Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », pages 102, 547, 572, 672.

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 28 mars 2013

N° de pourvoi: 12-15.373

Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 4 décembre 1998, M. Franck X... a perdu le contrôle de son automobile et heurté un camion conduit par M. Y..., assuré par la société Generali IARD, qui circulait en sens inverse ; que blessé dans cet accident, il a obtenu en référé, le 12 juin 2001, l'organisation d'une expertise médicale dont le rapport, déposé le 22 décembre suivant, a fixé la date de consolidation au 1er octobre 2001 et a évalué à 50 % le taux d'incapacité permanente partielle avec nécessité de l'assistance d'une tierce personne pour une durée hebdomadaire limitée ; que M. Franck X... ayant été victime, le 7 février 2004, d'un autre accident de la circulation, il a, avec ses père et mère, M. Christian X... et Mme Marie-José Z..., épouse X..., celle-ci agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de curatrice de son fils, Franck, et avec Mme Séverine A... en qualité de représentante légale de sa fille mineure Léa X..., et Mme Karine X... (les consorts X...), assigné M. Y..., la société Generali, la caisse primaire d'assurance maladie de Cambrai (CPAM), et les Institutions nationales de retraite et de prévoyance des salariés des industries et des commerces agro-alimentaires en indemnisation des préjudices subis à la suite du premier accident et en paiement de provisions à valoir sur ceux subis en raison du second ;

Attendu que le premier moyen, les quatrième, cinquième, sixième et septième branches du deuxième moyen, et la première branche du troisième moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ;

Attendu que pour évaluer, avant d'opérer des déductions, à 4 898, 85 euros la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce que l'expert indique dans son rapport du 13 septembre 2005 que les capacités professionnelles résiduelles de M. Franck X... après l'accident du 4 décembre 1998 étaient compatibles au mieux avec un emploi en atelier protégé ; que l'expérience qu'il y avait faite avait été concluante ; que M. Franck X... n'explique pas pourquoi il n'a pas persévéré dans cette voie avant que ne survienne le deuxième accident, se contentant de dire que les places y sont limitées et qu'il aurait pu ainsi perdre sa pension d'invalidité ; que cependant le travail en atelier protégé entraînait une diminution du salaire de M. Franck X... puisqu'il aurait alors perçu une rémunération égale au SMIC ; qu'ainsi, entre la date de consolidation, le 1er octobre 2001 et le 7 février 2011, date à laquelle il a arrêté ses calculs, si M. Franck X... n'avait pas été accidenté et avait continué à être employé dans la boulangerie de son père, il aurait pu percevoir, sur la base de ce que lui-même indique en fondant ses calculs sur le revenu perçu en 1998 sans jamais le revaloriser, 148 506, 75 euros ; que le travail en atelier protégé aurait quant à lui rapporté, sur la base du SMIC 143 607, 90 euros ; qu'il en résulte que la perte de gains du fait de l'accident se serait élevée à 4 898, 85 euros ; qu'il a cependant perçu pendant cette période des indemnités journalières du 1er octobre au 31 décembre 2001 pour 1 736, 80 euros, des salaires et assimilés pour 13 610 euros et des prestations ASSEDIC en 2003 pour 2 567 euros, de sorte que le cumul de ces trois années là montre que M. Franck X... n'a sur cette période du 1er octobre 2001 au 7 février 2011 subi aucune perte de revenus ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que M. Franck X... avait subi, du fait de l'accident, pendant de nombreux mois, une incapacité temporaire totale et partielle de travail, puis qu'il avait conservé une incapacité permanente partielle l'empêchant de reprendre son activité professionnelle, ce dont résultait l'existence d'un lien de causalité direct entre l'accident et le préjudice invoqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu les articles L. 211-9 dans sa rédaction alors applicable, et L. 211-13 du code des assurances ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que lorsque l'offre définitive, qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, n'a pas été faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; que cette sanction, applicable sans distinction, en cas de non-respect par l'assureur du délai précité, a pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à la victime à titre de dommages-intérêts, et non pas le solde restant dû après déduction des provisions déjà versées et imputation de la créance des organismes sociaux ;

Attendu que pour dire que les sommes allouées porteraient intérêts au double du taux légal à compter du 13 février 2006 et jusqu'à ce que l'arrêt devienne définitif, l'arrêt énonce que c'est à juste titre que la société Generali fait observer que le dépôt du rapport de M. B..., médecin, le 22 décembre 2001, ne saurait être considéré comme constituant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, alors que M. Franck X... a aussitôt contesté ce rapport en sollicitant une nouvelle expertise ; que, certes, il a été débouté de sa demande par jugement du 23 septembre 2004, mais qu'il en a interjeté appel, avant le 11 janvier 2005 ; que la date de consolidation était donc toujours en discussion jusqu'au dépôt du rapport de M. C..., médecin, le 13 septembre 2005 ; qu'en application de l'article L. 211-9 précité, la société Generali IARD devait faire une offre dans les cinq mois de ce dépôt, soit avant le 13 février 2006 ; que les intérêts au double du taux légal au paiement desquels sera condamné l'assureur ne peuvent cependant courir que sur les seules sommes dues à la victime et non sur celles également dues à la CPAM ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que la victime avait contesté la date de consolidation retenue par l'expert ne dispensait pas l'assureur de faire une offre d'indemnisation, et en excluant de l'assiette de la pénalité les sommes versées par la CPAM à la victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté qu'après imputation des sommes versées par la CPAM, il ne revient rien à la victime au titre de la perte de gains professionnels futurs, et en ce qu'il a limité aux sommes allouées à la victime le doublement des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2006, l'arrêt rendu le 24 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. Mohamed Y... et la société Generali IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Mohamed Y... et la société Generali IARD à payer à MM. Franck et Christian X... et Mme Z... épouse X..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, la somme globale de 2 500 euros ;