Mise en demeure et arrêté de fermeture

Le Maire et le Préfet peuvent ordonner par arrêté la fermeture d'un établissement recevant du public (ERP) en infraction avec les règles de sécurité jusqu'à la réalisation de travaux de mise en conformité. L'arrêté de fermeture est pris après mise en demeure restée sans effet de l'exploitant ou du propriétaire de se conformer aux aménagements et travaux prescrits ou de fermer l'établissement dans le délai imparti (Code de la construction et de l'habitation, article L143-3). 

 

L'absence de présomption d'urgence en cas de mise en demeure

Un copropriétaire d'une résidence hôtelière a saisi le juge des référés du Tribunal Administratif afin de faire suspendre une mise en demeure adressée par le maire, selon laquelle le bâtiment devait faire l'objet d'une levée de non-conformité dans un délai de trois mois.

Le juge indique en premier lieu qu'il n'existe pas de présomption d'urgence s'agissant d'une mise demeure fondée sur l'article L143-3 du Code de la construction et de l'habitation.

En effet, sans doute cette mise en demeure n'a pas des conséquences suffisamment graves (voir en sens contraire pour les mises en demeure adressées en application de l'article L480-1 du Code de l'urbanisme : Conseil d'État, 11 décembre 2023, n°470207 ; lire sur le blog : Le gouvernement rappelle les moyens d'action des maires face aux infractions en matière d'urbanisme, suite à une ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif de Strasbourg).

 

La difficulté à caractériser concrètement une situation d'urgence s'agissant d'une mise en demeure

Plusieurs éléments sont ensuite retenus pour caractériser le défaut d'urgence :

  • La menace d'une fermeture administraitve résultant d'une mise en demeure ne suffit pas à établir l'urgence, dès lors que la fermeture sera prononcée ultérieurement par un arrêté, qui pourra faire l'objet d'un référé suspension en temps utile,
  • La seule évocation d'une perte de 15% de chiffre d'affaire, même appuyée sur une attestation, ne suffit pas à caractériser une urgence pour motif financier, sans établir dans le même temps que la société copropriétaire n'est pas en mesure de faire face à cette perte de chiffre d'affaire.

"3. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'existe pas de présomption d'urgence, au regard des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, en matière de mise en demeure, prononcée en application de l'article L. 143-3 du code de la construction et de l'habitation. Il appartient donc à la société requérante de faire état de circonstances particulières justifiant que l'exécution des décisions attaquées soit suspendue. En l'espèce, pour caractériser l'urgence, la société requérante fait valoir que la mise en demeure du 20 juin 2024 du maire de Courchevel de lever dans un délai de trois mois les non-conformités constatées par la commission de sécurité d'arrondissement d'Albertville sur l'immeuble sis 410 rue du Jardin Alpin dont elle est copropriétaire et les décisions rejetant ses recours gracieux la privent du loyer égal à 15% du chiffre d'affaires hébergement que lui verse la société Honotel HRM avec qui elle a conclu un bail commercial pour l'exploitation de l'établissement hôtelier " Lake Hôtel " et emportent menace de fermeture de cet établissement. Cependant, la circonstance tenant à la menace de fermeture administrative pesant sur l'établissement hôtelier " Lake Hôtel " dont se prévaut la société requérante ne suffit pas à établir l'urgence qu'il y aurait à ordonner la suspension des décisions attaquées alors qu'une fermeture éventuelle de l'établissement hôtelier ne découle pas directement de l'exécution des décisions attaquées mais d'une décision qui n'est susceptible d'intervenir au plus tôt que le 25 septembre 2024. Par ailleurs, au soutien de ses allégations, la société requérante se borne à verser à l'instance une attestation de la société Nexity du 19 août 2024 attestant de l'encaissement des loyers entre décembre 2023 et avril 2024 pour un montant de 495 925,80 euros et un courrier du 1er août 2024 du président de la société Honotel développement indiquant maintenir la décision de différer l'ouverture des réservations hôtelières pour la saison hivernale tant que l'avis défavorable de la commission de sécurité n'a pas été levé. Toutefois, elle ne produit pas le contrat de bail commercial conclu avec la société Honotel HRM ni aucun document comptable ou relatif à sa situation financière et n'établit ni même n'allègue qu'elle ne pourrait faire face au manque à gagner que lui causerait les décisions en litige. Par suite, en l'état de l'instruction, la société requérante ne démontre pas que les décisions en litige prises en vue d'assurer la sécurité publique préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation." (Tribunal Administratif de Grenoble, 5 septembre 2024, n°2406502).

Dans ces conditions, il paraît difficile de caractériser l'urgence s'agissant d'une mise en demeure. Un effort particulier de documentation doit être fait pour démontrer l'urgence financière, mais cet effort ne sera pas toujours suffisant. En effet, les effets d'une mise en demeure sont limités et caractériser l'urgence restera sans doute difficile, sauf cas particulier.

 

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous assister dans l'analyse et la mise en oeuvre de la règlementation nationale et locale d'urbanisme et de la construction, notamment concernant les établissements recevant du public ;
  • Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques induits dans le cadre de votre projet ;
  • Pour vous accompagner dans la régularisation, et le cas échéant, en cas de litige lié aux mesures adoptées par l'administration locale ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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