La détermination de la consistance d’un bien visé par une procédure d’expropriation est susceptible de faire varier sensiblement le montant de l’indemnité due au propriétaire dépossédé.
Cette consistance s’entend de tous les éléments physiques et matériels qui composent le bien (appentis, garages, clôtures…).
Le juge doit à ce titre prendre en compte toutes les caractéristiques physiques et matérielles du bien (Civ. 3e, 29 mars 2000) lesquelles incluent les ressources exploitables (Civ. 3e, 12 février 2003 : source d’eau ; Civ. 3e, 3 octobre 1990 : gisement de graviers exploitable en tréfonds).
Il tient également compte de sa situation juridique (existence de servitudes légales ou conventionnelles, situation locative de l’immeuble).
La consistance du bien peut évoluer et l’article L. 322-1 du code de l’expropriation précise à cet égard que :
« Le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
Toutefois, les améliorations de toute nature, telles que constructions, plantations, installations diverses, acquisitions de marchandises, qui auraient été faites à l'immeuble, à l'industrie ou au fonds de commerce, même antérieurement à l'ordonnance d'expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité si, en raison de l'époque à laquelle ces améliorations ont eu lieu ou de toutes autres circonstances, il apparaît qu'elles ont été faites dans le but d'obtenir une indemnité plus élevée. Sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations postérieures à l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1.
En cas d'expropriation survenant au cours de l'occupation d'un immeuble réquisitionné, il n'est pas non plus tenu compte des modifications apportées aux biens par l'État. »
Il résulte de cette disposition que pour apprécier la consistance du bien , le juge se place à la date de l’ordonnance d’expropriation.
Lorsque cette ordonnance n’a pas encore été rendue à la date du jugement statuant sur l'indemnité, c'est à cette date que le juge doit se placer pour apprécier la consistance des biens expropriés (Civ. 3e, 11 octobre 1977 ; Civ. 3e, 18 décembre 1991).
Les améliorations spéculatives effectuées avant le transfert de propriété ne sont pas prises en compte.
Sont présumées spéculatives toutes les améliorations réalisées postérieurement à l’ouverture de l’enquête publique.
Cette présomption peut être renversée par tout moyen et il appartient à l’exproprié de rapporter les preuves de ce que ces améliorations n’ont pas été réalisées dans le seul but d’obtenir une indemnité plus élevée.
Sont ainsi regardées comme des améliorations spéculatives la création d’un parking sur une parcelle acquise après l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (CA Paris, 22 janvier 1981), les plantations effectuées après l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (CA Paris, 27 janvier 1984), la création d’un fonds de commerce après l’ouverture de ladite enquête (Civ. 3e, 2 février 1983).
Il a par ailleurs été jugé que la circonstance qu’un exproprié, acquéreur d'un immeuble en très mauvais état, n'a jugé nécessaire de ne le rénover que vingt-cinq ans plus tard, et postérieurement à l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, permet de considérer qu’il s’agit d’améliorations faites dans le seul but d'obtenir une indemnité plus élevée (Civ. 3e, 14 janvier 1987).
Il en a été de même s’agissant de la signature d’un bail authentique compte tenu de sa durée exceptionnelle et du montant très élevé des loyers (Civ. 3e, 28 janvier 1987).
En revanche, ne sont pas considérées comme des améliorations spéculatives les améliorations destinées à permettre une meilleure utilisation d’un fonds de commerce (CA Paris, 1er décembre 1989), l’établissement d’un règlement de copropriété après ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (Civ. 3e, 13 octobre 1971) ou l’acquisition d’un droit au bail hormis le cas de fraude qui ne peut résulter de la seule connaissance d'un projet d'expropriation (Civ. 3e, 29 avril 1981 ; Civ. 3e, 22 juillet 1998).
La consistance d’un bien n’est pas forcément évidente et peut donc légitimement se discuter.
Compte tenu de l’importance qu'elle peut avoir sur le montant de l’indemnité allouée, il importe de ne pas s’en tenir à la description faite par l’expropriant et de s’en remettre au juge de l’expropriation pour trancher les éventuels désaccords.
De même, afin d’éviter les investissements non récupérables, il peut être opportun, dès l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, de déterminer quelles améliorations pourraient ou ne pourraient pas être prises en compte dans le cadre d’une indemnisation à venir.