Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mardi 9 juillet 2013

N° de pourvoi: 12-13.327

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, qu'ayant relevé que lors de l'acquisition de la maison en 1997, M. X..., menuisier de formation, spécialiste des constructions de maisons à ossature bois, avait posé un plancher au rez-de-chaussée, qu'occupant en 2002 la maison jusqu'alors en location, il avait fabriqué des meubles sur mesure dont le bas compensait un affaissement du plancher de 15 à 16 millimètres et que cet affaissement était de 3 centimètres en septembre 2005, lors de la vente de cette maison aux époux Y..., et retenu que les époux X... ne pouvaient ignorer l'existence de ce tassement anormal et évolutif du plancher qui portait atteinte à l'habitabilité de la maison, en avaient caché l'existence aux époux Y... lors de la vente et avaient, par cette réticence intentionnelle, provoqué leur erreur sur la qualité d'habitation et de solidité de l'immeuble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur l'existence d'une faute par imprudence que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'absence de vérification sur l'installation du plancher, que l'action des époux Y... en annulation de la vente pour dol était fondée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé le caractère fautif du comportement des vendeurs, la cour d'appel a pu en déduire que les époux X... n'étaient pas fondés, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble jusqu'au terme du délai de trois mois accordé aux époux Y... pour libérer les lieux après la restitution du prix de vente ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que l'annulation de vente était due à la faute des époux X... et retenu, par une appréciation souveraine, qu'en raison de la conclusion du contrat annulé les époux Y... avaient subi un préjudice financier découlant du paiement des frais de vente et de la commission de l'agence immobilière, un préjudice de jouissance caractérisé par l'impossibilité de se reloger en raison de l'indisponibilité du prix de vente et un préjudice moral constitué par l'obligation de continuer à habiter la maison malgré l'existence de désordres, la cour d'appel a pu en déduire, sans procéder à une double indemnisation d'un même préjudice, que les époux X... devaient leur verser à ces différents titres des sommes dont elle a souverainement fixé le montant ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour les époux X...

