Information exigée par l'article L. 223-3 du code de la route

Vu 1°), sous le numéro 294396, le recours, enregistré le 15 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du Ministre de l'Intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé l'ordonnance du 22 septembre 2005 du vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Lille, en tant qu'elle annule, d'une part, la décision du 19 avril 2005 du ministre de l'intérieur l'informant de la perte de 4 points et de la perte de validité de son permis de conduire et, d'autre part, la décision du 27 mai 2005 du préfet du Nord enjoignant la restitution du permis de conduire de M. A pour perte de validité ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'ordonnance du 22 septembre 2005 du vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Lille ;

Vu 2°), sous le numéro 295250, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 10 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Laurent B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé l'ordonnance du 22 septembre 2005 du vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Lille, en tant qu'elle annule, d'une part, la décision du 19 avril 2005 du ministre de l'intérieur l'informant de la perte de 4 points et de la perte de validité de son permis de conduire et, d'autre part, la décision du 27 mai 2005 du préfet du Nord enjoignant la restitution de son permis de conduire pour perte de validité ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du Ministre de l'Intérieur et la requête de M. B sont dirigées contre le même arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Douai a partiellement annulé l'ordonnance du 22 septembre 2005 du vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Lillle ayant annulé les retraits de points consécutifs à quatre infractions commises par M. B et a enjoint au ministre de réaffecter un point au capital de points du permis de conduire de ce dernier ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 28 juillet 2005 applicable à la date des ordonnances litigieuses : « Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance :/ (...)

6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée (...) » ;

Que ces dispositions permettent au juge de statuer par ordonnance sur les requêtes relevant d'une série, dès lors que ces contestations ne présentent à juger que des questions de droit qu'il a déjà tranchées par une décision passée en force de chose jugée et qu'il se borne à constater matériellement des faits, susceptibles de varier d'une affaire à l'autre, sans avoir toutefois à les apprécier ou à les qualifier ;

Considérant que la cour administrative d'appel, pour juger que le vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Lille avait légalement fait application des pouvoirs que lui confère le 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative de statuer par ordonnance en présence d'une série, a relevé que la demande dont ce magistrat était saisi soulevait le même moyen, tiré de l'absence de délivrance au conducteur,

au moment de l'infraction, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, que celui retenu par le tribunal dans un jugement passé en force de chose jugée concernant un autre conducteur et qu'il s'était borné à constater, à la lumière des éléments fournis par les parties, que les faits de l'espèce conduisaient à retenir une solution identique à celle de ce jugement et à annuler les décisions attaquées ;

Que toutefois, si le litige soulevé par M. B présentait en effet à trancher une question de droit identique à celle posée dans une précédente décision passée en force de chose jugée, relative à l'existence et au contenu de l'information exigée par le code de la route, le sens de la solution à y apporter dépendait d'une appréciation spécifique des données de fait propres à l'affaire ; que, par suite, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en n'annulant pas l'ordonnance du 22 septembre 2005 ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond en statuant sur les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel ;

Considérant qu'il résulte du motif de cassation que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 22 septembre 2005, le vice-président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Lille a fait usage de la procédure prévue à l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par conséquent, d'annuler cette ordonnance et de statuer immédiatement sur la demande de M. B, par la voie de l'évocation ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2005 du ministre de l'intérieur informant M. B de la perte de validité de son permis de conduire :

Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ;

Que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ;

Que la circonstance que l'administration ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que, dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a notifié à M. B le retrait de quatre points de son permis de conduire à la suite d'une infraction commise le 9 mai 2004 et a récapitulé les pertes de points antérieures d'un total cumulé de dix points, qui avaient été notifiées par lettre simple, pour des infractions commises les 15 mars 2000, 10 juillet 2001, 30 avril 2002, 6 août 2003 et 25 septembre 2003 ;

Considérant, en premier lieu, que M. B soutient que la réalité des infractions n'est pas établie et que le ministre n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la délivrance et de la notification d'un titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;

Qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. B a réglé l'amende forfaitaire pour chacune des infractions commises, ce règlement valant reconnaissance de la réalité des infractions, en application de l'article L. 223-1 du code de la route, sans qu'il soit besoin pour l'administration d'apporter la preuve de la délivrance et de la notification d'un titre exécutoire visant au recouvrement de chacune de ces amendes ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. B ne peut utilement invoquer la méconnaissance de la présomption d'innocence ou une violation d'un principe de sécurité juridique résultant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les procès-verbaux des contraventions des 10 juillet 2001, 30 avril 2002, 6 août 2003, 25 septembre 2003 et 9 mai 2004 mentionnent, non seulement que le contrevenant est susceptible de perdre respectivement trois, deux, deux, deux et quatre points de son permis de conduire, mais également que « le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » ;

Que les mentions figurant sur cet avis répondent aux exigences d'information prévue par les dispositions précitées du code de la route, alors d'ailleurs que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, l'information du seul principe d'un retrait de points est suffisante ;

Que, si la possibilité d'effectuer un stage pour la reconstitution du capital de points ne figure pas sur le volet remis au contrevenant, une telle mention n'est pas au nombre de celles qui conditionnent la régularité de la procédure de retraits de points ; que, dans ces conditions, l'administration a apporté la preuve qui lui incombe de la délivrance des informations requises lors de la constatation des infractions précitées ;

Considérant, en revanche, que le ministre reconnaît ne pas être en mesure d'apporter la preuve de la délivrance de l'information requise lors de la constatation de l'infraction commise le 15 mars 2000 ;

Qu'il en résulte que la décision par laquelle le ministre a retiré un point du capital de M. B, à la suite de l'infraction commise le 15 mars 2000, est illégale en ce qu'elle repose sur une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration ne pouvait légalement retirer du compte de M. B le point afférent à l'infraction du 15 mars 2000, mais que les retraits résultant de toutes les autres infractions sont réguliers et fondés ;

Que, malgré l'ajout d'un point au capital de M. B, ce dernier a néanmoins épuisé les douze points dont il dispose ; qu'ainsi, la décision du 19 avril 2005 du ministre de l'intérieur informant M. B de la perte de validité de son permis de conduire n'est pas entachée d'illégalité ; que ce dernier n'est donc pas fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 27 mars 2005 de restitution du permis de conduire et la reconstitution du capital de points affectés au permis de conduire :

Considérant que, par voie de conséquence du rejet de sa demande d'annulation de la décision du 19 avril 2005 du ministre de l'intérieur, M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 27 mars 2005 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet du Nord, l'enjoignant de restituer son titre de conduite, qui est uniquement fondée sur la décision ministérielle de retrait ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du Ministre de l'Intérieur qui n'est pas, dans la présence instance, la partie perdante, les sommes demandées devant le tribunal administratif de Lille, la cour administrative d'appel de Douai et le Conseil d'Etat par M. B, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Conseil d'État, 20 février 2008

Votre bien dévoué

Maître Amadou TALL

Avocat au Barreau de la Seine Saint Denis

Avocat à la Cour d'Appel de Paris

Avocat spécialisé en droit des étrangers

Avocat spécialisé en droit du permis de conduire étranger

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