Lorsque la victime directe décède, ses proches peuvent obtenir l’indemnisation des préjudices en lien avec son décès.

On les désigne alors sous le terme de victimes indirectes.

Le conjoint dispose d’un droit à indemnisation qu’il s’agisse du mari ou de l’épouse de la victime directe mais aussi de son concubin.

Le conjoint survivant subit deux types de préjudices :

  • Les préjudices extra patrimoniaux : le préjudice d’affection et le préjudice d’accompagnement
  • Les préjudices patrimoniaux : frais d’obsèques, frais divers et pertes de revenus.

Les préjudices patrimoniaux constituent le préjudice économique du conjoint survivant.

La perte de revenus peut être de deux ordres : les revenus perdus par les proches du vivant de la victime directe lorsqu’ils ont dû cesser partiellement ou totalement leur propre activité et la perte de revenu du foyer liée à la perte des ressources de la victime décédée.

Pour évaluer ce préjudice économique en cas de décès, il convient de calculer le revenu de référence annuel qui était celui du foyer avant le décès de la victime.

Les revenus du couple sont en général constitués des salaires des deux conjoints mais la jurisprudence admet également la prise en compte des avantages en nature de l'époux décédé (pêche, agriculture, chasse…).

On se reporte en général aux avis d’imposition.

Le revenu à prendre en compte est le revenu net avant imposition.

De ce revenu, il convient de déduire la part d’autoconsommation de la victime directe c’est-à-dire la part consommée par la victime de son vivant sur les revenus du foyer pour satisfaire ses besoins.

La part d’autoconsommation correspond à un pourcentage qui varie en fonction de la composition du foyer (nombre d’enfants) et de son niveau de vie.   

Après le décès, cette part d’autoconsommation n’est plus supportée par le foyer.

Il y a donc lieu de la déduire pour obtenir la perte annuelle du foyer.

Une fois le revenu disponible avant décès évalué, il convient de déduire les revenus actuels du foyer c’est-à-dire principalement les revenus du conjoint survivant, s’il en perçoit.

On obtient alors le préjudice annuel du foyer.

Ce préjudice sera ensuite capitalisé puis réparti entre les enfants à charge et le conjoint survivant.

Dans un arrêt du 7 octobre 2020 (19-17 041), la première chambre de la Cour de cassation est venue rappeler l’importance du principe de la réparation intégrale du préjudice et celle du lien de causalité direct entre fait générateur et préjudice.

Dans le cas où le conjoint survivant se remarie après le décès de la victime directe (son premier conjoint), faut-il tenir compte des ressources supplémentaires provenant du remariage pour évaluer le préjudice économique ?

Non ! répond la Cour de cassation.

Si après le décès de la première épouse, le veuf se remarie et bénéficie de nouvelles ressources, l’origine de ces nouvelles ressources se trouve dans la réorganisation de sa nouvelle vie et n’est pas la conséquence du décès.

Le veuf aurait pu rester veuf.

Ce n’est qu’en raison de sa volonté de réorganiser sa vie qu’il bénéficie de nouvelles ressources.

Le lien de causalité direct entre ces nouvelles ressources et le dommage ayant entrainé le décès fait défaut.

Mécaniquement, le fait de ne pas prendre en compte les ressources du nouveau conjoint va avoir pour effet de ne pas diminuer le préjudice de la victime indirecte.

Toujours concernant le calcul du préjudice économique du conjoint survivant, la Cour de cassation est venue rappeler dans deux arrêts que les juges du fond apprécient souverainement l’existence et l’étendue du préjudice économique.

C’est à bon droit que ces juges ont évalué le préjudice économique du conjoint survivant en capitalisant de façon viagère la perte du foyer sans tenir compte de la diminution des revenus que la victime aurait perçus à la date de son départ à la retraite.

Ces deux arrêts facilitent le chiffrage du préjudice économique en validant une capitalisation viagère de la perte du foyer.

Ils permettent de ne pas procéder en deux étapes : d’une part du jour du décès jusqu’à son jour supposé de départ à la retraite puis à compter du jour de la retraite jusqu’à la date présumée du décès naturel.

On évite en conséquence le calcul compliqué (notamment pour obtenir les justificatifs) des droits à la retraite prévisibles de la victime directe.

Chambre criminelle, 17 décembre 2019, 19-80.795 : pris en compte des avantages en nature (chasse, pêche, agriculture) à évaluer en contre-valeurs

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039692077?tab_selection=all&searchField=ALL&query=1980795&page=1&init=true

2ème chambre civile 6 février 2020, 19-10897 et 1ere chambre civile 5 février 2020, 18-21696 : pouvoir souverain des juges du fond pour évaluer l’étendue du préjudice économique (pas de distinction de pertes de revenus avant et après le départ à la retraite de la victime directe)

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041585791?tab_selection=all&searchField=ALL&query=18-21696&page=1&init=true

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041585817?tab_selection=all&searchField=ALL&query=19-10897&page=1&init=true

2ème chambre civile 7 octobre 2020 19-17041 : les revenus de la nouvelle épouse de doivent pas être pris en compte lors du calcul du préjudice économique du conjoint survivant

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042438732?tab_selection=all&searchField=ALL&query=19-17041&page=1&init=true