Si le contrat de travail détermine les règles, obligations et devoirs de chacune des parties que sont l'employeur et le salarié, il ne peut concerner que le temps passé au travail. De la sorte, des circonstances extérieures à la vie professionnelle et tenant à la vie privée du salarié ne peuvent être prises en considération, sauf si elles affectent la relation salariale. Dés que l'ouvrier quitte son usine ou l'employé son bureau, il doit pouvoir jouir d'une liberté qui ne connaît d'autres contraintes que les règles de la vie en société et le respect des lois et règlements. Se fondant sur les dispositions de l'article 9 du Code civil qui assure à chacun le droit au respect de sa vie privée, la Cour de cassation estime ainsi qu'il ne peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié que si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière.
En substance donc, une frontière existe bien entre la vie privée et la vie professionnelle. Les actes de la vie privée ne sauraient avoir d'influence sur la vie professionnelle, ce qui signifie que l'employeur ne peut pas tirer argument de faits et gestes de son salarié en dehors du travail. A l'exception toutefois du cas où le comportement du salarié créé un « trouble caractérisé au sein de l'entreprise » compte tenu de ses fonctions et de l'activité exercée. En guise d'exemple, il faut rappeler l'affaire jugée le 2 décembre 2003 par la Cour de cassation qui a décidé que le retrait de permis pour conduite en état d'ivresse d'un chauffeur routier en dehors du temps de travail peut justifier son licenciement dès lors que le comportement de ce salarié se rattachait nécessairement à la vie professionnelle. Mais en dehors de ce cas, très particulier, les exemples sont nombreux pour dire que le comportement d'un salarié en dehors du travail n'a aucun impact sur la continuité de son contrat de travail.
Un arrêt récent nous en donne une nouvelle illustration, à une précision près. Dans cette affaire, un ouvrier avait volé des enjoliveurs sur le véhicule d'un de ses collègues de travail garé à l'extérieur de l'entreprise. L'employeur considérant que ce vol avait eu des répercussions sensibles sur la marche de l'entreprise, compte tenu vraisemblablement de la mauvaise ambiance générée, un licenciement pour faute grave a été notifié à ce salarié voleur. Contestant son licenciement en invoquant la séparation vie personnelle – vie professionnelle, le salarié n'avait pas été entendu par la Cour d'appel qui avait au contraire estimé que ce vol avait altéré le climat entre les salariés inévitablement conduits à garer leur véhicule dans des conditions analogues, retenant donc le trouble objectif causé à l'entreprise par le comportement du salarié.
Cette analyse est censurée par la Cour de cassation dans un arrêt récemment rendu le 19 septembre 2007. La plus haute juridiction décide que s'agissant d'un licenciement disciplinaire en raison de la faute grave invoquée, les faits imputés au salarié relevant de sa vie personnelle ne pouvaient constituer une faute. L'analyse de cet arrêt permet toutefois de relever que seule la faute grave est écartée par la Cour de cassation qui ne censure donc que partiellement la décision de la Cour d'appel. Ainsi, le vol commis en dehors du travail mais au préjudice d'un collègue constitue pour l'employeur un fait susceptible de permettre le prononcé d'un licenciement pour motif personnel. Mais la faute grave est exclue puisque celle-ci requiert qu'elle ait été commise à l'occasion du travail (ou du fait du travail), ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Pour conclure, il ne peut en principe être procédé au licenciement d'un salarié pour un motif tiré de sa vie privée sauf si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière.
Soc. 19 septembre 2007 n° 05-45.294
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