OUI : dans un arrêt en date du 14 mars 2017, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que la crise d'angoisse d'un fonctionnaire due à une mutation professionnelle très mal vécue peut-être tout de même être imputable au service. Il ressort des certificats établis par le docteur H …, médecin psychiatre traitant du fonctionnaire, que la crise d'angoisse du 8 février 2013 a été le facteur déclenchant de son syndrome anxio-dépressif. En l’espèce, le médecin psychiatre agréé avait conclu son expertise en constatant l'existence d'un lien entre la maladie de la fonctionnaire  et sa crise d’angoisse, estimant que « Mme A... présente actuellement une symptomatologie psychotraumatique, et ce depuis février 2013, en relation avec une mutation professionnelle très mal vécue, et qui a entraîné un syndrome de stress post-traumatique le jour de sa prise de fonction qu'elle a été incapable d'effectuer ». Dans ces conditions, alors même que, ainsi que l'a relevé le docteur M., l'incident du 8 février 2013 n'aurait pas été la cause exclusive de la maladie de Mme A..., il présente un lien direct avec cette maladie.

Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : «  Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) »

Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

Par une décision du 30 décembre 2012, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Hérault a affecté Mme A..., commandant des sapeurs-pompiers professionnels, au poste d'adjoint au chef du service de la prévention ERP/IGH au siège de cet établissement public.

Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'elle se rendait au siège du SDIS de l'Hérault le 8 février 2013 pour prendre ses nouvelles fonctions, Mme A... a été prise d'angoisses et s'est arrêtée dans une caserne de pompiers où elle connaissait des collègues de travail.

Elle a alors manifesté un syndrome dépressif, qui a entraîné son placement en congé de maladie le 13 février 2013.

Le SDIS de l'Hérault a confié deux missions d'expertise concernant l'état de santé de Mme A... et, en particulier, afin de déterminer le lien entre son congé de maladie et le service, d'une part, à un médecin agréé, le docteur  M …, et, d'autre part, à un médecin psychiatre agréé, le docteur D...

Ce dernier conclut son expertise par l'existence d'un lien entre la maladie de Mme A... et l'incident du 8 février 2013, estimant que « Mme A... présente actuellement une symptomatologie psychotraumatique, et ce depuis février 2013, en relation avec une mutation professionnelle très mal vécue, et qui a entraîné un syndrome de stress post-traumatique le jour de sa prise de fonction qu'elle a été incapable d'effectuer »

Le docteur M.  a estimé, pour sa part, que l'évènement du 8 février 2013 n'avait pas été d'une gravité telle qu'il puisse être à l'origine d'un syndrome post-traumatique.

Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a exprimé le vœu auprès du médecin chef du SDIS de l'Hérault, lors d'une visite médicale périodique du 2 octobre 2012, de quitter ses fonctions de chargée de mission développement durable pour exercer d'autres fonctions au sein du SDIS de l'Hérault.

Toutefois, elle n'a pas formellement sollicité de mutation, ni postulé pour le poste d'adjoint au chef du service de la prévention ERP/IGH au siège du SDIS de l'Hérault.

En effet, elle n'a pas donné suite à la proposition qui lui a été faite en ce sens par le SDIS et a, d'ailleurs, adressé une lettre le 20 novembre 2012 au président de la commission administrative paritaire nationale compétente pour les agents de catégorie A en lui exposant les raisons motivant son refus du poste proposé, et en demandant que la commission administrative paritaire émette un avis défavorable à sa mutation sur le poste en cause : que le SDIS a été informé de cette démarche, ainsi qu'il résulte de la lettre adressée le 23 novembre 2012 par le président du conseil d'administration du SDIS de l'Hérault au président de la commission administrative paritaire nationale.

Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, la mutation de Mme A... n'est donc pas intervenue à la demande de l'intéressée.

Ainsi que l'a relevé l'expert psychiatre M. D..., la perspective de prendre ses fonctions sur un poste qu'elle n'avait pas choisi, et dans un environnement humain qu'elle appréhendait, a été une cause de la crise d'angoisse à l'origine de son congé de maladie.

D'autre part, qu'il ressort également du rapport d'expertise de M. D... que Mme A... a présenté une symptomatologie anxio-dépressive en 1999 puis fin 2003 et début 2004, qui s'est prolongée jusqu'en 2009.

Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait été sujette à ce syndrome entre 2010 et 2012.

En outre, il ressort des certificats, établis les 13 février et 28 mars 2013 par le docteur H …, médecin psychiatre traitant de Mme A..., que la crise d'angoisse du 8 février 2013 a été le facteur déclenchant de son syndrome anxio-dépressif.

Dans ces conditions, alors même que, ainsi que l'a relevé le docteur M., l'incident du 8 février 2013 n'aurait pas été la cause exclusive de la maladie de Mme A..., il présente un lien direct avec cette maladie.

Par suite, la maladie de Mme A...est imputable au service.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté du 15 mai 2014.

Aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative, «  Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. »

Le présent arrêt implique nécessairement que le président du SDIS de l'Hérault prenne une décision reconnaissant le lien entre le service et le congé de maladie de Mme A...

Par suite, il y a lieu d'enjoindre au président du SDIS de l'Hérault d'y procéder et de placer Mme A... en congé pour maladie imputable au service à compter du 13 février 2013, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante, qui n'est dans la présente instance, ni partie perdante ni tenue aux dépens, la somme que le SDIS de l'Hérault demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

En revanche, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du SDIS de l'Hérault la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... en application de ces dispositions.

SOURCE : CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 14/03/2017, 15MA03599, Inédit au recueil Lebon