Bailleur et locataire s'opposent fréquemment au moment du renouvellement d'un bail commercial sur la fixation du loyer du bail renouvelé. Une particularité est à signaler concernant les "clauses recettes" ou loyer binaires, c'est-à-dire des loyers composés d'une part fixe et d'une part variable basée par exemple sur le chiffre d'affaires généré par le locataire dans les lieux loués.

Lorsque les parties ont stipulé un loyer comprenant une part variable, la fixation du prix du loyer renouvelé n'est régie que par leur convention et ne peut résulter que de leur accord (3e Civ., 10 mars 1993, n°91-13.418 ; 3e Civ., 27 janvier 1999, n°97-13.366) et que l'office du juge des loyers commerciaux ne peut être alors que de constater cet accord sur un nouveau prix, s'il exise, et en absence d'un tel accord, de rejeter les demandes en fixation du prix du bail renouvelé, le bail étant alors renouvelé à l'ancien prix (3e Civ., 7 mai 2002, pourvoi n° 00-18.153).

Puis, la Cour de cassation a jugé que lorsque les parties sont convenues d'un loyer comprenant un minimum garanti et une part variable, elles peuvent prévoir, par une clause du contrat, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, ce minimum garanti à la valeur locative :

"la stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur, sans pouvoir être inférieur à un minimum équivalent à la valeur locative des lieux loués, n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, la valeur locative déterminant le minimum garanti" (3e Civ., 29 novembre 2018, n°17-27.798).

La Cour de cassation complète sa jurisprudence et prévoit désormais qu'en l'absence de clause précise sur ce point, il convient de rechercher si les parties ont entendu écarter ou permettre le recours au juge des loyers commerciaux :

"24. En effet, d'une part, les dispositions du code de commerce relatives à la fixation du prix du bail renouvelé étant supplétives de la volonté des parties, celles-ci sont libres de déterminer des conditions de fixation du prix du bail renouvelé excluant une fixation judiciaire à la valeur locative, d'autre part, le juge des loyers commerciaux ne peut déterminer qu'une somme fixe et ne peut modifier la clause de loyer variable, reconduite dans le bail renouvelé.

25. Si les parties qui stipulent une clause de loyer variable manifestent ainsi, en principe, une volonté d'exclure une fixation judiciaire du prix du bail renouvelé à la valeur locative, il en va autrement lorsqu'elles ont exprimé une volonté commune contraire.

26. Dès lors, même en l'absence d'une clause expresse de recours au juge des loyers commerciaux, il appartient à celui-ci, lorsqu'il est saisi du moyen de défense au fond énoncé aux paragraphes 17 et 18, de rechercher cette volonté commune contraire, soit dans le contrat, soit dans des éléments extrinsèques." (Cour de cassation, 30 mai 2024, n° 22-16.447).

L'interprétation des baux avec clauses recettes doit être sécurisée dès la rédaction. Le silence du contrat sur la possibilité de recourir au juge des loyers commerciaux n'est plus aussi protecteur qu'il a pu l'être dans le passé.

Cette infléxion pourrait également aboutir à d'autres évolutions, puisqu'elle implique que les règles statutaires qui ne sont pas d’ordre public ont, dans le silence du contrat, vocation à s’appliquer supplétivement à la volonté non exprimée des parties.

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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