Un arrêt rendu par le Conseil d'Etat N° 345514, le 24 octobre 2011, et publié au recueil Lebon, vient rendre une première décision en matière d'inopposabilité des circulaires non-publiées, en application du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008.

Voir sous ce hub pour une analyse rapide de ce décret:

http://www.viadeo.com/hub/forums/detaildiscussion/?containerId=002q6fhht...

Dans cette affaire, une circulaire est publiée partiellement sur le site www.circulaires.gouv.fr - le site légal des publications des circulaires à fin d'opposabilité aux tiers.

Dans cette publication partielle, figure une liste des pays concernés par cette circulaire (en l'occurrence la circulaire visant les conditions d'échange des permis de conduire délivrés à leurs ressortissants par différents pays en application de l'article R. 222-3 du code de la route

Rappel :

"Article R. 222-3 du code de la route : Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article R. 221-3."

Un arrêté du 8 février 1999 pris pour l'application de ces dispositions prévoit notamment une clause de réciprocité, et fixe la liste des pays qui accordent aux ressortissants français la même faculté d'échange.

Cette liste étant indiquée dans un tableau annexé, publié au bulletin officiel du ministère de l'équipement n° 2006-20 du 10 novembre 2006 et mise en ligne dans les conditions prescrites à l'article 1er du décret du 8 décembre 2008 ;

Le Kosovo n'apparaît pas sur la liste.

Or le demandeur était kosovar et son permis délivré par le Kosovo.

Dans les faits, la préfecture a refusé l'échange des permis de conduire, motif pris de ce que le Kosovo n'apparaît pas sur la liste des pays concernés.

L'administration faisait valoir que le tableau concerné (qui ne fait pas apparaître le Kosovo) a été publié au Bulletin officiel en 2006 et mises en ligne sur le site circulaires.gouv.fr .

Mais la mise en ligne n'a été que partielle. En effet, le tableau litigieux, fixant la liste des États concernés annexé à la circulaire du 22 septembre 2006 n'a pas été reproduit dans la version de la circulaire qui a été mise en ligne. La version mise en ligne s'est contenté de renvoyer, pour sa consultation, au bulletin officiel du ministère de l'équipement.

Le Conseil d'Etat a jugé que cette mise en ligne partielle était insuffisante et que le juge des référés, initialement saisi d'une demande de suspension de la décision de refus d'échange des permis (en complément de la demande d'annulation de la décision) avait raison de juger la liste des États inopposable aux administrés.

Considérant que pour que l'administration puisse se prévaloir des dispositions de cette circulaire à la date de la décision litigieuse, ces dispositions devaient avoir été à la fois publiées dans un bulletin officiel conformément aux prescriptions de l'article 29 du décret du 30 décembre 2005 et mises en ligne conformément à celles de l'article 1er du décret du 8 décembre 2008 ; que la portée que ce décret confère à la mise en ligne ne saurait toutefois s'étendre, en cas de mise en ligne partielle de la circulaire, qu'à ses dispositions effectivement consultables sur le site ; qu'il est constant que le tableau fixant la liste des Etats concernés annexé à la circulaire du 22 septembre 2006 n'a pas été reproduit dans la version mise en ligne de cette circulaire, laquelle se borne à renvoyer, pour sa consultation, au bulletin officiel du ministère de l'équipement ; que dans ces conditions, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en regardant la liste des Etats comme inopposable aux administrés ;

Quelle est la porté de cet arrêt?

Cet arrêt est un simple arrêt de "référé". Il est provisoire. En droit il n'interdit pas le Juge administratif de juger autrement la demande en annulation. Néanmoins, il a revêtu une solennité particulière, qui permet de considérer qu'il a "tranché" la question de droit évoquée.

De sorte qu'il est possible, en l'état, de considérer que les circulaires et autres textes interprétatifs qui ne seraient que partiellement publiés sur le site circulaires.gouv.fr ne seraient pas opposables aux administrés pour la partie non publiée, quand bien même elles auraient été publiées sur le bulletin officiel concerné en version papier.

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Ariel DAHAN