Notion de contrat de louage d'ouvrage

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 23-23.188
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300460
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 25 septembre 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 04 octobre 2023

Président

M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Boucard-Capron-Maman, SCP Duhamel, SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 septembre 2025




Cassation partielle


M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 460 F-D

Pourvoi n° E 23-23.188




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2025

1°/ M. [T] [U] [E] [O] [K],

2°/ Mme [N] [P], épouse [K],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° E 23-23.188 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [I] [A] [L] [G], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à M. [S] [X], domicilié [Adresse 5],

3°/ à la société Promissimo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

5°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. et Mme [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Duhamel, avocat de la société Promissimo, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de M. [X], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, Mme Abgrall, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 octobre 2023), M. et Mme [K] ont fait construire une maison d'habitation, dont M. [K] a réalisé les travaux de clôture, composée d'un mur d'enceinte et d'un portail.

2. M. et Mme [K] (les vendeurs) ont vendu cette maison à Mme [G] (l'acquéreur) par l'intermédiaire de la société Promissimo (l'agent immobilier).

3. L'acquéreur, se plaignant de blessures provoquées par la chute du portail et de désordres, a obtenu qu'un expert soit désigné, les opérations ayant été étendues à M. [X] (l'entrepreneur), assuré auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, qui était intervenu pour la construction du mur d'enceinte.

4. L'acquéreur a assigné, après expertise, les vendeurs, l'entrepreneur et son assureur, en paiement de diverses indemnités.

5. Les vendeurs ont demandé la garantie de l'entrepreneur, de son assureur et de l'agent immobilier.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, sur le troisième moyen, pris en sa première branche, et sur le cinquième moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur les deuxième et cinquième moyens qui sont irrecevables.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Les vendeurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du rapport d'expertise en en adoptant les conclusions, de les condamner à payer à l'acquéreur diverses sommes au titre de la réfection du mur d'enceinte, des travaux de paysagiste et de ses préjudices de jouissance et moral, de rejeter leurs demandes à l'encontre de l'entrepreneur et de son assureur de responsabilité décennale, de rejeter leur appel en garantie formé à l'encontre de l'agent immobilier et de déclarer irrecevable leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de ce dernier, alors :

« 1°/ que l'expert, tout comme le juge, doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en jugeant, pour refuser d'annuler le rapport d'expertise, que l'expert n'avait pas violé le principe de la contradiction en débutant ses opérations d'expertise sans la participation de M. et Mme [K] parce qu'il n'avait pas à attendre que ceux-ci aient fini leur conversation avec leur avocat, quand il incombait à l'expert de respecter lui-même le principe de la contradiction, et donc de laisser les parties s'entretenir avec leur avocat avant de débuter les opérations d'expertise et, à tout le moins, de les avertir que ces opérations allaient débuter pour leur permettre d'y assister dès leur commencement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que selon l'arrêt attaqué, l'expert avait pour partenaire la société Régie Guers ayant pour associé M. [M] [Y], frère de M. [D] [Y], lui-même associé de la société Promissimo, partie au procès contre laquelle M. et Mme [K] formulaient des demandes ; qu'il en résultait un doute légitime sur l'impartialité de l'expert justifiant l'annulation de son rapport ; qu'en décidant le contraire au motif que la date à laquelle M. [M] [Y] est devenu associé de la société Régie Guers n'était pas connue et que les liens de l'expert avec cette société ne démontraient pas qu'il avait des intérêts communs ou des liens particuliers avec M. [D] [Y], la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, ayant relevé que les vendeurs avaient été convoqués lors du second accedit et qu'il résultait d'une lettre de leur conseil adressée au juge chargé du contrôle des expertises que toutes les parties étaient présentes et se tenaient devant la maison de l'acquéreur lorsque l'expert avait proposé de commencer ses opérations, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que celui-ci n'était pas tenu d'attendre que les premiers veuillent bien entrer dans la maison pour commencer à instrumenter.

