Etude, par M. CROZE, SJ G, 2013, p. 1324. A propos de Cass. civ. 2ème n° 12-19.086, reproduit ci-dessous.

Voir également :

- Etude, par Mme BLERY, Gaz. Pal., 2013, n° 244, p. 30, soulignant, que - pour la Cour de cassation - l'irrégularité de la notification préalable est un vice de forme dont la nullité ne peut être prononcée que si un grief est établi.

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 16 mai 2013

N° de pourvoi: 12-19.086

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 mars 2012), que la SCI Lacoste-Argonne (la SCI) a relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance l'ayant déboutée de toutes ses demandes formées contre la société Aviva assurances (la société Aviva) ; que cette dernière a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident d'irrecevabilité de l'appel ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 748-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant du décret n° 2009/ 1524 du 9 décembre 2009, s'il dispose bien que les envois, remises et notification des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique, il n'indique nullement que les copies expéditions revêtues de la formule exécutoire d'un jugement susceptible d'appel, puissent être valablement signifiées à avocat par voie électronique ; qu'il faudra attendre le décret n° 2012/ 366 du 15 mars 2012, relatif à la signification des actes d'huissiers de justice par voie électronique et aux notifications internationales pour que ce type de signification de jugement puisse se faire selon des modalités bien précises résultant de l'article 3 dudit décret, insérant un nouvel article 662-1 au code de procédure civile pour être régulière et opposable et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel applique, par fausse application, l'article 748-1 du code de procédure civile dans sa rédaction résultant du décret n° 2009/ 1524 du 9 décembre 2009 et méconnaît les exigences de l'article 12 du code de procédure civile en mettant en oeuvre un corps de règles qui ne pouvait recevoir application à la date de la signification litigieuse qui a été faite le 16 juin 2011 ;

2°/ que la cour d'appel ne précise pas, comme elle se le devait, sur la base de quel corps de règles spécifiques elle se prononce, le conseiller de la mise en état ayant pour sa part relevé qu'en l'état de la convention passée entre le tribunal de grande instance de Bordeaux et le barreau de Bordeaux, l'avocat appartenant à celui-ci, qui s'est engagé, en s'inscrivant au réseau privé virtuel d'avocats, à respecter la convention souscrite entre l'ordre des avocats de Bordeaux et le tribunal de grande instance de Bordeaux de « transmettre systématiquement et exclusivement au moyen d'un courrier électronique à l'ensemble des actes et documents produits dans le cadre de la mise en état » ; il va de soi que la signification à avocat d'un jugement est totalement extérieure à la mise en état et ne pouvait entrer dans le champ d'application de l'accord spécifique passé entre le tribunal de grande instance et le barreau, accord nécessaire en l'absence de réglementation particulière régissant la signification des actes d'huissiers de justice par voie électronique, réglementation qui n'existera qu'à compter du 15 mars 2012 par un décret applicable à compter du 18 mars 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser avec la rigueur requise sur quel corps de règles spécifiques opposables à la SCI, elle se fondait pour juger valable une signification d'un jugement par voie électronique entre avocats, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble viole par fausse application l'article 748-2 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable ;

3°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait étendu se fonder sur la Convention nationale relative à la communication électronique entre les juridictions ordinaires du premier et du second degré et les avocats en date du 16 juin 2010 signée entre le ministère de la justice et le CNB qui définit le périmètre fonctionnel de la communication électronique en son article 4 intitulé « cadre de référence fonctionnel et technique » comme s'étendant « dans le respect des dispositions du code de procédure civile (a) toutes les étapes ou maillons de procédure (qui) pourront, selon l'avancement des développements informatiques de part et d'autre, faire l'objet de transmissions de données informatisées (au moyen de fichiers structurés ou non, de messages et de pièces jointes selon les cas) », et en affirmant qu'en adhérant au RPVA et en devenant attributaire d'une adresse personnelle dont le caractère spécifique résulte de l'identification par son nom et son prénom, précédé d'un radical unique constitué par son numéro d'affiliation à la Caisse nationale du barreau français, Mme Anne-Marie X... doit être présumée avoir accepté de consentir à l'utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à son égard et qu'il n'est donc pas nécessaire de recueillir son accord express en application de l'article 748-2 du code de procédure civile qui n'a pas vocation à s'appliquer entre avocats postulants adhérents au RPVA ; qu'en ne répondant pas à la démonstration de la partie appelante qui soutenait que « contrairement à ce qui est affirmé par l'ordre des avocats, une lecture précise de la Convention nationale oblige à considérer que toutes les étapes ou maillons de procédure s'arrêtent avec le dessaisissement du juge, la cour d'appel méconnaît ce qu'implique l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que, par ailleurs, s'il est exact que l'ordre des avocats a critiqué la référence faite par l'ordonnance du conseiller de la mise en état à la convention passée entre le tribunal de grande instance de Bordeaux et l'ordre des avocats de Bordeaux sur RPVA en date du 21 janvier 2008 au prétexte que cette convention aurait été « annulée » par la Convention nationale du 16 juin 2010, l'appelant insistait sur le fait que, d'une part, cette Convention nationale n'avait pas été invoquée par Aviva dans le cadre de l'incident introduit devant le conseiller de la mise en état, étant observé qu'au surplus, et surtout, la Convention du 10 juin 2010 ne concernait pas les mêmes signataires et qu'en tout état de cause cette Convention du 10 juin 2010 nationale n'était qu'une convention-cadre comme l'avait été la précédente du 28 septembre 2007 à l'origine de la convention d'application entre le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Bordeaux et le tribunal de grande instance de Bordeaux et qui, en l'absence de convention d'application, cette convention-cadre ne pouvait être utilement invoquée ; qu'en ne répondant pas davantage à cette démonstration rigoureuse de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige, la cour d'appel viole de plus fort l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'irrégularité de la notification préalable à avocat est un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification destinée à la partie que sur justification d'un grief ;

Et attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la SCI Lacoste-Argonne ait allégué, devant la cour d'appel, un grief tenant aux modalités de notification du jugement à son représentant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Lacoste-Argonne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Lacoste-Argonne à payer la somme de 2 500 euros à la société Aviva assurances et rejette sa demande ;