Une décision du Tribunal de grande instance de Lille du 1er avril dernier a ému la presse.
(1) « Institutions: Rachida Dati malmenée durant les débats », Le Point, 31 mai 2008
Me Lo Re n'a pas manqué de mettre du "fluo" sur les dérives.
D'un point de vue strictement juridique un commentaire rapide est autorisé.
J'ai pris le temps de lire le commentaire de notre confrère Labbée au Dalloz (1).
Me Bogucki a ouvert un forum piquant comme à son habitude.
Voyons donc, comme à la faculté le sens, la valeur et la portée de cette décision à nos yeux.
Les faits et la Porcédure
Monsieur X a demandé en justice l'annulation du mariage qu'il avait contracté avec Y sur le fondement de l'article 180 du code civil.
Il indique qu'alors qu'il avait contracté mariage avec Y... après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu'il n'en était rien la nuit même des noces. Y... lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale.
Point important pour lire la décision, l'épouse avait demandé au Tribunal de lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par X...,
Le Tribunal après avoir envisagé les conditions de recevabilité de la demande en annulation du mariage a rendu une décision claire et précise sur les conditions de l'erreur, et sur les conséquences de l'aquiescement.
Rien a voir avec le féminisme ou la condition féminine... Juste une pure décision technique et juridique, conforme de mon point de vue à l'esprit de la loi.
"Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;
Attendu qu'en l'occurrence, Y... acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de X... au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint "
Commentaire.
Il faut aller plus loin que l'approche sexiste trop facile dans une telle décision qui est rendue par un Tribunal au fait des questions de droit de la famille en pratique.
Mon confrère Labbée exprime une position orthodoxe qui a été entendue selon le journal précité : "La question de la religion n'est "pas essentielle", a martelé Me Labbée. "Il faut ramener la question au mensonge. La solution aurait été la même pour quelqu'un ayant [...] caché quatre pages de casier judiciaire, le fait d'avoir déjà été plusieurs fois marié ou de s'être prostitué", a-t-il noté. "L'exemple traditionnel qu'on donne aux étudiants, c'est celui d'une femme qui a épousé un homme sans savoir qu'il était un ancien bagnard. C'est le fameux arrêt Berthon, qui date de 1868", a rappelé l'avocat."
Si la Chancellerie demande au parquet général de faire appel, mon confrère Eolas se demande si l'appel est même recevable...
Mon confrère Kos a publié un billet qui recentre sur la question juridique posée par la décision et qui tourne, a raison, nos extrèmes en dérision: "Ainsi, le fait que la grosse poitrine de votre nouvelle épousée soit due à des implants mammaires ne pourra probablement pas suffire à motiver une annulation. "
Dans cette discussion avec mes frères en la robe que je ne citerai pas et que je remercie pour m'avoir "chatouillé" sur la question, j'ai plusieurs remarques:
Il me semble avoir longuement exposé un point de vue selon lequel le mariage est un lien institutionnel qui se noue devant un représentant du peuple et ne peut se dénouer que devant un magistrat délégué pour ce faire par le peuple et dont la mission est de son de sonder le consentement de l'un et de l'autre.
Le divorce par consentement mutuel s'il échappait au contrôle du juge et du parquet deviendrait une sorte de répudiation pour laquelle le droit de la famille français ne me semble pas prêt.
En l'espèce le juge et le parquet de Lille ont, de mon point de vue rempli strictement leur office en démontrant au passage l'importance de leur intervention.
Le consentement et l'acquiescement sont des facteurs qui ont été justement pris en compte.
Le parquet intervient pour contrôler la conformité d'une union à l'ordre public, cette intervention autorise par exemple des prises de positions sur l'admission du divorce des homosexuels qui peut poser des questions en pratique, de conformité au droit communautaire...
La notion d'ordre public peut donc cèder devant l'administration de la preuve du fait que le consentement des partie a souscrire une union par mariage a été surpris, plus précisément, le parquet ne doit pas s'imiscer dans des questions religieuses si les conditions de recevabilité de l'action en annulation sont remplies et ne violent aucune loi de police.
Voici un des sens de la décision, je n'y trouve rien de choquant.
Tout est affaire de pacte entre les époux, si un couple connait des relations adultères et fonctionne ainsi, aucun parquet ne saurrait en demander l'annulation.
Pour avoir eu également la chance d'avoir à la Faculté une discussion avec Jean - Pierre Branlard sur la cause de nullité du rariage résidant dans une défloration dissimulée, il me semble également que Pascal Labbée est dans le juste juridiquement lorsqu'il place le débat sur ce terrain.
Sur l'administration de la preuve de la tromperie, je partage le point de vue qui consiste a dire que les femmes sont moins bien traitées que les hommes.
En effet si "il est plus aisé d'avoir la bouche ouverte que le bras tendu", il sera plus difficile a démontrer qu'un homme n'est pas vierge lorsqu'il se présente au mariage...
La discussion est ouverte surtout avec l'appel du parquet...
(1) Pascal Labbée - La marié n'était pas vierge - Req. D. 2008
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