Les articles L. 1142-1 à L. 1142-8 du Code de la santé publique définissent les cas d'engagement de la responsabilité des professionnels de santé (faute, responsabilité sans faute, solidarité nationale).

 

S’agissant de la responsabilité pour faute, l’article L. 1142-1-I du Code de la santé publique dispose que les professionnels de santé "ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic et de soins qu'en cas de faute".

Traditionnellement, deux fautes sont retenues en matière de responsabilité médicale.

La faute dite d’humanisme qui s’entend de la méconnaissance par le professionnel de santé, des règles éthiques et déontologiques encadrant sa relation avec le patient.

La faute dite technique qui vise l’inobservation des normes scientifiques régissant la profession.

 

Pour caractériser la faute technique, l’expertise médicale est incontournable puisque seul un technicien peut déterminer si un professionnel s’est écarté des normes scientifiques.

La faute technique est alors appréciée à la lumière des « données acquises de la science », c’est-à-dire en l’état des connaissances scientifiques.

Par principe, la faute s’apprécie à la date de l’acte médical.

 

A cet égard, l'article L.1110-5 alinéa 5 du Code de la santé publique dispose que :

« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ».

Il en résulte que les diligences du professionnel de santé s’apprécient par rapport aux connaissances médicales révélées à la date de son intervention, c’est-à-dire par rapport aux pratiques et méthodes utilisées et publiées conformes à l’état des connaissances du moment.

Cette solution est constante en jurisprudence ( Cass. 1ère Civ. 4 janvier 2005, n°03-14.206; Cass. 1ère Civ. 6 juin 2000 n°98-19.295; Cass. 1ère Civ. 13 juillet 2016, n°15-20.268).

 

Dernièrement  la Cour de cassation vient d’apporter une nouvelle précision sur ce point : elle a considéré que pour se défendre, le médecin peut se prévaloir de recommandations médicales postérieures à l’acte médical.

C’est le sens de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 5 avril 2018 (Cass. 1ère Civ. 5 avril 2018, n°17-15.620).

 

Dans cette espèce, une patiente a donné naissance à un enfant présentant de graves séquelles neurologiques.

 

La patiente a entrepris, aux côtés de son époux et d’un grand-parent, d’engager la responsabilité du gynécologue obstétricien ayant suivi tant sa grossesse que l’accouchement, de manière à obtenir l’indemnisation de la perte de chance de son enfant d’échapper aux séquelles neurologiques.

Des démarches amiables ont d’abord été initiées. Ainsi, dans le cadre d’une expertise médicale de la CRCI, les experts ont stigmatisé le comportement du praticien relevant notamment qu’il aurait dû pratiquer une césarienne en urgence.

Faute d’issue amiable, la famille de l’enfant a persévéré judiciairement dans sa demande d’indemnisation.

Celle-ci a été accueillie par la Cour d’appel qui a écarté la position du médecin tendant notamment à contester le principe de sa responsabilité.

Le praticien excipait de recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens édictés quelques mois après l’accouchement pour justifier que ses diligences étaient conformes aux données acquises de la science.

Il rappelait que ces recommandations constituaient une compilation de données acquises depuis plusieurs années, de telle sorte qu’elles devaient être prises en compte dans l’appréciation de la faute.

La Cour d’appel avait cependant écarté ce moyen posant que la publication ainsi évoquée était postérieure à l’acte médical.

 

La Cour de cassation a censuré les juges d’appel posant :

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'un professionnel de santé est fondé à invoquer le fait qu'il a prodigué des soins qui sont conformes à des recommandations émises postérieurement et qu'il incombe, alors, à des médecins experts judiciaires d'apprécier, notamment au regard de ces recommandations, si les soins litigieux peuvent être considérés comme appropriés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

La Cour de cassation a ainsi logiquement retenu l’opposabilité des recommandations émises postérieurement que dès lors que celles-ci compilaient les données acquises de la science à la date de l’acte médical.