Une transaction ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement. C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 1er juillet 2009, arrêt qui sanctionne à nouveau la pratique de la transaction antidatée.

Dans cette affaire, un salarié est licencié pour faute grave le 15 septembre 2004, et une transaction portant la date du 24 septembre 2004 est conclue entre les parties. Contestant la validité de la transaction, et par là même de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en invoquant principalement le fait qu'il avait été amené à signer la transaction avant même de recevoir la lettre de licenciement. Pour tenter de prouver ses dires, il a versé au débat les documents légaux de fin de contrat dont semble t-il l'attestation assédic datée du 21 septembre 2004 et faisant référence à la transaction signée le ... 24 septembre 2004.

Les juges du fond avaient débouté le salarié en considérant la transaction valable, ceci en dépit de l'incohérence des dates figurant dans les différents documents. Mieux, la cour d'appel saisie de cette affaire a admis que la transaction avait nécessairement été signée avant la date portée sur le protocole, mais elle a alors considéré que le salarié ne rapportait pas la preuve que la transaction avait au final été signée avant la notification du licenciement.

Décision censurée par la Cour de cassation qui rappelle d'abord dans un attendu de principe que « la transaction, ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ».

Elle ajoute ensuite qu'il appartenait au juge du fond de rechercher à quelle date la transaction avait été conclue précisément et, à défaut de pouvoir la déterminer, d'en déduire que l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait que la transaction avait été conclue postérieurement au licenciement.

Cette décision est importante car elle met à la charge de l'employeur la preuve de la date de la transaction en cas de doute sérieux sur la réalité de la date portée au protocole.

On ignore quels sont les moyens de preuve qu'aura l'employeur pour certifier la date de la transaction devant la cour d'appel de renvoi, mais ce qui est sûr c'est que cette décision vient encore un peu plus fragiliser les ruptures négociées passant par la notification d'un « faux licenciement ».

Rappelons à ce sujet que le législateur a ouvert depuis juin 2008 une nouvelle forme de rupture négociée se situant entre la démission et le licenciement, savoir la rupture conventionnelle homologuée par la DDTEFP.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cour de cassation, chambre sociale, 1er juill. 2009, n° 08-43.179 P+B

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 1 juillet 2009

N° de pourvoi: 08-43179

Publié au bulletin Cassation

, président

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 15 mars 1976 par la société CGE Distribution, a été licencié pour faute grave, le 15 septembre 2004 ; qu'une transaction portant la date du 24 septembre 2004 a été conclue entre les parties ; que, faisant valoir qu'il avait été licencié verbalement le 14 septembre 2004 et que le protocole transactionnel avait été établi le même jour, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour demander qu'il soit jugé que la transaction était nulle, le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et pour obtenir la condamnation de la société à lui payer des sommes à titre d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1232-6, L. 1231-4 du code du travail et 2044 du code civil ;

Attendu que pour dire que la transaction était régulière et que les demandes du salarié se heurtaient à l'autorité de la chose jugée en résultant, l'arrêt retient que le protocole porte clairement mention de la date du 24 septembre 2004 et que le fait que cette date ne corresponde pas à la date à laquelle il a été signé ne peut à lui seul l'affecter dans sa validité et en entraîner la nullité, qu'il est constant qu'une transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive, que cette rupture est intervenue en l'espèce par la réception par M. X... le 17 septembre 2004 de sa lettre de licenciement expédiée en recommandé avec accusé de réception le 15 septembre 2004, qu'il n'est pas discuté ni discutable pour résulter des documents produits et des débats que ce protocole transactionnel daté du 24 septembre 2004 a été remis à l'ASSEDIC le 21 septembre, qu'il a donc nécessairement été établi et signé avant le 21 septembre 2004, que cependant force est de considérer que ces seuls éléments sont insuffisants pour établir incontestablement que le protocole, qui par ailleurs rappelle les circonstances de sa signature, l'entretien préalable, le refus de M. X..., la notification du licenciement le 15 septembre, les contacts par la suite, les discussions et le temps de réflexion et que M. X... a signé ainsi rédigé après avoir porté sous la date du 24 septembre la mention "lu et approuvé", aurait été signé antérieurement au 15 septembre 2004 ;

Attendu, cependant, que la transaction, ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la date portée sur le protocole transactionnel n'était pas celle à laquelle il avait été signé et qu'au vu des éléments qui lui étaient produits il avait nécessairement été signé avant le 21 septembre 2004, la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher à quelle date la transaction avait été conclue précisément et, à défaut de pouvoir la déterminer, d'en déduire que l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait que la transaction avait été conclue postérieurement au licenciement, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen unique en sa quatrième branche : Vu l'article 1338 du code civil ; Attendu que pour dire que la transaction était régulière et que les demandes du salarié se heurtaient à l'autorité de la chose jugée en résultant, la cour d'appel énonce que le protocole est clair, net et précis quant à son contenu et à ses conséquences et que M. X... directeur d'une filiale de la société CGE Distribution, même se trouvant alors dans une situation délicate voire difficile, ne peut pas ne pas en avoir compris toute la signification et toute la portée, que ce protocole a en outre été exécuté et que M. X... n'a saisi le conseil de prud'hommes que deux ans plus tard ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le salarié avait exécuté la transaction en toute connaissance du vice l'affectant et avec la volonté de le réparer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;

Condamne la société CGE aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.