Le 17 juillet dernier, la Formation plénière de la Cour de cassation, saisie pour avis par deux Conseils de prud’hommes, a estimé que le barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse issu des « Ordonnances Macron » était conforme à la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Si des juges du fond font delà de la résistance, les salariés seront donc désormais contraints d’envisager avec attention les cas de nullité du licenciement qui constituent l’exception notable à l’application du barème tant décrié.

Parmi les cas de nullité du licenciement, l’on retrouve, à ce titre, l’incontournable harcèlement moral qui, déjà très régulièrement plaidé devant les juridictions prud’homales, n’a par conséquent pas fini d’agiter les prétoires.

C’est donc l’occasion de faire le point sur les dernières décisions de la Chambre sociale de la Cour de cassation sur le sujet.

  • Sur le comportement de la victime de harcèlement moral et l’appréciation de son préjudice :

Dès lors que le harcèlement moral subi par le salarié est caractérisé, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser que le comportement de la victime n’est pas un élément susceptible d’être pris en considération pour apprécier à la baisse le montant des dommages intérêts à lui allouer, et ce même si un tel comportement a pu contribuer à la dégradation de son état de santé.

Ne doit donc pas être pris en considération pour apprécier le montant des dommages et intérêts à allouer à un salarié victime de harcèlement :

  • Son attitude de moins en moins collaborative et le dénigrement de son employeur dès lors que ces agissements sont une réaction à une situation de harcèlement moral (Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2019, n°17-28328)
  • Son comportement inadapté lors de réunions des représentants du personnel dès lors qu’il fait suite à des faits de harcèlement commis par l’employeur (Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2019, n°18-11115).
  • Sur l’étendue de la protection contre le harcèlement moral :

La Chambre sociale de la Cour de cassation est également venue rappeler que tout salarié doit pouvoir bénéficier d’une protection contre les actes de harcèlement, et ce quelle que soit la nature de son contrat ou les éventuelles périodes de suspension de celui-ci.

Un salarié en congé de fin de carrière et dispensé d’activité doit donc bénéficier de la protection dès lors que son contrat n’est pas rompu durant cette période (Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2019, n°17-28328).

Une telle solution ne surprend pas puisque la Cour de cassation juge également de manière constante qu’un salarié en arrêt maladie et qui reçoit de nombreuses lettres lui reprochant son absence prolongée est victime de harcèlement moral (Cour de cassation, Chambre sociale, 7 juillet 2019, n°08-40034).

  • Sur un harcèlement ancien et la prise d’acte de la rupture :

S’il est constant qu’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est justifiée seulement en cas de manquements suffisamment graves empêchant la poursuite du contrat, il est pour nous également courant de plaider devant un Conseil de prud’hommes que des faits de harcèlement anciens ne justifient pas nécessairement une prise d’acte.

La Cour de cassation vient, à ce titre, d’apporter un tempérament bienvenu à sa jurisprudence en estimant que l’ancienneté des faits de harcèlement doit être pris en considération pour apprécier le bien-fondé d’une prise d’acte (Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2019, n°17-31182).

Le juge devra cependant naturellement apprécier d’autres éléments comme la durée du harcèlement ou les éventuelles réactions de l’employeur.

  • Sur l’auteur du harcèlement :

Il est important de souligner que la Cour considère que l’employeur est responsable du harcèlement commis à l’encontre d’un de ses salariés, et ce que ces actes soient le fait de l’employeur lui-même, de son représentant ou d’un supérieur, mais également d’un tiers à l’entreprise s’il exerce une autorité de fait ou de droit sur le salarié (Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 mai 2019, n°18-83510 ; Chambre sociale, 30 janvier 2019, n°17-28905).

Le harcèlement peut ainsi être commis par un bénévole intervenant dans l’entreprise et l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, devra en assumer les conséquences.

Ce rapide tour d’horizon des dernières décisions de la Cour de cassation sur le harcèlement permet une nouvelle fois de démontrer que les litiges sur le harcèlement moral vont continuer d’alimenter les conseils de prud’hommes.

Dans un domaine où l’appréciation des juges est centrale, la plaidoirie et une bonne connaissance des subtilités de la jurisprudence sont donc cruciales.

Me Clément BOUCHERON