Prouver que l’état dépressif d’un fonctionnaire est imputable au service n’est vraiment pas chose facile. En effet, la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un état anxio-dépressif résulte de trois éléments qui ne sont eux-mêmes pas faciles à établir.

1er élément : il faut tout d’abord que le fonctionnaire établisse des conditions particulièrement difficiles d’exercice de ses fonctions au moyen de courriel, lettres, plaintes, mains courantes, demande de protection fonctionnelle, témoignages de collègues ou d’usagers du service public …

Il peut s’agir par exemple d’un conflit avec sa hiérarchie ou son chef de service, un changement d’office d’affectation, une vive altercation avec des collègues …

2ème élément : il faut ensuite justifier au moyen d’un certificat médical du médecin généraliste référent d’une absence d’antécédents dépressifs.

3ème élément : il faut enfin justifier  par tous moyens de l’absence de cause étrangère au service susceptible d’expliquer l’état dépressif au moyen de déclarations sur l’honneur, de témoignages, d’avis médicaux, de certificats, d’attestations  …

Je vous cite à titre pédagogique un exemple d’avis du  médecin du fonctionnaire : «  anxiété réactionnelle directement liée à des conflits professionnels et qui ne serait pas apparue sans ces derniers »

Pour illustrer mon propos, je prendrai le cas de cette  infirmière titulaire nommée cadre de santé stagiaire qui  a ensuite fait l'objet de diverses mesures défavorables et qui bien sûr n’a pas été titularisée en qualité de cadre de santé. Une décision de changement d'affectation, prise d'office à son égard le 8 février 2006, a été annulée par le juge de l'excès de pouvoir. La commission administrative paritaire locale a émis le 6 mars 2006 un avis défavorable à sa titularisation. Elle a présenté, à compter de cette date, un état dépressif qui a justifié l'octroi d'arrêts de travail du 6 mars au 31 juillet 2006. Elle a demandé que l'imputabilité au service de ces arrêts de travail soit reconnue. Le directeur du centre hospitalier de Bigorre a rejeté sa demande par une première décision du 27 mars 2009, annulée par un jugement du tribunal administratif de Pau du 16 novembre 2010. Il a opposé un nouveau refus à sa demande le 11 avril 2011.

Dans son arrêt en date du 01 octobre 2014, le Conseil d’Etat a estimé qu'il ressort  des pièces du dossier qu'à la suite d'un conflit avec la directrice des soins de l'établissement, Mme B... a fait l'objet, de la part de ses supérieurs, de mesures qui l'ont conduite à exercer ses fonctions dans des conditions particulièrement difficiles. Elle a, à plusieurs reprises, sollicité sans succès l'intervention du chef d'établissement. Dans ce contexte, l'annonce que la décision de ne pas la titulariser a pu affecter son équilibre personnel. Un certificat médical produit par Mme B...fait état d'une absence d'antécédents et d'une «  anxiété réactionnelle directement liée à des conflits professionnels et qui ne serait pas apparue sans ces derniers ». L'expertise établie à la demande de la commission de réforme conclut à l'imputabilité au service de ses arrêts de travail. Il ne ressort pas des pièces du dossier que son état dépressif résulterait d'une cause étrangère au service. Cet état doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme imputable au service. La décision du 11 avril 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Bigorre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressée du 6 mars au 31 juillet 2006 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux doivent, par suite, être annulées. 

SOURCE : Conseil d'État, 5ème / 4ème SSR, 01/10/2014, 367504, Inédit au recueil Lebon

J’espère que ma modeste chronique pourra aider tous les fonctionnaires et leurs familles en grande souffrance qui tentent désespérément de faire reconnaître  leur dépression comme imputable au service et qui se heurtent au mutisme d’une administration engoncée dans ses certitudes, s’abritant derrière des procédures très administratives, médicalement aléatoires, toujours très longues et bien souvent trop coûteuses pour un agent placé en disponibilité d’office.

Salut amical et grande compassion pour mes clients en souffrance, que j’essaie d’aider avec mes petits moyens et énorme respect et gratitude pour toutes ces infirmières hospitalières  (et infirmiers) qui se dévouent tous les jours sans compter, malgré les énormes difficultés rencontrées, pour le bien de leurs patients et grâce auxquelles je peux écrire aujourd’hui cet article.