Par un arrêt rendu le 15 mai 2024 (n°22-11.652), la Cour de cassation s’est prononcée sur la nullité du licenciement d’une salariée au statut de travailleur handicapé.
En application de l’article L1134-1 du Code du travail selon lequel « il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination », la Cour de cassation décide, que si le refus de l’employeur de prendre les mesures appropriées pour permettre au travailleur handicapé de conserver un emploi caractérise une discrimination à raison du handicap et rend nul le licenciement consécutif, la simple omission de prendre en compte le statut de travailleur handicapé et de lui proposer des mesures particulières ne permet pas de justifier la nullité du licenciement.
L’omission, et non le refus, de la prise en compte du statut de travailleur handicapé d’un salarié dans le cadre de la recherche de reclassement, peut-elle justifier la nullité de son licenciement ?
La Cour de cassation répond par la négative au visa de l’article L1134-1 du Code du travail, selon lequel, « il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination », et au visa des articles L5213-6, L1133-3, L1133-4 et L1134-1 du Code du travail, les articles 2, 5 et 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées signée à New York le 30 mars 2007 et les articles 2§2 et 5 de la directive du Conseil 2000/78/CE du 27 novembre 2000, dispositions qui permettent de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, et de lutter contre la discrimination.
Il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’en premier lieu, le juge doit rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, tels que le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables ou son refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures.
En second lieu, il appartient au juge de rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l’impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à leur mise en œuvre.
A cet égard, la Cour de cassation retient que la cour d’appel n’a pas fait application des dispositions de l’article L1134-1 du Code du travail, mais seulement application de l’article L5213-6 du Code du travail, selon lequel
« le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L1133-3 ».
Or, l’article L1134-1 du Code du travail commande de considérer les preuves de la partie défenderesse, ici l’employeur, selon lesquelles sa décision de licencier la salariée au statut de travailleur handicapé est justifiée par des éléments objectifs à toute discrimination.
Ainsi, selon la Cour de cassation, il ne suffit pas de retenir objectivement que le statut de travailleur handicapé d’un salarié n’a pas été considéré et qu’aucune mesure particulière ne lui a été proposé dans le cadre de la recherche de reclassement, pour venir justifier la nullité du licenciement.
Au contraire, il appartient au juge du fond de considérer les éléments objectifs à toute discrimination, rapportés par l’employeur, dont la simple omission, et non le refus, de prendre en compte le statut de travailleur handicapé dans le cadre de la recherche de reclassement.
Par conséquent, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris est cassé et annulé en ce qu’il dit le licenciement de la salariée nul, et en ce qu’il condamne l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement nul.
La solution de la Cour de cassation est très peu protectrice des salariés au statut de travailleur handicapé au profit d’une interprétation combinée, stricte et littérale des articles L5213-6 et L1134-1 du Code du travail qui consacre, une distinction fragile entre refus et omission de considérer le statut de travailleur handicapé.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Sarah Bouschbacher juriste M2 Propriété intellectuelle Paris 2 assas
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
e-mail: chhum@chhum-avocats.com
https://www.instagram.com/fredericchhum/?hl=fr
.Paris: 34 rue Petrelle 75009 Paris tel: 0142560300
.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644
.Lille: : 45, Rue Saint Etienne 59000 Lille – Ligne directe +(33) 03.20.57.53.24
Pas de contribution, soyez le premier