Dans cette affaire, le directeur administratif et financier d’une association qui assurait la gestion d’un centre d’examen de santé avait été licencié pour faute lourde en mars 2011 après avoir dénoncé auprès du procureur de la République des faits susceptibles de constituer une escroquerie et un détournement de fonds de la part d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association.

 

Estimant qu’il avait usé librement de son droit d’expression, le salarié a contesté son licenciement. La cour d’appel l’a suivi et a invalidé le licenciement au motif que le salarié avait dénoncé les faits en parfaite bonne foi. Les juges d’appel n’ont toutefois pas jugé que le licenciement était nul.

 

Dans son arrêt du 30 juin 2016 (n°15-10.557), la chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé par le salarié contre cette décision, a estimé, au visa de l’article 10§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, que le licenciement du lanceur d’alerte était nul car prononcé en violation de la liberté d’expression :

 

« Vu l’article 10 § 1 de la de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ;
Attendu que pour dire qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le licenciement et débouter le salarié de sa demande de réintégration, l’arrêt retient que la nullité ne peut être prononcée en l’absence de texte la prévoyant puisque les articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du code du travail issus de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, n’étaient pas applicables à l’époque du licenciement et que les faits dénoncés par le salarié ne se rattachaient pas à des faits de corruption, ce qui exclut l’application de l’article L. 1161-1 du code du travail ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le licenciement était motivé par le fait que le salarié, dont la bonne foi ne pouvait être mise en doute, avait dénoncé au procureur de la République des faits pouvant être qualifiés de délictueux commis au sein de l’association, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
 »

 

La nullité du licenciement est donc soumise à la condition que le salarié qui a dénoncé des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale l’ait fait de bonne foi. La bonne foi doit ici être interprétée comme la croyance légitime du salarié en la commission desdits faits.

 

Et pour la Cour de cassation, peu importe que le salarié ait averti sa hiérarchie préalablement à la dénonciation auprès de l’autorité judiciaire ou qu’il ait directement informé le procureur de la République.

 

Cet arrêt est de nature à protéger les lanceurs d’alerte, dans la mesure où, la chambre sociale instaure cette immunité non seulement lorsque les faits sont portés à la connaissance du procureur de la République mais également, de façon plus générale, dès lors qu’ils sont dénoncés à des tiers.

 

Par cette décision, la Cour de cassation consacre donc la solution retenue par le législateur dans la loi du 6 décembre 2013 et étend ainsi la protection contre le licenciement à l’ensemble des lanceurs d’alerte, peu important la date des faits ayant donné lieu au licenciement.

 

Elle fait ainsi primer la liberté d’expression sur toute autre considération et rappelle donc que toute sanction prise en violation de cette liberté fondamentale doit être frappée de nullité.

 

 

Jean-philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail
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