Le 28 novembre dernier, la Cour de Cassation s’est prononcée pour la première fois sur la qualification d’un contrat liant un livreur à vélo à une plateforme numérique (Cass. Soc., n°17-20.079).

En l’espèce, la société Take Eat Easy utilisait une plateforme numérique pour mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients et des livreurs à vélo.

Pour pouvoir travailler avec cette plateforme, les livreurs devaient avoir le statut d’auto-entrepreneurs.

Ils étaient liés par un contrat de prestations de services avec la société.

Toutefois, un des coursiers a saisi la juridiction prud’homale afin de solliciter la requalification de sa relation contractuelle en contrat de travail.

Pour la Cour d’appel, qui avait eu l’occasion de statuer sur plusieurs litiges comparables, les livreurs sont des travailleurs indépendants.

Selon elle, l’existence d’un contrat de travail est exclue dès lors que les livreurs ne sont pas tenus à une obligation d’exclusivité et disposent d’une certaine liberté dans l’organisation de leur emploi du temps. (Cour d’appel de Paris, 9 novembre 2017 n°16-12875 Deliveroo ; Cour d’appel de Paris, 20 avril 2017, n°17-00511).

Elle considère ainsi que la plateforme est un simple intermédiaire dont le rôle se limite à mettre en relation les restaurateurs et les clients.

Telle n’est pas la position de la Cour de cassation.

Elle rappelle que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles s’exerce l’activité.

Le lien de subordination est l’un des marqueurs essentiels du contrat de travail.

Pour la Cour de cassation, le livreur se trouvait en état de subordination en raison, d’une part, de l’existence d’un système de géolocalisation permettant un suivi en temps réel de son activité, et, d’autre part, de pénalités sous la forme de malus en cas de manquements.

La société pouvait ainsi résilier la convention en cas de manquement grave du livreur à ses obligations.

L’absence de liberté dans le choix des horaires de travail, l’exclusivité de la relation contractuelle entre le livreur et la plateforme, l’intégration du coursier dans un service organisé sont d’autant plus d’indices qui auraient pu caractériser l’existence d’un contrat de travail.

De nombreux litiges sont actuellement pendants devant les conseils de prud’hommes.

Le Conseil de prud’hommes de Paris a notamment requalifié en contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et une plateforme numérique.

Les conséquences peuvent être lourdes pour les entreprises.

Elles risquent notamment un redressement URSSAF, le paiement de rappels de salaires, de congés payés, d’heures supplémentaires ou encore la condamnation à une indemnité pour travail dissimulé égale à six mois de salaires.

Nicolas Perrault