Cet arrêt est très important par le refus qu'il parait exprimer de l'existence d'une action contractuelle en responsabilité autonome, dispensant d'exercer l'action en garantie des vices cachés. Il semble revenir ainsi sur la position contraire affirmée dans deux arrêts précédents (n° 11-13.176 et 11-22.399 de juin et septembre 2012), voyant dans l'article 1645 du code civil le fondement d'une telle action contractuelle en responsabilité autonome.

Il est commenté par :

- M. MALEVILLE , Dictionnaire permanent « assurances », bulletin, mai 2013, p. 8.

- Mme LE GALLOU, Revue LAMY « DROIT CIVIL », mai 2013, p. 15.

- M. PILLET, "Le vice caché ne donne pas ouverture à une action contractuelle" : SJ G, 2013, p. 1221.

- Mme LE GAC-PECH, SJ EA, n° 22, 30 mai 2013, 1309 : "Un embarrassant va et vient du droit des sanctions en matière de vente"

- M. HONTEBEYRIE, D. 2013, p. 1947.

- MM. LE BOURG et QUEZEL-AMBRUNAZ, Revue des contrats, 1er juillet 2013, n° 3, p. 967.

- M. MEKKI, Gaz. Pal., 2013, n° 314, p. 15.

- M. STOFFEL-MUNCK, SJ G, 2013, p. 2242.

Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », pages 429, 651, 778, 822.

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 19 mars 2013

N° de pourvoi: 11-26.566

Publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2010), que la société des journaux La Dépêche du Midi et Le Petit Toulousain, devenue la société Groupe La Dépêche du Midi (la société DDM), a acquis deux rotatives de la société Heidelberg, devenue Goss international Montataire (la société Goss) ; que des dysfonctionnements ayant affecté la qualité d'impression des journaux, la société DDM a assigné en réparation de ses préjudices la société Goss sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Sur le troisième moyen, qui est préalable :

Attendu que la société Goss reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société DDM des dommages-intérêts au titre des vices cachés, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en jugeant que la société Goss ne pouvait -pour s'exonérer de sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés- invoquer la période nécessaire de mise au point du matériel, ni le fait qu'elle avait réglé les problèmes techniques dans un délai relativement bref, quand il était acquis au débat que les problèmes techniques affectant les rotatives avaient -avec l'accord de la société DDM- été réglés avant le dépôt de la demande d'indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ;

2°/ que ne constitue pas un vice caché un dysfonctionnement apparent, prévu et pris en compte par des stipulations contractuelles mettant à la charge du vendeur et prestataire de service l'obligation d'y remédier, qu'en statuant néanmoins comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les dysfonctionnements observés durant la période de rodage avait excédé les prévisions du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1642 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni des écritures d'appel, ni de l'arrêt, que la société Goss ait soutenu que l'action de la société DDM aurait été irrecevable en ce qu'il avait été remédié aux vices affectant les matériels litigieux ; que le grief, nouveau, est mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les défauts invoqués par la société DDM, imputables à la société Goss, n'étaient pas apparents à la livraison et ne se sont révélés qu'après la mise en production de la nouvelle formule du journal La Dépêche du Midi, et qu'ils étaient à l'origine d'une mauvaise qualité et de retards d'impression, la cour d'appel, qui a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain que ces défauts constituaient des vices cachés ayant rendu les rotatives impropres à l'usage auquel elles étaient destinées, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Goss fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en écartant la clause limitative de responsabilité stipulée au contrat sans caractériser de contradiction entre cette clause et la portée de l'obligation conventionnelle essentielle de délivrance des rotatives accompagnées d'une prestation d'assistance technique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ qu'en écartant, sans justification, la garantie conventionnelle qui reflétait la répartition du risque librement négociée et acceptée par des contractants avertis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ;

3°/ qu'en écartant le jeu de la garantie conventionnelle sans avoir constaté que l'indemnisation prévue au titre de cette garantie aurait été dérisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que le vice caché, lequel se définit comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination, ne donne pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle mais à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du code civil ; qu'après avoir souverainement constaté que le vendeur et l'acheteur n'étaient pas des professionnels de même spécialité, l'arrêt retient que ce dernier ne disposait pas des compétences techniques nécessaires pour déceler les vices affectant la chose vendue ; que de ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement déduit que la société Goss ne pouvait opposer à la société DDM la clause limitative de responsabilité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Goss fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en retenant l'existence d'une faute lourde à la charge de la société Goss sur le seul fondement de la prétendue inaptitude de cette société à remplir sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les parties n'étaient pas des professionnels de même spécialité, de sorte que la clause limitative ne pouvait être opposée à la société DDM, la cour d'appel, qui n'a pas adopté le motif critiqué par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Goss international Montataire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Groupe La Dépêche du Midi et rejette sa demande ;