bien au niveau du plafond de la cave que du plancher du rez-de-chaussée et que les seuls frais engagés par les consorts [P]-[O] pour réintégrer leur maison à la suite de l'arrêté de péril se sont élevés à la somme de 396 euros pour mettre en place à titre préventif un étaiement dans le sous-sol, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il est jugé, au visa de l'article 1642 du code civil, que le vice apparent est celui dont l'acquéreur a pu se convaincre dans toute son ampleur et ses conséquences (3e Civ., 14 mars 2012, pourvoi n° 11-10.861, publié).
7. La cour d'appel a relevé qu'il résultait du rapport d'expertise que le phénomène de rouille très avancé constaté sur les fers structurels du plancher haut de la cave de chacun des trois immeubles contigus, dont celui des acquéreurs, causé par le coulage en 1995 par le vendeur d'une dalle supérieure, était à l'origine de l'effondrement de la voûte dans la maison voisine de celle de ces derniers, et que le plancher haut de la cave, destructuré au niveau de sa partie portante, était appelé à s'effondrer partiellement ou en totalité, à défaut d'étaiement.
8. Ayant retenu que les acquéreurs, profanes en matière de construction, n'avaient pu pleinement apprécier, à la date de l'acquisition, l'évolution de l'état de dégradation avancée des poutres métalliques dans la cave, elle a pu en déduire, par une décision motivée, exempte de motif hypothétique, et sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que le vice était caché et antérieur à la vente, la pose d'étais pour éviter un effondrement rendant l'immeuble des acquéreurs impropre à son usage.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [I] et les condamne à payer à M. [P] et à Mme [O] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-cinq septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300457
Publié par ALBERT CASTON à 10:23
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Libellés : vente immobilière , vice apparent
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