Le 11 février 2015, Mme F, handicapée moteur effectuant ses déplacements extérieurs à l'aide d'un fauteuil roulant motorisé, est victime d'un accident de la circulation impliquant un autre véhicule.

L'assureur du véhicule motorisé impliqué dans l'accident refuse d'indemniser Mme F à l'amiable, au motif qu'elle aurait commis une faute excluant tout droit à indemnisation de ses préjudices.

Mme F assigne l'assureur du véhicule motorisé en justice.

Le 30 janvier 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence estime qu'un fauteuil roulant électrique, muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, a vocation à circuler de manière autonome et répond, par conséquent, à la définition que l'article L. 211-1 du code des assurances donne du véhicule terrestre à moteur.

La cour d'appel ajoute que si l'article R. 412-34 du code de la route assimile au piéton la personne en situation de handicap se déplaçant en fauteuil roulant, le texte ne vise pas les fauteuils roulants motorisés mais les fauteuils roulants « mus par eux-mêmes », c'est-à-dire dépourvus de motorisation.

Dès lors, la cour d'appel en déduit que Mme F a la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur et qu'à ce titre, sa faute dans l'accident vient réduire son droit à indemnisation de moitié.

N'ayant pas obtenu satisfaction, Mme F se pourvoit en cassation.

Se pose donc la question de savoir si un fauteuil roulant motorisé constitue un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi Badinter du 5 juillet 1985.


L'enjeu de cette qualification est de taille :

  • Si on considère qu'un fauteuil roulant électrique est un véhicule terrestre à moteur, la victime d'un accident de la circulation conductrice d'un tel fauteuil pourrait, en cas de faute à l'origine de l'accident, voir son droit à indemnisation réduit voire exclu, conformément aux dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dite loi Badinter, et plus précisément à l'article 5 de ladite loi ;
  • Si on considère a contrario qu'un fauteuil roulant électrique n'est pas un véhicule terrestre à moteur, aucune faute ne peut être opposée à la victime qui conduisait un tel fauteuil lors de l'accident, à l'exception de la faute inexcusable ayant été la cause exclusive de l'accident ou en cas de volonté de la victime de de causer l'accident, en application de l'article 3 de la loi Badinter.

Dans son arrêt du 6 mai 2021, n° 20-14.551, la 2e Chambre civile de la Cour de cassation vient statuer en faveur des personnes en situation de handicap et casse l'arrêt d'appel.

Elle rappelle, dans un premier temps, que la loi Badinter a été promulguée pour protéger les usagers de la route les plus vulnérables :

"Par l'instauration de ce dispositif d'indemnisation sans faute, le législateur, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d'usagers de la route, à savoir les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap".

Elle déduit de cette ambition protectrice de la loi Badinter, à la lumière des objectifs assignés aux États par la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007, qu'un fauteuil roulant électrique, qui constitue un dispositif médical destiné au déplacement d'une personne en situation de handicap, ne saurait constituer un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

En conséquence, la faute de la victime qui conduisait un fauteuil roulant motorisé au moment de l'accident ne pourra pas lui être opposée pour réduire son droit à indemnisation, sauf en cas de faute inexcusable si cette faute inexcusable a été la cause exclusive de l'accident, ou encore si la victime a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi.