Régime de l'amende pour recours abusif et des dommages et intérêts pour recours abusif
Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende d’un montant maximal de 10 000 euros (Code de justice administrative, article R741-12). En d’autres termes, l’amende pour recours abusif est à l’initiative du juge et relève de son appréciation souveraine.
De ce fait, la demande d’une partie tendant à la condamnation d'une autre partie à une amende pour recours abusif est irrecevable (Conseil d'Etat, 2 avril 1971, n°79245).
Cependant, lorsque le comportement abusif de la part du requérant cause un préjudice au bénéficiaire du permis de construire, le bénéficiaire peut demander au juge saisi du recours de condamner l’auteur du recours abusif à lui allouer des dommages et intérêts (Code de l’urbanisme, article L600-7).
Outre la démonstration d'une faute, il convient de justifier d'un préjudice
Dans une affaire jugée récemment, la Cour administrative d'appel de Nancy a retenu qu'était abusif le recours intenté par la Commune contre la société bénéficiaire d'un permis de construire portant sur un ensemble immobilier de bureaux et d'activités.
Pour autant, le bénéficiaire n'a pas été indemnisé.
Selon les juges, le préjudice allégué n'était pas démontré. Le pétitionnaire faisait valoir que la vente des constructions aurait pu intervenir plus tôt, ce qui lui aurait permis de disposer des sommes correspondantes et de les placer.
Les juges vont purement et simplement écarter cet argumentaire, au motif que le préjudice n'était pas justifié par la seule production d'un tableau de synthèse des coûts de construction et un document publicitaire d'une banque exposant les offres de placement de trésorerie :
"18. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".
19. Alors au demeurant que la requête, qui n'apparaît pas motivée par des considérations tirées du respect des règles d'urbanisme, doit être regardée comme traduisant un comportent abusif de la commune de Wolfisheim, la SCI Arefim ne peut être regardée comme justifiant du préjudice allégué, tiré de la perte des revenus de placement qu'aurait généré la plus-value résultant de la cession de la construction immobilière réalisée si la vente avait pu être conclue au 30 février 2024, en se bornant à produire un simple tableau de synthèse des coûts de construction exposés et un document publicitaire de sa banque exposant ses diverses offres de placement de trésorerie. Il s'ensuit que sa demande indemnitaire en application des dispositions précitées doit, pour ce motif, être rejetée." (CAA de NANCY, 3ème chambre, 17 octobre 2024, 23NC02531).
Pourtant, les juges sont susceptibles de réparer le préjudice financier comme le préjudice moral
Ainsi, l'exploitant agricole dont le projet de hangar été contesté abusivement, en l'espèce par deux requêtes, l'une ayant fait l'objet d'un désistement et l'autre étant tardive, le juge a réparé à la fois le préjudice moral et le rencherissement du coût des travaux en raison du retard pris pour le projet :
"eu égard au préjudice financier subi par M. C mais aussi au préjudice moral tenant aux difficultés tant matérielles qu'humaines rencontrées par l'intéressé dans la poursuite de son activité en l'absence de local de stockage et à la multiplicité des procédures contentieuses diligentées, il y a eu de condamner M. G et Mme A à verser à M. C la somme de 4 000 euros au titre de dommages et intérêts" (Tribunal Administratif de Lille, 18 juillet 2024, n°2103736).
Pour réagir à un recours abusif, se faire assister par son conseil pour constituer le dossier et réunir tous les justificatifs utiles
La caractérisation d'un recours abusif n'est pas toujours aisée, le mobile détourné du requérant n'étant pas toujours transparent, et pouvant être dissimulé dérrière un recours argumenté et même pertinent (Cour Administrative d'Appel de Nancy, 4 juin 2024, n°21NC01744 ; Cour administrative d'appel de Bordeaux, 20 juin 2024, n°22BX02532).
Si un effort probatoire est nécessaire de ce point de vue, il ne faut pas négliger pour autant la démonstration d'un préjudice indemnisable, sans quoi la reconnaissance du caractère abusif du recours n'a d'autre intérêt que symbolique.
L'exercice est d'autant plus complexe lorsqu'il n'y a pas eu de suspension en référé de l'autorisation d'urbanisme, qui est restée exécutoire et pouvait donc être exécutée aux risques et périls du bénéficiaire :
"Il résulte de l'instruction que M. A D est titulaire d'une autorisation de construire délivrée le 29 avril 2019 par le maire de Sarzeau, laquelle lui donnait la faculté de débuter les travaux ainsi autorisés. Il est observé que le tribunal administratif de Rennes n'a pas été saisi en référé d'une demande de suspension de l'exécution de cet arrêté par M. et Mme D." (Cour Administrative d'Appel de Nantes, 6 février 2024, n°22NT00164).
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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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