Le refus du Conseil national de l’accès aux origines personnelles (CNAOP) de communiquer à une ressortissante française, née sous X, l’identité de sa mère biologique, qui a renouvelé sa volonté de ne pas révéler son identité en réponse à sa demande de lever le secret de ses origines, méconnaît-il le droit d’accès de la requérante à ses origines ? La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée sur cette question ce jour, 30 janvier.

Dans sa décision la CEDH r(CEDH, 30 janv. 2024, n° 18843/20, aff. Cherrier c. France) relève que le refus du CNAOP fondé sur l’obligation de respecter la volonté de la mère biologique est constitutif d’une ingérence dans la vie privée de la requérante. Pour déterminer si cette ingérence a emporté violation du droit au respect de la vie privée de la requérante, la Cour a recherché si cette décision était prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique.

En ce qui concerne le droit interne, elle relève que la réforme législative de 2009 a complété le système de réversibilité du secret de l’identité de la mère mis en place en 2002 en supprimant la fin de non-recevoir de l’action en recherche de maternité qui était opposé à l’enfant dont la mère avait accouché anonymement, de sorte que si l’enfant trouve l’identité de sa mère, il peut engager une action aux fins d’établissement de la filiation maternelle. La Cour note également que, par une décision du 16 mai 2012 , le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le système de l’accouchement sous X en se fondant sur les exigences constitutionnelles de protection de la santé et en considérant qu’il était de nature à garantir un équilibre satisfaisant entre les « intérêts de la mère et ceux de l’enfant ».

La CEDH rappelle avoir déjà reconnu que les droits et intérêts en cause de 2 adultes jouissant chacune de l’autonomie de sa volonté étaient difficilement conciliables ; et dans les arrêts Odièvre c. France et Godelli c. Italie , elle n’a pas mis en cause la possibilité pour les États concernés de maintenir la faculté pour les femmes d’accoucher dans l’anonymat mais elle a jugé nécessaire qu’ils organisent, en présence d’un tel système d’anonymat, une procédure permettant de solliciter la réversibilité du secret de l’identité de la mère, sous réserve de l’accord de celle-ci, et de demander des informations non identifiantes sur ses origines.

La Cour ne voit pas de raison de remettre en question le point d’équilibre entre les droits trouvé par les autorités internes, en l’espèce.

Elle relève que le CNAOP a recueilli un certain nombre d’informations non identifiantes qu’il a transmises à la requérante qui lui ont permis de comprendre les circonstances de sa naissance. Par ailleurs, elle constate que celle-ci a bénéficié d’une procédure devant les juridictions internes au cours de laquelle elle a pu faire valoir ses arguments de manière contradictoire. Elle observe également que, en se référant au choix du législateur de ne pas autoriser une levée inconditionnelle du secret de l’identité, le Conseil d’État a justifié sa décision par la finalité poursuivie par la réforme législative de 2002, à savoir la réalisation d’un compromis entre les droits et intérêts en jeu par le biais d’une procédure de conciliation visant à faciliter l’accès aux origines sans pour autant renier l’expression de la volonté et du consentement de la mère.

La Cour conclut que l’État n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation, et que le juste équilibre entre le droit de la requérante de connaître ses origines et les droits et intérêts de sa mère biologique à maintenir son anonymat n’a pas été rompu.

Dès lors, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention EDH (droit au respect de la vie privée et familiale).

(Source : Lexis360 du 01/02/2024)