Conseil d'État

N° 366058

ECLI:FR:CESSR:2013:366058.20130429

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

1ère et 6ème sous-sections réunies

lecture du lundi 29 avril 2013

Vu le pourvoi, enregistré le 15 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300021 du 29 janvier 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 7 novembre 2012 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse soumettant, pendant une période de six mois, ses prescriptions d'arrêt de travail à l'accord préalable du service du contrôle médical ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ou, à titre subsidiaire, avant dire droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour déterminer si les articles L. 162-1-15, L. 162-1-14 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale et les articles L. 521-1 et L. 521-3 du code de justice administrative sont conformes aux articles 4, paragraphe 3, 6, paragraphe 1 et 19, paragraphe 1, alinéa 2, du traité sur l'Union européenne, 49 et suivants et 56 et suivants du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 3, 6 paragraphe 1, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er, 2, 3, 4, 5, 7, 15, 16, 20, 21 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 22 avril 2013, présentées pour M. A... ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de M.A..., et à Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse ;

1. Considérant que, par une ordonnance du 29 janvier 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A...tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de la décision du 7 novembre 2012 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse soumettant, en application de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, pendant une période de six mois, ses prescriptions d'arrêt de travail à l'accord préalable du service de contrôle médical ; qu'il ne s'est pas prononcé, en conséquence, sur la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale qui avait été soulevée par M.A... ; que ce dernier se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; qu'il demande également au Conseil d'Etat, par un mémoire intitulé " question prioritaire de constitutionnalité ", de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, ainsi que des articles L. 521-1 et L. 522-3 du code de justice administrative ;

Sur le mémoire intitulé " question prioritaire de constitutionnalité " :

En ce qui concerne les articles L. 521-1 et L. 522-3 du code de justice administrative :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision " ; que l'article L. 522-3 du même code dispose que : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 " ;

4. Considérant, d'une part, que le juge des référés n'a pas fait application des dispositions précitées de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, son ordonnance ayant été précédée d'une instruction contradictoire et d'une audience publique conformément aux deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 du même code ; que, par suite, ces dispositions ne sont pas applicables au litige ou à la procédure ;

5. Considérant, d'autre part, que M. A...soutient que le législateur, en adoptant l'article L. 521-1 du même code, aurait méconnu l'article 34 de la Constitution en privant les justiciables des garanties qui s'attachent à un recours juridictionnel effectif, ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui garantit le droit à ce recours ; que, toutefois, en exigeant que la suspension de l'exécution de la décision administrative, dans l'attente du jugement de la requête en annulation ou en réformation de cette décision, soit justifiée par l'urgence, sans définir cette notion, et en laissant ainsi au juge des référés le soin d'examiner si, dans les circonstances propres à chaque espèce, la décision administrative contestée est de nature, eu égard notamment aux effets qu'elle peut produire avant la décision qui sera rendue par le juge du fond, à préjudicier de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre, le législateur n'a pas, en tout état de cause, méconnu sa propre compétence ; qu'il n'a pas non plus méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en subordonnant la suspension de l'exécution d'une décision administrative à la fois à l'existence d'une situation d'urgence et à celle d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ; que si M. A...invoque également le " droit à la liberté ", la liberté d'expression et le principe d'égalité, il n'assortit cette critique d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

En ce qui concerne l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale :

6. Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a estimé qu'il n'était pas nécessaire pour lui d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, fondement légal de la décision litigieuse, dès lors que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas satisfaite et que la demande de suspension ne pouvait, par suite, qu'être rejetée ; qu'il doit être ainsi réputé avoir refusé de transmettre cette question par son ordonnance ; que, dans son mémoire intitulé " question prioritaire de constitutionnalité ", M. A... ne conteste pas le refus, par le juge des référés du tribunal administratif, de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité mais entend seulement, sur le fondement de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, soumettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de cet article ; qu'il ne peut, en tout état de cause, être fait droit à cette demande, dès lors que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée porte sur la méconnaissance des mêmes dispositions constitutionnelles, par les mêmes moyens, que celle soumise au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 521-1 et L. 522-3 du code de justice administrative et l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

Sur les autres moyens du pourvoi en cassation :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;

9. Considérant, que, pour demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque, M. A...soutient que le juge des référés a méconnu l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 en ne statuant pas sur la question prioritaire de constitutionnalité avant d'examiner sa demande de suspension ; qu'il a insuffisamment motivé son ordonnance, faute de répondre à l'argumentation tirée de ce que le jugement sur le fond ne pourrait être rendu avant l'exécution complète de la décision litigieuse ; qu'il a commis une erreur de droit en estimant que la condition d'urgence n'était pas remplie, alors que la décision en litige prive le médecin de son pouvoir de prescription autonome et qu'il résulte des dispositions des articles L. 1111-3 du code de la santé publique et R. 148-9 du code de la sécurité sociale que cette décision doit être affichée en salle d'attente ; qu'en estimant que la condition d'urgence n'était pas remplie, il a inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

10. Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 521-1 et L. 522-3 du code de justice administrative et de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale.

Article 2 : Le pourvoi de M. A...n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Voir :

AJDA 2013, p. 952.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.