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a prononcé l'annulation pour dol de la vente intervenue le 27 septembre 2005 entre les époux X... et les époux Y..., dit que cette annulation entraînait la restitution du prix de vente de 165.000 € par les époux X... et la restitution de l'immeuble par les époux Y..., a condamné les époux X... à payer aux époux Y... diverses sommes au titre des frais de vente, de la commission de l'agent immobilier, du « trouble de jouissance » et du « préjudice moral » avec intérêts au taux légal, a condamné les époux X... à rembourser aux époux Y... le montant des taxes foncières dues jusqu'à la restitution du prix de vente et a débouté les époux X... de leur demande d'indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS QU' « il a été convenu entre les époux X..., vendeurs de la maison, et les époux Y..., acquéreurs, que les premiers laisseraient en place les meubles réalisés par M. X... situés dans le salon, composés notamment d'un meuble bas et d'un meuble un peu plus haut ; qu'il convient de préciser que lorsque les époux Y... ont visité les lieux, les meubles étaient en place, y compris un meuble d'angle ; que les époux Y... ont emménagé le 30 septembre 2005 ; que dès leur entrée dans les lieux ils ont remarqué les désordres liés à la présence du champignon lignivore sous le plancher du salon ; que Me A..., huissier de justice à Channes, a par acte du même jour, constaté un affaissement de 3cm dans l'angle du salon côté Ouest, que le champignon était présent auparavant sur une longueur de 40 cm où il a laissé des traces brunâtres, la mise en oeuvre d'un morceau de plinthe en PVC pour cacher une partie de l'affaissement, au niveau du sol un faux aplomb de 3 cm, qu'un meuble a été taillé sous sa partie basse, à l'évidence pour masquer la possibilité d'avoir une vue sur cet affaissement, et dans l'angle, côté penderie, la présence d'humidité importante; qu'il a pris des photographies du vide sanitaire situé sous le salon, qui attestent de la présence d'un champignon sur un mur et sur les solives qui portent le plancher, et de la mise en place d'étais soutenant les solives dans la partie où se situe la prolifération du champignon, eux-mêmes attaqués par celui-ci ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi le 21 juin 2008, que l'expert a observé un tassement important de la partie plancher du rez-de-chaussée au droit du pignon droit de l'immeuble, se matérialisant par un affaissement de l'ordre de 2,5 cm à 4 cm, ce tassement étant visible à différents endroits (sous cloison hall séjour sous placard dans entrée, en angle séjour côté hall, sur retour-façade rue et en pignon droit), existence d'un champignon lignivore type mérule localisé à l'aplomb du mur pignon, là où se situent les parties de plancher affaissées ; que les désordres procèdent des travaux d'aménagement réalisés en 1997/98 par M. X... pour transformer un garage en partie d'habitation sans assurer une ventilation nécessaire au vide sanitaire créé sous le plancher du salon et d'une hygrométrie importante au droit du pignon ; que l'expert a précisé qu'au moment de la réhabilitation de la maison le sol a été carrelé et des plinthes carrelage ont été posées ; que la maison a été louée et que les époux X... l'ont occupée seulement à partir de 2002 ; que M. X..., menuisier de formation, a alors procédé à des embellissements, fabriqué des meubles sur mesure pour le salon, qui selon les témoignages produits, sont toujours restés en place, posé à certains endroits des -plinthes en stratifié sur les plinthes existantes ; Attendu que l'expert a relevé que les surplinthes ont nécessairement reposé sur le sol lors de leur mise en place, et qu'il existait ainsi déjà, compte tenu de ce qu'elles descendent en dessous de la base des plinthes carrelage, un affaissement lors de leur pose, que ce tassement s'est aggravé puisque les surplinthes ne reposent plus sur le sol, sans qu'il puisse apprécier l'évolution entre 2005 (date d'acquisition de la maison par les époux Y...) et 2008 (date de ses opérations) ; qu'il a après mesures, retenu un tassement du plancher en angle de cloison hall et pignon de 15 à 16 mm entre 1997/98 et 2002 et un tassement de 8 mm entre 2002 et 2008, soit un tassement de 24 mm et 36 mm à proximité du mur pignon; que celui-ci doit être rapproché de l'affaissement mesuré par l'huissier de justice en septembre 2005, de 3 cm ; que l'expert a également relevé une déformation du plancher à environ 1 m- l,50 m de distance du mur pignon ; qu'il a constaté que M. X... a adapté le bas d'un meuble pour rattraper le tassement du plancher contre le mur, de sorte que le meuble soit aligné contre le mur ; qu'il a indiqué que dans l'angle du séjour une mérule en formation a été enlevée ; que si sur ce dernier point, rien ne permet de dire que l'enlèvement a été l'action des époux X..., il convient en revanche de retenir que M. X... a pu apprécier l'affaissement du sol lors de l'entrée dans les lieux de la famille X... courant 2002, et qu'il a bien posé des surplinthes pour masquer le tassement et adapté un meuble en raison de ce tassement ; qu'en ce qui concerne les étais, que selon un témoignage ils ont été mis en oeuvre lors de la rénovation de la maison, soit en 1997/98 ; qu'il ne peut donc être tiré de conséquence de ce qu'ils se situent dans le vide sanitaire au lieu où est développée la mérule ; qu'en 2005, ils étaient attaqués par le champignon ; qu'en 2002 il y avait forcément des traces du développement du champignon dans le vide sanitaire, compte tenu de l'affaissement déjà existant du sol du salon ; que M. X... est menuisier de formation, spécialiste des constructions de maisons à ossature bois; qu'il a été inscrit à la chambre des métiers jusqu'en décembre 2004 dans la rubrique menuiserie, ébénisterie achat et vente, et maîtrise d'ouvrage, maisons à ossature bois ; qu'il ne peut prétendre que l'affaissement qu'il a constaté était normal pour une maison ancienne, alors que cet affaissement a concerné un plancher qu'il a mis lui-même en oeuvre sur un vide sanitaire et qu'il peut difficilement être lié à un mouvement de la maison ; que selon l'expert le tassement était lié pour "tout bricoleur averti" à une faiblesse de la structure en place méritant des investigations, qu'il ne peut être assimilé à un faux niveau ; que les désordres n'ont pu être constatés par les époux Y... que lors de leur emménagement et du déplacement des meubles laissés par les époux X...; qu'ils n'étaient pas apparents lors des visites de la maison encore occupée ; qu'en revanche, ils étaient connus dans leur manifestation au niveau du sol de la partie habitation de M. X..., au regard des travaux réalisés dans la maison, du tassement anormal non assimilable à un faux niveau, marqué notamment à distance du mur pignon ; qu'il y a lieu en outre de considérer qu'ils ne pouvaient être ignorés dans leur manifestation dans le vide sanitaire, alors qu'une vérification de l'installation du plancher s'imposait pour s'assurer de la solidité de celui-ci, que le vide sanitaire est accessible ; que les époux X... ont caché aux époux Y... le tassement évolutif du plancher du salon, non visible pour ces derniers lors des visites des lieux encore meublés ; que si ce tassement avait été porté à la connaissance des acquéreurs, ils en auraient cherché les causes et n'auraient pas acquis la maison en constatant que le tassement était dû à l'attaque des pièces en bois soutenant le plancher par la mérule ; que le simple fait que le tassement était évolutif portait atteinte à la solidité d'un élément constitutif de la maison, à son habitabilité ; que la réticence des époux X... a provoqué une erreur des époux Y... sur la qualité d'habitation et de solidité de la maison; qu'elle a été intentionnelle ; qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à l'action des époux Y... fondée sur le dol, et de prononcer la nullité de la vente de l'immeuble du 27 septembre 2005 ; que la nullité entraîne la restitution du bien vendu et la restitution du prix de vente de 165.000 euros ; qu'il y a lieu de prévoir que les époux Y... devront libérer l'immeuble dans un délai de trois mois suivant la restitution du prix de vente ; qu'il y a lieu par ailleurs d'indemniser les acquéreurs des frais de vente de euros, d'un préjudice de jouissance issu de l'impossibilité de se reloger en raison de l'indisponibilité du prix, constitué par le fait que les désordres portent atteinte à l'occupation de la maison, à hauteur de 5.000 euros, d'un préjudice moral lié au faitde continuer à occuper la maison malgré les désordres, à hauteur de 2.000 euros, du montant des taxes foncières dues jusqu'à la restitution du prix de vente ; qu'en revanche, la prise en charge des intérêts du prêt souscrit par les époux Y... pour l'acquisition de la maison ne constitue pas un préjudice résultant directement de la vente; qu'au demeurant la nullité de la vente est de nature en application de l'article L 312-12 du code de la consommation à entraîner l'annulation du contrat de prêt ; qu'il n'est par ailleurs pas justifié d'une évolution des prix de l'immobilier dans le secteur de Portieux justifiant l'octroi de dommages et intérêts supplémentaires liés à l'indisponibilité du prix de vente ; que la nullité de la vente ne peut conduire à mettre à la charge des acquéreurs une indemnité d'occupation » (arrêt, p. 5-8) ;

