LE TRANSPORT A TITRE ONEREUX DE PERSONNES

PAR VEHICULES MOTORISES A DEUX OU TROIS ROUES

Problématiques juridiques

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En marge du service public de transport individuel de personnes, qualifié habituellement de « Taxi », il s'est créé une multitude de professions plus ou moins licites, plus ou moins réglementées : voitures de maître, limousines à la demande, transport collectif sur réservation préalable..., autant de professions qui contournaient la problématique du quota maximum de véhicules pouvant revendiquer l'appellation réglementée « TAXI ».

Ces professions nouvelles, réglementées, mais régies par un autre corps de texte que celui des taxis, sont soumises à moins d'obligations, et en contrepartie ont moins de droits.

Ainsi, elles ne sont pas astreintes aux obligations imposées aux véhicules taxis par la mission de service publique qu'ils remplissent. Elles peuvent donc refuser un client en fonction de considérations d'intuitu-personnae ou de rentabilité minimale.

Mais également, elles ne sont pas astreintes à des horaires (maximums ou minimums) non plus qu'à une formation minimale. Ainsi, tout conducteur titulaire d'un permis de conduire en cours de validité peut librement affecter son véhicule de tourisme à une fonction de transport à titre onéreux de moins de 6 passagers.

De même leurs tarifs ne sont pas réglementés. (contra. le dernier arrêté fixant le tarif des courses de taxi). Le tarif est donc négocié à la course. Pour une fois, l'adage « le paiement est le prix de la course » se mérite, même détournée de son but ...

En contrepartie de ces allègements réglementaires, ces véhicules ne bénéficient pas des droits et privilèges accordés aux taxis :

- Ils ne peuvent pas circuler dans les voies réservées

- Ils ne peuvent pas stationner aux emplacements réservés aux taxis

- Ils ne peuvent pas circuler en recherche de client (maraude – mais les taxis non-plus)

- Ils ne peuvent pas stationner en recherche de client (racolage)

- Ils ne peuvent répondre qu'à des commandes de transport préalables.

Malgré ces limitations, le marché du transport non-réglementé ne cesse de croître, et se spécialise de plus en plus, en deux branches distinctes :

- le transport collectif à coût mutualisé moyenne ou longue distance (navettes aéroport...)

- le transport individuel privilégié à la demande (chauffeurs de maître, limousines...)

Sur ce deuxième marché (transport individuel rapide à la demande), il s'est créé depuis quelques années une nouvelle profession, destinée au transport individuel rapide à la demande, à moto. Profession qu'on désigne souvent par extension « taxi-moto ».

Il s'agit d'une profession récente, propre à certaines régions géographiques (forte densité de population, barrières à l'entrée de la profession de taxis, temps d'attente important aux centres de transport principaux, temps de parcours important lié au trafic routier). Cette profession se concentre ainsi dans les grandes conurbations à proximité des grands hubs de transport aérien et ferroviaire et des centres d'activité économique ou administratif.

En France, essentiellement à Paris, même si on en rencontre sur Marseille, Bordeaux, Nice...

En Europe, essentiellement à Londres, Paris, Genève...

Au rebours, on en trouve également dans des pays à très faible niveau d'infrastructure, tels que le Togo ou le Cameroun...

De fait, cette profession n'a aucun intérêt sur un territoire où l'accès à la profession est libre, ou sur un territoire où la demande de transport est plus faible que l'offre.

Cette profession s'est auto-constituée, et s'est auto-réglementée, leurs tarifs étant relativement proches de ceux d'un taxi pour la même distance, mais avec une rapidité de transport inégalée.

Ces pilotes de moto (on pilote une moto, on ne la conduit pas) sont parvenus à asseoir leur marché, ayant des clients récurrents.

Le marché est très atomisé. Deux grands groupes se sont créés, mais sont en concurrence frontale avec les indépendants, et il est globalement admis que le marché est très concurrentiel. L'accès au client est donc un élément fondamental de ce marché.

Bon an, mal an, les pilotes de « moto-taxi » parviennent à travailler, sans rentrer en confrontation ouverte avec les taxis officiels, ni à se trouver en infraction (maraude ou racolage). Si n'était la récente loi 2009-888 du 22 juillet 2009, qui a changé radicalement la donne économique et juridique.

En effet, cette loi, « de développement et de modernisation des services touristiques », en vigueur depuis le 25 juillet 2009 sur l'ensemble du territoire français, (JO du 24/07/2009), Institue une réglementation très restrictive de cette profession.

Sous son chapitre 3, intitulé « TRANSPORT A TITRE ONEREUX DE PERSONNES PAR VEHICULES MOTORISES A DEUX OU TROIS ROUES » la loi prévoit un régime en apparence très simple, mais d'application pratique très complexe.

Le premier point positif de cette loi est qu'il reconnaît officiellement une profession qui existe, et réalise en moyenne sur la région parisienne plus de 5.000.000 € de chiffre d'affaires et emploi plus de 200 personnes.

