CC, Décision n° 2016-540 QPC du 10 mai 2016

Par une décision du 10 mai dernier, le Conseil constitutionnel a validé la conformité au regard de la Constitution du paragraphe I de l'article L.145-3 du code de l'urbanisme (ancien).

Aux termes de cet article, dans sa rédaction résultant de la loi du 2 juillet 2003 :

"Lorsque des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu'ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l'autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l'objet d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux à l'institution d'une servitude administrative, publiée au bureau des hypothèques, interdisant l'utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l'absence de réseaux. Lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l'interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l'article L. 362-1 du code de l'environnement".

Une société propriétaire d'un châlet d'alpage frappé de la servitude prévue par cette disposition demande au Maire de la commune d'abroger l'arrêté municipal l'instituant, ce que le Maire refuse de faire.

La société demande alors au tribunal administratif d'annuler cette décision de refus ainsi que l'arrêté municipal instituant la servitude litigieuse.

Dans le cadre de cette procédure, la requérante va soulever une question prioritaire de constitutionnalité qui sera jugée suffisamment sérieuse par les juges administratifs pour être transmise in fine au Conseil constitutionnel statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

La société requérante soutenait : "(...) qu'en permettant à l'autorité administrative d'instituer une servitude interdisant l'usage des chalets d'alpage et des bâtiments d'estive en période hivernale sans prévoir une indemnisation du propriétaire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cette servitude, qui ne serait ni justifiée par un motif d'intérêt général ni proportionnée à l'objectif poursuivi et dont l'institution ne serait entourée d'aucune garantie procédurale, méconnaîtrait également les exigences de l'article 2 de la Déclaration de 1789. Il en résulterait enfin une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques et à la liberté d'aller et de venir." 

Le Conseil constitutionnel va déclarer cette disposition conforme en tout point à la Constitution.

Les sages de l'aile Montpensier du Palais-Royal vont tout d'abord préciser que :

"(...) la servitude instituée en vertu des dispositions contestées n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation à l'exercice du droit de propriété.(...)"

Cette limitation à l'exercice du droit de propriété poursuit un motif d'intérêt général dès lors qu'elle permet d'éviter : "(...) que l'autorisation de réaliser des travaux sur des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive ait pour conséquence de faire peser de nouvelles obligations de desserte de ces bâtiments par les voies et réseaux (...) [et garantit] la sécurité des personnes en période hivernale. (...)"

Ensuite, le juge constitutionnel rappelle qu'il existe des garanties suffisantes de contrôle de ce dispositif par la faculté ouverte aux propriétaires concernés de saisir la juridiction administrative pour demander l'abrogation, le cas échéant, d'une telle servitude.

Enfin, s'agissant des autres atteintes alléguées, le Conseil constitutionnel se limite à préciser que : "Le seul fait de permettre dans ces conditions l'institution d'une servitude ne crée aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Les dispositions contestées, qui se bornent à apporter des restrictions à l'usage d'un chalet d'alpage ou d'un bâtiment d'estive, ne portent aucune atteinte à la liberté d'aller et de venir."