Crim. 5 janv. 2022, n°21-82.484

Délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre une personne incarcérée à l’étranger

Un mandat d’arrêt est un « ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l’encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l’avoir, le cas échéant, conduite à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue » (C. pr. pén., art. 122, al. 6), lorsqu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à la commission de certaines infractions (C. pr. pén., art. 122, al. 3).

Plus spécifiquement, l’article 131 du Code de procédure pénale énonce que « si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République, le juge d'instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d'arrêt si le fait comporte une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave ».

Daté et signé par le magistrat qui l’a décerné et revêtu de son sceau, le mandat d’arrêt précise alors l’identité de la personne à l’encontre de laquelle il est décerné, et, mentionne la nature des faits imputés, leur qualification juridique et les articles de loi applicables (C. pr. pén., art. 123).

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que le juge d’instruction doit apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce (Cons. const. 27 févr. 2015, n° 2014-452 QPC).

Il est depuis lors acquis en jurisprudence que : « le juge d’instruction ne peut délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n’est pas en fuite, sans avoir effectué les démarches requises pour l’entendre et sans avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce » (Crim. 16 déc. 2020, F-P+B+I, n°20-85.289 ; Dalloz Actualité, 20 janv. 2021, Mandat d’arrêt exécuté hors du territoire national, obs. H. Diaz).

Au cas de l’espèce, une cour d'appel a annulé le mandat d'arrêt délivré par un magistrat instructeur à l’encontre d’une personne incarcérée dans une prison américaine, considérant qu’il ne pouvait « être considéré ni qu'un détenu est en fuite ni qu'un lieu de détention constitue une résidence, alors que le législateur, dans différents textes, distingue clairement le lieu de résidence et le lieu de détention ».

La Cour de cassation est venue désapprouver ce raisonnement : en effet, il devait être considéré que le prévenu, incarcéré aux Etats-Unis lors de la délivrance du mandat, demeurait bien hors du territoire de la République, au sens de l'article 131 du Code de procédure pénale.

Dès lors, il appartenait à la cour d’appel, si elle estimait que l'audition par le magistrat instructeur de la personne recherchée, demeurant à l'étranger, était impossible ou irréalisable dans un délai raisonnable, d'apprécier la nécessité et la proportionnalité de la délivrance d'un tel mandat d'arrêt.

https://www.courdecassation.fr/decision/61d54229d3285b05184ed09d