Une servitude peut s'acquérir par prescription (Code civil, article 690). En d'autres termes, par l'écoulement du temps, un droit sur une vue, par exemple, peut être acquis du fait de la configuration des lieux (Cass. Civ. 3, 10 avril 1975, n°73-14.136).
Dans un récent arrêt, la Cour de cassation est venue apporter des précisions utiles sur l'acquisition par prescription d'une servitude de vue, alors que l'ouverture pratiquée l'avait été sans-autorisation.
Dans cette affaire, constatant que l'ouverture pratiquée l'avait été sans l'accord du tiers concerné (en l'occurence, la copropriété voisine, propriétaire du jardin sur lequel l'ouverture avait été pratiqué par un tiers) et en violation des règles d'urbanisme, aucune autorisation n'ayant été obtenue à cet égard, la Cour d'appel avait considéré que les ouvertures devaient être refermées dès lors que l'acquisition par prescription ne pouvait se faire sur la base d'actes illicites ou irréguliers.
La Cour de Cassation contredit la Cour d'Appel et juge que l'absence de déclaration préalable d'urbanisme et le défaut d'autorisation des travaux de percement par l'assemblée générale des copropriétaires ne font pas obstacle à l'acquisition d'une servitude de vue par prescription.
"Vu l'article 690 du code civil :
10. Selon ce texte, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans.
11. Une servitude de vue constitue une servitude continue et apparente qui existe du fait-même de la présence de l'ouverture donnant sur l'héritage d'autrui et dont la possession subsiste tant qu'elle n'est pas matériellement contredite.
12. Pour condamner M. [B] à fermer les ouvertures, l'arrêt énonce que nul ne peut prescrire en vertu d'une possession s'établissant sur des actes illicites ou irréguliers et retient que les vues droites et directes sur la résidence Le Soleil ont été percées dans le mur appartenant à la résidence Port des sables sans son accord et sans déclaration en application des dispositions de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, de sorte que la possession invoquée par M. [B] s'est établie sur des actes irréguliers.
13. En statuant ainsi, alors que l'absence de déclaration préalable d'urbanisme et le défaut d'autorisation des travaux de percement par l'assemblée générale des copropriétaires ne font pas obstacle à l'acquisition d'une servitude de vue par prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé." (Cour de cassation, 21 avril 2022, n°21-12.240).
Cette décision est d'importance pour les propriétaires voisins, copropriétaires, syndicat des copropriétaires qui peuvent à tort se croire protégés par l'absence d'approbation par eux ou par l'absence d'autorisation d'urbanisme. De même, les professionnels, agents immobiliers, promoteurs ou marchands de bien devront prendre en compte d'éventuelles servitudes acquises par prescription, même lorsqu'elles sont illicites, dans la définition de leur opération, tant au plan technique qu'économique.
Le cabinet est à votre écoute :
- Pour aider les professionnels à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations de vente, de promotion ou de marchands de bien ;
- Pour accompagner les propriétaires et tiers dans la défense leurs intérêts ;
- Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques, fiscaux et indemnitaires.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
le-ny.goulven@avocat-conseil.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
Pas de contribution, soyez le premier