Laïcité. Une question qui interroge essentiellement le français.

Au sens de l'essence de son être.

Car le français moderne s'est forgé contre la religion séculaire. Il a ainsi créé cette notion de "laïcité", originale et unique, qu'on ne retrouve dans nul autre pays.

L'Angleterre a une religion d'Etat. La Suisse est catholique. L'Italie abrite la Rome Papale. L'Espagne est catholique. L'Allemagne se revendique luthérienne. Les Etats Unis d'Amérique affirment leur croyance en Dieu (In God We Trust)!

Sans compter les autres nations théocratiques, essentiellement musulmanes.

Bref la France est certainement le seul pays qui a officiellement rejeté la religion comme mode de gouvernement. Comme influence législative. Comme source de droit.

On peut donc comprendre que le débat sur la laÏcité reste difficile à vivre en France. Ce débat a laissé des cicatrices très profondes dans les familles.

Il est source de conflits scolaires. Les familles s'étant emparées de l'Ecole dite "libre". Et l'école s'étant - en réaction - emparée du débat. Comme jadis Péponne et Don Camillo...

Aussi, ce serait faire une très mauvaise interprétation des faits en considérant que le débat sur la laïcité est un débat orienté "contre" une religion particulière - en l'occurence la religion musulmane en 2011.

Le débat sur la laïcité est un débat récurrent. A chaque fois qu'un dogme religieux interragit sur la vie civile, le débat renaît en France avec d'autant plus de fougue qu'il a été vite oublié.

De fait, le 21ème siècle marque une grande crainte à l'égard d'une seule religion - l'islam. Ce n'est pas un fait propre à la France. C'est une crainte partagée par l'ensemble du reste du monde. Et de fait, le 21ème siècle s'est ouvert sur des attentats revendiqués au nom de cette religion. Par des personnes se revendiquant d'une orthodoxie religieuse. Et prétendant imposer leur religion sur l'ensemble du monde libre. Au nom d'un combat sacré.

Alors, oui, de fait, la crainte des civilisations confrontées à cette violence est légitime. D'autant que l'Islam est une religion complexe à comprendre. Et que, dans l'histoire, ce n'est pas une religion qui prône la paix universelle, bien au contraîre.

Mais est-ce de l'Islamophobie au sens où l'expriment les associations? Je n'y adhère pas du tout.

La crainte ne porte pas sur la religion musulmane en général, mais sur une partie de sa représentation, le chiisme.

Tout comme jadis la religion catholique s'est scindée, il semble acquis aujourd'hui que le chisme entre les Sunites et les Chiites a pour effet d'entraîner une séparation définitive dans les modes de pensée religieuse. Si une même loi religieuse les sous-tends, l'interprétation et l'application de la loi religieuse semble les séparer. Et la France, qui héberge la plus importante communauté musulmane en Europe (à l'exception peut-être de l'Allemagne, si l'on considère les turcs comme musulmans) a des raisons de s'interroger sur les limites de la pratique religieuse musulmane et son interraction avec la vie civile française.

Car, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le religieux catholique qui pose problème dans les lycées, en exigeant d'aller tête nue. S'il vient en sandales, et barbe de plusieurs jours, celà ne choque guère. Ce n'est pas non-plus le religieux protestant, ni le religieux juif. Ni même le religieux bonze, shintoïste ou moine shao-lin. Ceux-ci ne demandent pas aux institutions publiques de s'adapter à leurs pratiques.

Ils ont accepté de longue date que leur pratique religieuse est secondaire par rapport au fonctionnement des institutions, et qu'ils doivent en conséquence l'adapter ou la reporter au moment et au lieu opportun (église, temple, synagogue, pagode...).

En revanche, c'est bien la revendication identitaire musulmane - légitime en soi - qui crée le scandale dans les écoles et les lycées, en imposant le voile.

C'est également cette revendication identitaire - est-elle encore légitime? - qui déstabilise les hôpitaux en exigeant des soignants féminins pour traiter les femmes, ou des horaires de piscine réservés aux femmes...

C'est encore cette revendication identitaire - est-elle réellement légitime?- qui désoriente l'ordre public en circulant voilée, conduisant voilée, rendant impossible l'identification à une période sécuritaire très tendue, où précisément les risques d'attentats d'origine de groupes d'obédience religieuse islamique extrémiste se multiplient, où la question sécuritaire devient un fait majeur de notre société, et où le contrôle automatique ou à postériori des identités devient un mode de vie normal.

Dès lors, en refusant de retirer le voile, pour des raisons dont je ne conteste pas la nature religieuse, ces personnes sont bien à l'origine du climat d'inquiétude majeure de la société à l'égard d'une religion dont la très grande majorité des adeptes n'a jamais eu le moindre comportement antisocial.

Il était donc normal que l'Etat s'invite dans ce débat, puisqu'il doit anticiper et gérer les problèmes avant qu'ils n'intervienent.

Or, les problèmes sont là - de fait. Personne ne les a souhaité. Ni les musulmans, ni les autres. Mais la France est confronté à un défit que les autres pays n'ont pas à supporter car leurs institutions sont différemment constituées.

En parler, ce n'est pas créer le problème ni nourir la bête. C'est au contraire réfléchir aux solutions possibles.

Refuser le débat, c'est au minimum faire preuve d'incapacité à se projeter dans l'avenir, et à raisonner.?

C'est au pire instrumentaliser la difficulté à des fins que je ne comprends pas.