La responsabilité pour trouble anormal de voisinage ne résulte pas de la loi, mais d'une création (dite "prétorienne") des juges, en vertu du principe selon lequel "nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage".

Il s'agit d'une responsabilité sans faute. C'est l'anormalité du trouble qui entraîne la responsabilité de l'auteur, peu importe qu'il n'ait pas voulu nuire à son voisin. 

La notion de voisinage ne doit pas être entendue au sens strict : l'auteur du trouble et la victime peuvent ne pas être établis de façon contiguë. Il suffit qu'ils se trouvent dans la même zone géographique.

La qualité de propriétaire ou de locataire est indifférente : un propriétaire peut agir à l'encontre de son voisin locataire et vice-versa.

La nature du trouble de voisinage peut être très variée :

- le bruit (qui représente certainement le trouble le plus fréquemment invoqué),

- les perturbations radio-électriques,

- les odeurs,

- les fumées et poussières (usines, barbecues, ....),

- la perte d'ensoleillement,

- la perte de d'une vue sur un paysage (du fait de constructions ou de plantations nouvelles),

- les nuisances causés par les animaux,

..........

Le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier le caractére anormal du trouble, notion particulièrement subjective. Pour engager la responsabilité de l'auteur, le trouble doit excéder les inconvénients ordinaires du voisinage.

Il prend en considération les circonstances de lieux (ville ou campagne) et de temps (journée, nuit, fin de semaine).

Peut-il prendre en considération la réceptivité personnelle de la victime ? Certaines décisions semblent l'admettre.

En tout état de cause, la victime doit avoir subi un préjudice (sommeil rendu difficile par l'émission du bruit nocturne, ...).

Et, bien entendu, elle doit démontrer le lien de causalité entre le trouble (anormal) et le préjudice.

Il n'y a pas de compétence spéciale d'attribution en matière de troubles anormal de voisinage. C'est donc le montant de la demande formulée par la victime qui va déterminer le tribunal compétent : tribunal judiciaire ou tribunal de proximité (en cas de demande inférieure à 10.000 €).

Toutefois, il faudra tenir compte de la nature de l'affaire qui pourra entraîner une compétence exclusive : par exemple le tribunal de proximité pour un conflit portant sur la plantation d'arbres ou leur élagage.

La voie du référé peut s'imposer en cas de dommage imminent (bruit nocturne, décharge sauvage, ...). Mais, seul le juge du fond est compétent pour apprécier le caractère anormal du trouble.

Le demandeur doit apporter la preuve du trouble et démonter son caractère  anormal.

La réparation peut consister en l'allocation de dommages-intérêts, voire en la suppression de la construction ou de l'aménagement à l'origine du trouble.

L'auteur du trouble peut faire valoir la régle dite de "pré-occupation" actuellement codifiée à l'article 1253 du Code civil (à la suite de la parution de la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024).

Ainsi, si le trouble a son origine dans une activité déployée par l'auteur, la mise en oeuvre de l'action en reponsabilité - pour trouble anormal - peut être écartée, sous réserve que trois conditions soient réunies :

  1. L'activité doit avoir préexisté à l'installation (à proximité) de la victime du trouble.
  2. Le personne qui exploite doit le faire dans le respect des dispositions législatives et réglementaires.
  3. L'auteur doit démontrer que l'activité s'est poursuivie dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal.

Il faut noter que, dorénavant, cette disposition s'applique à toutes les activités sans exclusive : industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, touristiques, culturelles, sportives, .... Et que la victime peut être une personne, mais aussi une chose (tel qu'un terrain).

L'activité agricole fait l'objet d'une disposition particulière (codifiée à l'article L 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime) qui instaure deux exemptions au profit de l'exploitant agricole :

  • lorsque l'évolution s'est réalisée dans des conditions qui résultent de la mise en conformité de l'exercice de ces activités aux lois et règlements,

ou

  • lorsque l'évolution s'est réalisée sans modification substancielle de leur nature ou de leur intensité.

La notion de "modification substancielle" est éminemment subjective.