Lorsqu'un gynécologue obstétricien ou une sage-femme commet d'une négligence à l'origine d'un manque d'oxygène survenue pendant l'accouchement (donc une anoxie per partum), le nouveau-né peut subir une encéphalopathie dite hypoxo-ischémique ce qui nécessite un traitement par hypothermie contrôlée pendant 72 heures. Néanmoins, l'enfant victime peut rester atteinte ultérieurement d'une infirmité motrice cérébrale (IMC) appelée aussi paralysie cérébrale.

 

Dans ces conditions, les parents de l'enfant IMC et leur avocat en droit de la santé peuvent saisir le juge afin d'obtenir réparation du préjudice subi.

 

Dans ce cas, un poste de préjudice relatif à l'assistance d'une tierce personne pose souvent des difficultés en raison son montant important.

 

A ce titre, l'indemnisation de la tierce personne de l'enfant atteint d'une paralysie cérébrale peut être différente selon le type de maternité (publique ou privée).

 

Or, un arrêt rendu le 27 mai 2021 par le Conseil d'Etat aura pour effet de réduire cette différence de traitement (CE, 5 et 6 CR, 27 mai 2021, n° 433863).

 

I. Faits et procédure

 

Sur le fondement de l'article L1142-1 (I) du code de la santé publique, une cour administrative d'appel a condamné un hôpital public pour une faute médicale commise lors de la naissance de la victime qui conserve des séquelles lourdes d'une infirmité motrice cérébrale.

 

Dans cette espèce, des anomalies prononcées du rythme cardiaque fœtal, donc à fort risque d'acidose, sont survenues pendant l'heure précédant la naissance ce qui aurait dû motiver une extraction par forceps ou césarienne. En outre, la durée de l'expulsion était au-delà des recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Selon la cour administrative d'appel, ces fautes étaient de nature à engager la responsabilité de l'hôpital.

 

Le lien de causalité entre l'infirmité motrice cérébrale et l'hypoxie per partum a également fait l'objet de contestations devant le second juge mais ce point du litige n'a pas été contesté devant le Conseil d'Etat.

 

En revanche, ce qui a été contesté devant la Haute juridiction administrative est le tarif horaire de la tierce personne fixé par le second juge.

 

II. Solution de l'arrêt

 

Comparé à son homologue judiciaire, le juge administratif pratique un tarif horaire nettement inférieur suivant une jurisprudence du Conseil d'Etat que les conseils des hôpitaux publics ne manquement pas de soulever (voir par exemple : CE, 5 et 6 CR, 25 mai 2018, n° 393827 et aussi CE, 5 et 6 CR, 11 décembre 2018, n° 400877).

 

Or, dans la décision rapportée du 27 mai 2021, le Conseil d'Etat sanctionne le second juge d'avoir utilisé le même tarif qu'il avait pourtant approuvé dans sa jurisprudence antérieure.

 

Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat énonce au point n° 2 de sa décision :

 

« 2. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par

l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. »

 

Selon le principe énoncé, le juge du fond doit fixer le taux horaire de l'indemnité due au titre de la tierce personne au vu des pièces du dossier (notamment les factures et devis versés aux débats par la victime) par référence au montant du salaire d'une tierce personne augmenté des cotisations sociales ou aux tarifs des organismes (comme des associations d'aide à domicile) fournissant des tierces personnes. Ce tarif horaire doit permettre le recours à une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat sans que des dépenses effectives puissent lier le juge.

 

A vrai dire, le Conseil d'Etat a toujours précisé dans sa jurisprudence antérieure que le tarif horaire doit tenir compte des cotisations sociales. En revanche, dans l'arrêt rapporté, le Conseil d'Etat prend soin de cibler tout particulièrement les « pièces du dossier ».

 

Le Conseil d'Etat décide ainsi au point n° 3 de l'arrêt :

 

« 3. Par suite, en retenant, sur la seule base d'une référence au montant du salaire minimum brut augmenté des cotisations sociales dues par l'employeur, un taux horaire de 13 euros pour déterminer le montant de l'indemnité due à la jeune C... au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne, sans tenir compte, ainsi qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui

était soumis, de ce qu'une assistance adaptée à sa situation de handicap s'élevait un coût plus d'une fois et demie supérieur au montant retenu, la cour a méconnu les règles énoncées au point précédent. »

 

On peut déduire des termes de l'arrêt que les pièces du dossier auront une importance particulière pour ce qui est du tarif horaire retenu pour l'indemnisation de la tierce personne devant le juge administratif. En outre, le niveau de qualification adéquat doit être indemnisé même si la victime a eu recours un niveau de qualification inférieur.

 

Quant à la portée de la décision, l'arrêt a été rendu dans le cadre de l'indemnisation d'un enfant IMC mais il concerne en réalité l'ensemble des victimes d'une erreur médicale survenue dans un hôpital public. Il peut s'agir par exemple d'un préjudice consécutif à un accident d'anesthésie ou de chirurgie, un surdosage de médicaments ou une infection nosocomiale.

 

III. Côté pratique

 

Selon les termes de l'arrêt rapporté du Conseil d'Etat, la famille d'un enfant IMC victime d'une erreur médicale pendant l'accouchement (et de manière générale, la victime d'un accident médical fautif ou non fautif) doit constituer soigneusement un dossier avec des pièces justifiant le coût réel de la tierce personne. Ce dossier sera transmis à son avocat en droit en droit de la santé.

 

Dans l'affaire rapportée, le Conseil d'Etat a précisé qu'un taux horaire supérieur à une fois et demi celui retenu par le second juge apparaît parfaitement acceptable à ses yeux. Il s'agit ainsi d'un taux supérieur à 13 euros x 1,5 soit 19,50 euros ou plus.

 

Le Conseil d'Etat poursuit son œuvre d'harmonisation de la jurisprudence en matière de responsabilité médicale afin que toutes les victimes puissent recevoir le même traitement indemnitaire que l'accident médical soit survenu dans un établissement de santé public ou privé.

 

Pour plus d'informations sur les erreurs médicales commises pendant l'accouchement et la naissance, la famille de la victime peut consulter le site internet du cabinet d'avocat de Dimitri PHILOPOULOS à https://dimitriphilopoulos.com/

 

Dimitri PHILOPOULOS - Avocat et Docteur en médecine 

22 av. de l'Observatoire - 75014 PARIS

Tél : 01.46.72.37.80

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