Définition de la profession :

L'article 5 de la loi définit ces entreprises comme étant celles qui assurent un transport du client et de ses bagages à motocyclette ou tricycle à moteur, « suivant des conditions fixées à l'avance entre les parties » (Le contrat de transport).

Le premier critère de cette profession nouvelle est donc que les parties conviennent préalablement des conditions du transport prévu (destination, date du transport, prix...).

Cette profession devra être composée de « chauffeurs qualifiés », au sens de la loi, et de « véhicules adaptés ».

La loi renvoyant à un décret pris en conseil d'état pour déterminer les conditions de qualification et d'adaptation des véhicules. 6 mois après l'entrée en vigueur de la loi, il n'y a guère de projet de décret, de sorte qu'on peut considérer que le chauffeur-pilote de moto est nécessairement qualifiée dès lors qu'il est titulaire d'un permis A (moto), ou B (voiture ou tricycle à moteur).

De même, à défaut de décret, il est loisible de considérer que les véhicules sont nécessairement adaptés au transport de passager dès lors qu'ils possèdent un emplacement pour le recevoir, ainsi que pour accueillir ses bagages s'il en a. Une selle et des sacoches, ou une selle et des coffres.

Mais le véhicule doit encore apporter au passager transporté la sécurité minimale requise d'un passager à moto : le casque (au demeurant, il s'agit d'une obligation imposée par le code de la route).

Droits de la profession :

La profession de transport de personnes à moto ne s'est pas vue attribuer les mêmes droits que les taxis. Loin s'en faut !

Interdiction d'être en situation de recherche de client :

Ainsi, les motos ont l'interdiction de « stationner » sur la voie publique en quête de clients. (Racolage).

De même, ces véhicules ont l'interdiction de « circuler » sur la même voie publique en quête de clients. (Maraude).

Ils sont autorisés à accéder aux abords des gares et aérogares, pour déposer un passager ou s'ils répondent à une réservation préalable.

A contrario, cet « abord des gares et aérogares » leur est interdit s'ils sont en recherche de clientèle. Ils doivent donc justifier de cette réservation préalable.

On aura bien compris que la loi de 2009 fait interdiction au pilote de la moto (qualifié de chauffeur) d'aller à la recherche de la clientèle.

Cette restriction est tout de même très problématique en pleine période de crise économique, alors même qu'il est prouvé que ce marché est un marché nouveau, en croissance, et qu'il n'est pas en concurrence frontale avec le marché du taxi traditionnel.

Sanctions :

Les sanctions à cette interdiction sont très lourdes :

un an d'emprisonnement 15 000 € d'amende

Outre les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ; 2° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, du véhicule qui a servi à commettre l'infraction ; 3° La confiscation du véhicule qui a servi à commettre l'infraction ; 4° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'entrer et de séjourner dans l'enceinte d'une ou plusieurs infrastructures aéroportuaires ou portuaires, d'une gare ferroviaire ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été préalablement autorisé par les autorités de police territorialement compétentes.

Les personnes morales peuvent également être déclarées responsables pénalement. Elles encourent :

1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ; 2° Les peines mentionnées aux 8° et 9° de l'article 131-39 du même code.

Analyse :

Cette situation apparaît évidemment très préjudiciable à l'économie en général.

D'une part en ce qu'elle limite la création d'un marché très porteur, qui est celui du transport rapide de personnes à la demande.

D'autre part parce qu'elle s'attaque frontalement à une activité économique qui représente un poids très important dans l'économie actuelle. Les clients des motos-taxis l'utilisent pour gagner un temps précieux qu'ils perdraient autrement en temps d'attente.

Savoir qu'on peut être à Orly en 20 minutes même aux heures de pointe permet de prolonger ses rendez-vous. Savoir qu'on peut traverser Paris en 15 minutes quoi qu'il arrive permet également de multiplier les rendez-vous ou les activités professionnelles.

Surtout compte tenu de la politique des transports dans Paris, qui a saccagé le flux de circulation dans de multiples quartiers...

Enfin, cette loi n'est aucunement orientée vers l'utilisateur, dont on pourrait s'attendre qu'il soit le principal intéressé d'une réglementation. Pour preuve, le fait qu'aucune obligation particulière ne soit posée pour réglementer le droit de conduire à titre professionnel un engin à deux ou trois roues sans carosserie... (rappel : les scooters tricycles ne sont pas soumis à l'obligation de permis moto et peuvent être utilisés avec un simple permis "B"). Il s'agit clairement d'une loi protectionniste, visant à conserver le monopole des taxis. Mais ce monopole ne durera pas éternellement. Il est amené à se dissoudre sous la pression cumulée de l'Union Européenne et des groupes professionnels nouveaux.

J'en veux pour preuve ultime de la maturité de cette profession, la création du Syndicat National des Transports de Personnes à Moto , syndicat créé le 25 janvier 2010 pour répondre aux besoins de cette profession, et organiser les revendications professionnelles.

Du travail législatif en perspective...

Ariel DAHAN

Avocat