ALORS QUE, premièrement, la réticence dolosive n'est cause de nullité que si elle porte sur une information déterminante pour le consentement de la prétendue victime ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a considéré que les époux X... avaient commis une telle réticence en ne révélant pas aux époux Y... le tassement du plancher de la maison qu'ils leur avaient vendue, ajoutant que « si ce tassement avait été porté à la connaissance des acquéreurs, ils en auraient cherché les causes et n'auraient pas acquis la maison en constatant que le tassement était dû à l'attaque des pièces en bois soutenant le plancher par la mérule » (arrêt, p. 7, § 5) ; qu'en énonçant ainsi que la réticence litigieuse portait sur le tassement du plancher et non sur sa cause, l'existence d'une mérule dont la connaissance par les vendeurs n'est pas relevée par l'arrêt, tout en constatant que c'est la présence de mérule qui aurait déterminé les époux Y... à ne pas contracter, la cour d'appel, qui devait établir que les vendeurs avaient connaissance de la présence de ce champignon pour leur imputer une réticence dolosive, a violé l'article 1116 du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, la réticence dolosive suppose que son auteur ait de mauvaise foi dissimulé au cocontractant une information déterminante ; qu'en reprochant au cas d'espèce aux époux X... de ne pas avoir informé les acquéreurs de l'existence d'un tassement du plancher de l'immeuble vendu, aux motifs qu'informés de l'existence de ce tassement, les acquéreurs auraient pu mener des investigations et auraient découvert la présence de mérule, sans expliquer en quoi le silence des vendeurs, qui ignoraient la présence de mérule, sur l'existence d'un tassement du plancher manifestaient leur mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, le dol par réticence suppose que son auteur avait connaissance de l'information prétendue retenue ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en déduisant au cas d'espèce, que les époux X... connaissaient les désordres situés au niveau du vide sanitaire du fait « qu'une vérification de l'installation du plancher s'imposait pour s'assurer de la solidité de celui-ci » (arrêt, p. 7, § 4), la cour d'appel, qui a, tout au plus, caractérisé une faute d'imprudence imputable aux époux X... tenant à l'absence de vérification du plancher, mais n'a pas démontré l'existence d'une rétention d'information de la part des vendeurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

