En droit français, la propriété peut être acquise de différentes manières (ex : par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, par l'effet des obligations, par accession ou incorporation, etc), y compris par prescription.

Sur ce dernier point, la possession d’un bien immobilier pendant 30 ans, vaut titre de propriété.

C’est le principe qui est rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 17 décembre 2020 (Cass. Civ 3ème, 17 déc., 2020, n° 18-24.434).

En l’espèce, en 1961, X s’est engagé par acte sous seing privé, à vendre à Y, une partie de la parcelle cadastrée.

La vente n’a donné lieu à aucune publication.

Puis, en 1995, par acte authentique publié, les ayants droit de X ont vendu la parcelle à la société PREVALIM.

Par acte du 3 octobre 2013, la société PREVALIM, se prévalant de son titre régulièrement publié, a assigné Y en expulsion de la partie de cette parcelle occupée par lui. Celui-ci a opposé à la société PREVALIM, la prescription acquisitive trentenaire.

La Cour d’appel a retenu que les titres respectifs des parties, leur conférant des droits concurrents, étaient soumis à publicité foncière, et que seul le titulaire de l’acte publié à la conservation des hypothèques - la société PREVALIM - était fondé à se prévaloir de l’antériorité de la publication de son titre de propriété. Elle a conclu que Y était donc irrecevable à se prévaloir de la prescription acquisitive.

Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation, qui a estimé que la prescription acquisitive de 30 ans pouvait être opposée au titre de propriété de la société PREVALIM, quand bien même celui-ci ait été régulièrement publié.

Attention : si celui qui peut invoquer le bénéfice de la prescription acquisitive l'emporte sur quelqu’un qui revendiquerait la propriété - celle-ci primant sur un titre et sur tout autre indice, car elle fait acquérir la propriété -, toutefois, pour pouvoir prescrire, il faut une possession :

  • continue et non interrompue,
  • paisible, publique,
  • non équivoque,
  • à titre de propriétaire.

Dans ce sens, par exemple, le simple fait d'occuper un immeuble depuis 30 ans et de payer les impôts y afférents n'est pas suffisant. De même la conclusion d'un bail ou d'autres actes juridiques ne caractérise pas à eux seuls la possession.

Ce qui compte pour la jurisprudence, c’est l'élément intentionnel : le possesseur doit vouloir être propriétaire du bien.

De surcroît, cet élément intentionnel doit être conforté par des actes matériels de possession, c’est-à-dire, des actes de la nature de ceux qu'accomplit un véritable propriétaire (ex : travaux de réfection de toiture, de zinguerie, de remplacement des menuiseries, crépissage, c'est-à-dire des travaux de la nature de ceux qu'accomplit un propriétaire et non un locataire).

Ces actes matériels publics sont importants car ils sont de nature à attirer l'attention de tiers. C'est l'absence de réaction de tiers pendant une longue période de 30 ans qui justifie l’acquisition par prescription.

La possession doit encore être continue ce qui suppose que les actes matériels soient effectués régulièrement et qu'il n'existe aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription.

Donc, lorsqu'un vendeur fait état d'actes de possession utile sur une partie du bien vendu, il est judicieux lorsque ces actes durent depuis moins de 30 ans de prévoir leur cession dans l'acte de vente. Ainsi les acquéreurs pourront joindre leur possession à celle du vendeur. L'acte pourrait ainsi préciser que les vendeurs cèdent les droits susceptibles d'être nés du fait des actes de prescription qu'ils ont effectués.

Samedi 19 décembre 2020