Certains salariés doivent porter une tenue de travail spécifique telle qu'un uniforme. La question se pose donc de savoir si le temps passé à mettre ou enlever cette tenue doit être considéré comme du temps de travail effectif et/ou être rémunéré.

 

Il avait été question lors des travaux parlementaires préalables à la loi AUBRY II du 19 janvier 2000 de considérer le temps d'habillage et de déshabillage comme du temps de travail effectif qui, rappelons le, est défini quant à lui comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations. Finalement, à la suite de l'amendement Mickey (ainsi nommé parce que la question avait été abordée par des salariés d'Euro Disney) un alinéa 3 a été inséré à l'article L212-4 du Code du travail (recodifié depuis en article L3121-3 qui a légèrement remanié la présentation du texte) qui dispose : « Lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties, soit sous forme de repos, soit financières, déterminées par convention ou accord collectif ou à défaut par le contrat de travail ».

 

Habillage et déshabillage étaient donc regardés comme une sujétion plus que comme du temps de travail à proprement parler. Mais ce texte a fait l'objet de différentes interprétations, revenant donc au juge et en l'espèce à la Cour de cassation le soin d'arbitrer. Dans un premier temps, la plus haute juridiction a décidé qu'à partir du moment où une tenue spécifique était obligatoire pour le personnel, l'employeur ne pouvait se soustraire à l'obligation de négocier et donc de prévoir une contrepartie (repos ou financière). Ainsi, il n'était pas distingué l'hypothèse d'un habillage et déshabillage au domicile ou au travail (Cass. soc., 26 janv. 2005 et 5 déc. 2007), ce qui a valu la levée de quelques boucliers qui appelaient à l'application stricte du texte. C'est l'affaire qui vient d'être jugée, à l'initiative de la Société de Transports Publics de l'Agglomération Stéphanoise (STAS). Défendant les conducteurs de bus, trois syndicats réclamaient des négociations. L'employeur refusait de négocier et donc d'envisager une contrepartie au temps d'habillage au motif que les conducteurs, qui prenaient leur service à 5 heures du matin, arrivaient au dépôt déjà revêtus de leur uniforme, de sorte qu'il n'y avait pas, aux yeux de l'employeur, de sujétion à compenser. La Cour d'appel de Lyon n'a pas suivi la thèse de l'employeur, obligeant donc ce dernier à se pourvoir en cassation. L'arrêt consécutif est un revirement. En effet, dans sa décision du 26 mars 2008, la Cour de cassation modifie sa jurisprudence et décide désormais que la négociation de contreparties n'a pas lieu d'être quand les salariés ne sont pas tenus d'enfiler ou d'enlever leur uniforme sur le lieu de travail.

 

Ainsi, deux conditions cumulatives sont nécessaires pour octroyer une contrepartie. Le code du travail prévoit en effet que lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit faire l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières. Compte tenu de la nouvelle lecture de ces dispositions légales sur le lieu où l'habillage et le déshabillage doivent intervenir, il apparaît que l'obligation d'accorder une contrepartie au salarié, pour le temps consacré à ces opérations, s'applique si deux conditions sont cumulativement remplies :

- le port de la tenue de travail est obligatoire,

- l'habillage et le déshabillage doivent se dérouler impérativement dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

 

A partir du moment où ces conditions sont remplies, l'employeur ne peut échapper aux contreparties qui sont financières ou en repos. Elles sont alors déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat (art. L. 3121-3). Il peut s'agir d'une prime (quotidienne, hebdomadaire), d'un forfait mensuel, d'un taux horaire spécifique (par exemple 20 % du taux horaire de base du salarié)... Mais en l'absence de négociation, le juge peut ordonner, sous astreinte, une réunion en vue de la conclusion d'un accord collectif qui fixerait les modalités d'application des dispositions légales.

 

Cette jurisprudence a été confirmée par la cour de cassation dans un arrêt du 3 juin 2009 qui rappelle que l'employeur ne doit rémunérer ou accorder une contrepartie sous forme de repos, le temps nécessaire à l'habillage ou au déshabillage que si deux conditions sont cumulativement remplies :

- le port de la tenue doit être obligatoire,

- les opérations d'habillage ou de déshabillage doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

 

A l'inverse, aucune rémunération ou aucune contrepartie n'est due dès lors que l'une de ces deux conditions fait défaut. C'est l'intérêt de la précision apportée par la Cour de cassation (Cass. soc. 3 juin 2009, n° 07-42646 FD).

 

 

Jean-Philippe SCHMITT,

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en Droit du Travail

1 BD Georges Clemenceau 21000 DIJON

03.80.69.59.59

 

Soc. 26 mars 2008, pourvoi n° 05-41.476

Soc. 3 juin 2009, pourvoi n° 07-42646