ALORS QUE, quatrièmement et subsidiairement, l'acquéreur étant réputé n'avoir jamais été propriétaire par l'effet de l'annulation du contrat de vente, il est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que la nullité de la vente passée entre les époux X... et les époux Y... ne pouvait « conduire à mettre à la charge des acquéreurs une indemnité d'occupation » (arrêt, p. 8, § 4), la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil ;

ALORS QUE, cinquièmement et subsidiairement, en cas d'annulation d'une vente, l'acquéreur est redevable d'une indemnité d'occupation à compter, à tout le moins, de l'arrêt prononçant l'annulation et jusqu'à la libération effective des lieux ; qu'en refusant au cas d'espèce de condamner les époux Y... à verser une indemnité d'occupation aux époux X..., même pour la période postérieure au prononcé de l'annulation de la vente conclue entre ces deux parties, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil ;

ALORS QUE, sixièmement et subsidiairement, à supposer qu'à la suite de l'annulation de la vente, le vendeur n'ait droit qu'à la seule restitution de l'immeuble vendu à l'exclusion de toute indemnité d'occupation, l'acquéreur ne peut alors prétendre qu'à la restitution du prix de vente ; qu'en condamnant au cas d'espèce les époux X... à verser aux époux Y..., non seulement le prix de vente mais aussi diverses sommes au titre des frais de la vente, de la commission de l'agent immobilier, du « trouble de jouissance » et du « préjudice moral », la cour d'appel a violé l'article 1304 du cde civil ;

ALORS QUE, septièmement et subsidiairement, à supposer qu'à la suite de l'annulation de la vente, l'acquéreur ne puisse pas être tenu de verser au vendeur une indemnité d'occupation, il ne saurait alors être fondé à réclamer la réparation du préjudice né de son occupation de l'immeuble vendu ; qu'en condamnant au cas d'espèce les époux X... à réparer les préjudices, de « jouissance » et « moral », qu'auraient subis les époux Y... et tenant à leur occupation de l'immeuble cédé (arrêt, p. 8, § 1), la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

ALORS QUE, huitièmement et subsidiairement, à supposer qu'à la suite de l'annulation de la vente, le vendeur ne puisse pas réclamer le paiement d'une indemnité d'occupation, l'acquéreur n'est dès lors pas non plus fondé à demander la réparation des préjudices résultant de l'indisponibilité du prix de vente avant l'annulation, que ces préjudices soient financiers ou pas ; qu'en condamnant, au cas d'espèce, les époux X... à réparer le « préjudice de jouissance » des époux Y... résultant de l'impossibilité pour ceux-ci de se reloger « en raison de l'indisponibilité du prix » de vente (arrêt, p. 8, § 1), la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

ALORS QUE, neuvièmement et subsidiairement, la responsabilité civile a pour objet de réparer le dommage causé à la victime par le fait générateur de responsabilité sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en condamnant au cas d'espèce les époux X... à réparer tout à la fois le « préjudice de jouissance » des époux Y..., évalué à 5.000 €, résultant du fait qu'ils avaient dû vivre dans une maison affectée de désordres sans pouvoir « se reloger en raison de l'indisponibilité du prix » de vente, et le « préjudice moral » des époux Y..., évalué à 2.000 €, « lié au fait de continuer à occuper la maison malgré les désordres » (arrêt, p. 8, § 1), la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé l'article 1382 du code civil.