Le salarié licencié pour motif économique (y compris celui qui a signé une convention de reclassement personnalisé) peut faire valoir son droit d'être recruté en priorité dans le cas où l'entreprise engagerait à nouveau du personnel, dans son niveau de qualification. Cette priorité doit être mentionnée dans la lettre de licenciement et résulte des dispositions de l'article L 1233-45 du Code du travail. Trois règles doivent être rappelées ;

- le salarié doit avoir exprimé (par écrit) son souhait de bénéficier de cette priorité de réembauchage, date à compter de laquelle la priorité jouera,

- cette priorité de réembauchage est d'une durée d'une année à compter de la date de rupture du contrat (terme du préavis),

- cette priorité joue en ce qui concerne tous les postes disponibles et compatibles avec la qualification du salarié licencié, qu'il s'agisse d'un CDI ou d'un CDD (Soc; 8 avril 2009).

Pour la Cour de cassation, il en résulte que, si le salarié a manifesté son désir de bénéficier de cette priorité de réembauchage, en cas de litige prud'homal, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation. Il devra donc établir, soit qu'il a bien proposé les postes disponibles, soit qu'il n'avait pas de tels postes.

J'ajouterai que la priorité de réembauchage n'assure toutefois pas au salarié d'être réembauché puisque si l'employeur est oblligé de proposer à son ancien salarié un poste devenu disponible, pour autant il n'est pas obligé de le réembaucher s'il justifie le choix d'un autre salarié par des éléments objectifs relatifs aux intérêts de l'entreprise.

Quelle est la sanction en cas de violation par l'employeur de cette priorité de réembauchage ; au moins 2 mois de salaires bruts à titre d'indemnité si le salarié a plus de 2 ans d'ancienneté et que l'entreprise a au moins 11 salariés, sinon en fonction du préjudice subi.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cour de cassation, chambre social, 23 juin 2009, n° 07-44.640 P+B

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mardi 23 juin 2009

N° de pourvoi: 07-44640

Publié au bulletin Cassation partielle partiellement sans renvoi

Mme Collomp (président), président

SCP Defrenois et Levis, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Shiseido international Europe, le 2 mars 2000, en qualité d'assistance marketing et formation, qui était membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a été licenciée pour motif économique par lettre du 19 février 2004, après autorisation administrative de licenciement définitive du 16 février 2004 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour violation de l'ordre des licenciements, d'une indemnité pour violation de la priorité de réembauche et d'un rappel de prime ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche, alors, selon le moyen, " qu'en statuant comme elle l'a fait, sans avoir constaté l'existence d'un emploi devenu disponible au sein de la société postérieurement à la demande de Mme X..., et compatible avec la qualification de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-14 codifié à l'article L. 1233-45 du code du travail " ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification ; qu'il en résulte qu'en cas de litige il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'employeur qui ne produisait pas le registre unique du personnel, malgré la demande de la salariée a légalement justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une somme à titre de rappel de prime pour l'année 2004, alors, selon le moyen, " qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser la généralité du versement de la prime à l'ensemble des salariés, ou à tout le moins à une catégorie déterminée d'entre eux a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil " ;

Mais attendu que l'employeur ayant seulement contesté le caractère constant du versement de cette prime, le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Mais sur le premier et le deuxième moyen du même pourvoi :

Vu la loi des 16-24 août 1790 ;

Attendu que pour déclarer recevable la demande d'indemnité de la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre en raison d'un manquement à l'obligation individuelle de reclassement, la cour d'appel retient que l'autorisation administrative de licenciement ne prive pas le juge judiciaire de son pouvoir de contrôle du respect par l'employeur de ses obligations contractuelles individuelles à l'égard de la salariée, à savoir ses obligations contractuelles en matière de reclassement et de critères d'ordre des licenciements ;

Qu'en statuant ainsi alors que lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier le respect de l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs contrôler le respect de cette obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation du chef de l'arrêt ayant alloué à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt ayant dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'indemnité pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;

Vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'indemnité pour violation de l'ordre des licenciements, l'arrêt rendu le 11 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute Mme X... de sa demande en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, pour qu'il soit statué sur la demande d'indemnité fondée sur les critères de l'ordre des licenciements ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.