9. En second lieu, elle a souverainement retenu que le fait que le site web de l'expert mentionne comme partenaire une société tierce ayant pour associé, depuis une date non précisée, le frère du gérant de la société Promissimo, n'établissait pas, faute d'éléments objectifs permettant de considérer que l'expert avait manqué d'impartialité, que celui-ci ait eu des intérêts communs ou des liens particuliers avec l'intéressée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. Les vendeurs font grief à l'arrêt de rejeter leur appel en garantie et l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de l'entrepreneur et de son assureur de responsabilité décennale, alors « que pour considérer que M. [X] n'était pas entrepreneur et écarter sa responsabilité à ce titre, les juges du fond ont retenu qu'il a émis une facture pour un apport de main d'oeuvre, que son montant ne correspondait pas à des prestations de louage d'ouvrage pour l'édification de murs de clôture d'un garage et les finitions de ceux-ci, que M. [K] n'a émis aucune réclamation sur le libellé de la facture lors-même qu'il a dirigé une société de travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiment et ne pouvait ignorer la distinction entre un tâcheron et un locateur d'ouvrage, que ce libellé montrait que M. [X] avait voulu spécifiquement se prémunir de toute mise en cause et s'exonérer de sa responsabilité en tant que professionnel de la maçonnerie, qu'au jour de la vente de leur bien à Mme [G] M. et Mme [K] ont déclaré au notaire l'identité des constructeurs de leur bien parmi lesquels ne figurait pas M. [X] ; qu'en statuant par ces motifs, inaptes à établir que M. [X] n'aurait pas concrètement exécuté ses travaux de façon indépendante et donc n'aurait pas été un locateur d'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1787, 1779 et 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. Ayant relevé que les vendeurs n'avaient pas déclaré à l'acte de vente M. [X] parmi les entrepreneurs ayant contribué à la construction et soumis à la garantie décennale, que ce dernier n'avait établi aucun devis et produisait une facture d'apport de main d'oeuvre pour la réalisation de murs de clôture et leurs finitions, dont le montant ne correspondait pas à des prestations de louage d'ouvrage et dont le libellé n'avait pas été contesté, alors que M. [K], ancien dirigeant d'une société de maçonnerie et de travaux de gros oeuvre, ne pouvait ignorer la distinction entre un tâcheron et un locateur d'ouvrage, la cour d'appel en a déduit, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'intention prêtée à M. [K] de se prémunir de toute mise en cause, que la preuve d'un contrat de louage d'ouvrage n'était pas rapportée.

13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

14. Les vendeurs font grief à l'arrêt de rejeter leur appel en garantie à l'encontre de l'agent immobilier, alors :

« 1°/ que si la société Promissimo avait conseillé Mme [G] sur l'absence d'achèvement du portail et sur l'existence des fissures du mur d'enceinte, cette dernière n'aurait pas acquis le bien ou l'aurait acquis en connaissance de cause, et donc n'aurait pu se prévaloir de la garantie décennale de M. et Mme [K], lesquels étaient dès lors bien fondés à solliciter que la société Promissimo les garantisse des sommes mises à leur charge en vertu de leur garantie décennale due à Mme [G] ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en ne s'expliquant pas comme elle y était invitée sur le fait que la société Promissimo ne pouvait ignorer les désordres notamment les fissures du mur, qui étaient apparentes, sur le fait qu'elle a manqué à son obligation de conseiller Mme [G] sur ce point, et sur la raison pour laquelle cette société n'aurait pas dû sa garantie à M. et Mme [K] en conséquence du manquement qu'elle a commis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil. »


Réponse de la Cour

15. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que les désordres relevant de la garantie décennale des constructeurs, affectant le portail et le mur d'enceinte, n'étaient décelables que par un professionnel de la construction, faisant ainsi ressortir qu'ils ne l'étaient pas pour un agent immobilier, la cour d'appel a pu en déduire que la demande de garantie formée par les vendeurs à l'encontre de l'agent immobilier à raison des condamnations prononcées à leur encontre au titre de désordres décennaux ne pouvait être accueillie.

16. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

17. Les vendeurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande de dommages-intérêts présentée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de l'agent immobilier, alors « qu'en relevant d'office l'irrecevabilité pour cause de nouveauté en appel de la demande de M. et Mme [K] que la société Promissimo soit condamnée à leur verser des dommages-intérêts, sans préalablement inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

18. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

19. Pour déclarer irrecevable la demande de condamnation de l'agent immobilier à payer des dommages-intérêts aux vendeurs, l'arrêt retient qu'il s'agit d'une demande nouvelle pour avoir été formée pour la première fois en appel.

20. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'irrecevabilité qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable la demande de dommages-intérêts présentée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de l'agent immobilier n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les vendeurs aux dépens, justifiés par d'autres condamnations prononcées à leur encontre, et au paiement de certaines sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de parties, autres que l'agent immobilier.

Mise hors de cause

22. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il convient de mettre hors de cause l'acquéreur, l'entrepreneur et son assureur, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de la société Promissimo, et en ce qu'il condamne M. et Mme [K] à lui payer les sommes de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et de 2 500 euros en application du même texte en appel, l'arrêt rendu le 4 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Met hors de cause Mme [G], M. [X] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Promissimo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-cinq septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300460

Publié par ALBERT CASTON à 10:39  

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