Par un arrêt du 8 juillet 2020, n° 20-81.739, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue consacrer une nouvelle mission du juge judiciaire en matière de détention : celle "de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant".

Jusqu'ici, la mission principale du juge judiciaire était de contrôler le caractère exceptionnel et indispensable de la détention, en vérifiant, pour chaque cas particulier, que la détention constitue bien l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs de l'article 144 du code de procédure pénale (conserver les preuves, empêcher de faire pression sur les témoins ou les victimes, garantir la présentation de la personne, etc.), et qu'un placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique est insuffisant pour y parvenir.

Désormais, une personne détenue va pouvoir déposer une demande de mise en liberté si elle estime que ses conditions de détention sont indignes. Le juge judiciaire devra alors contrôler si les conditions de détention respectent la dignité des personnes.

Cet arrêt voit toutefois sa portée doublement limitée :

- D'abord, l'arrêt ne se prononce que sur la question de la détention provisoire, donc de la détention des personnes en attente de jugement. On ignore si cet arrêt est également susceptible de s'appliquer à des personnes définitivement condamnées : il faudra attendre des arrêts ultérieurs pour en avoir la confirmation.

- Ensuite, la décision précise que "la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention doit être suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne". La personne qui dépose une demande de liberté sur le fondement de l'indignité de ses conditions de détention devra donc en apporter la preuve ce qui, lorsqu'on est incarcéré, est difficilement concevable : comment prouver l'indignité des conditions de détention sans possibilité de produire des photographies de sa cellule, ou un constat d'huissier ? Des témoignages de codétenus pourraient-ils suffire ? Le mystère reste à éclaircir..