Dans un arrêt du 18/07/2024 (CAA Toulouse, 18 juill. 2024, n° 22TL21401), la Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé que la méthode des vins pour la reconstitution des recettes est radicalement viciée dans son principe si elle est, à elle seule, inadaptée à cette reconstitution et si l'application des coefficients multiplicateurs qu'elle induit est entachée d'une imprécision excessive.

Dans cette affaire, la Cour d’appel a considéré que cette méthode était inadaptée, compte tenu de la fraction très marginale (aux alentours de 2,5 %) de la vente des vins en bouteille dans l'activité de la société ayant fait l’objet de la vérification de comptabilité. La Cour a relevé aussi que l'application des coefficients multiplicateurs aux ventes de vin en bouteille provoque une marge d'erreur aboutissant indéniablement à une imprécision excessive.

En l’espèce, la société qui exploite un bar restaurant sous l'enseigne " Le café de la grille " dans l’Hérault a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir écarté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de ses recettes, lui a notifié des rappels de TVA et des rehaussements de ses résultats imposables. Pour reconstituer les recettes de la société, l’administration fiscale a appliqué au chiffre d'affaires reconstitué de la vente de vin en bouteille, des coefficients multiplicateurs. Or le chiffre d'affaires tiré de la vente de vin en bouteille représentait respectivement 1,92 %, 2,54% et 2,33% du chiffre d'affaires global de la société sur les trois exercices vérifiés. La vente de vin en bouteille ne représentait ainsi qu'une fraction très marginale de l'activité de la société, alors que les coefficients multiplicateurs étaient de 51,93, 39,29 et 42,86, respectivement sur les trois années vérifiées.

La société a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA et d’IS. Le tribunal ayant rejeté sa demande, la société a relevé appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Toulouse, en soutenant que la méthode dite " des vins " employée par la vérificatrice pour reconstituer ses recettes est radicalement viciée dans son principe dès lors que le chiffre d'affaires tiré de la vente de vins en bouteille ne représentait que 2 % environ de son chiffre d'affaires global des trois exercices contrôlés.

La Cour d’appel a suivi son raisonnement et a considéré que cette méthode était inadaptée, compte tenu de la fraction très marginale de la vente des vins en bouteille dans l'activité de la société ayant fait l’objet de vérification. La Cour d’appel a relevé aussi que l'application des coefficients multiplicateurs aux ventes de vin en bouteille provoque une marge d'erreur aboutissant indéniablement à une imprécision excessive, et comme sont sanctionnées les méthodes radicalement viciées dans leur principe ou excessivement sommaires dans leur application, la Cour d’appel a prononcé la décharge des impositions, en annulant le jugement n° 2004662 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier.

Rappelons que dans certaines situations, l’administration fiscale peut estimer que la comptabilité de l’entreprise est dénuée de toute valeur probante au regard des graves irrégularités qu’elle comporte. Le rejet de la comptabilité est possible, d’abord lorsque la comptabilité est irrégulière, c’est-à-dire lorsqu’elle comporte des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, lorsqu’il y a absence de pièces justificatives, ou encore la non-présentation de la comptabilité.

Il a été jugé que le fait qu’une comptabilité comporte des omissions volontaires de recettes suffit en principe à établir son absence de valeur probante (CE 24 novembre 1986 n° 46012). L’omission de comptabilisation des recettes, pour une partie de la période vérifiée, affecte ainsi la valeur probante de la comptabilité, pour toute la période (CE 7 juillet 1982). Est également dépourvue de valeur probante, une comptabilité commune à deux entreprises différentes, même si elles sont installées dans les mêmes locaux (CE 3 décembre 1982). La valeur probante fait aussi défaut en l’absence de documents comptables, alors même qu’il est établi qu’ils ont été détournés par le comptable (CE 2 juin 1982). Il en est de même lorsque la comptabilité a été détruite par un incendie (CE 26 juillet 1982), ou encore lorsque les documents ont été volés (CE 27 février 1984). Cependant l’omission de dépenses faites sans factures, et d’un faible montant pendant une période limitée ne prive pas la comptabilité de valeur probante (CE 27 octobre 1982).

Le rejet de comptabilité est possible également lorsque la comptabilité est apparemment régulière, mais que le vérificateur a des raisons sérieuses d’en contester la sincérité. C’est le cas d’une boîte de nuit ou d’une boulangerie qui soutiendrait qu’elle n’encaisse jamais d’espèce. En cas de rejet de la comptabilité, le vérificateur détermine les bases d’imposition à l’aide de tous les éléments dont il dispose et il a la liberté de choix de la méthode. La méthode employée est très variable, selon la nature de l’activité de l’entreprise et des indices et éléments dont dispose le vérificateur. Dans certains cas, le vérificateur ne dispose d’aucune information interne à l’entreprise et il doit donc faire avec les moyens de bord. Le fait qu’une comptabilité soit dépourvue de valeur probante ne fait pas obstacle à ce que l’administration utilise des éléments tirés de cette même comptabilité pour reconstituer le chiffre d’affaires.

Les principales méthodes utilisées par l’administration sont celles de l’extrapolation et celle de l’enrichissement. « L’extrapolation consiste à généraliser ou à interpréter des résultats déjà obtenus, dans un domaine où le manque de données n’a pas permis l’analyse » (Thierry Lambert, Procédures Fiscales, LGDJ). Cette méthode permet ainsi au vérificateur de dégager un pourcentage de dissimulation et à le généraliser.

La méthode de l’enrichissement, quant à elle, repose sur la présomption selon laquelle il ne peut y avoir d’enrichissement sans gain. Le vérificateur va donc aller voir la caisse privée du contribuable. Dans tous les cas, l’administration a la liberté du choix de la méthode pour reconstituer la comptabilité. Il a été admis la reconstitution du chiffre d’affaires d’un salon de coiffure pour dames en évaluant le nombre de clientes ayant fréquenté le salon pendant les années soumises à vérification grâce au rapport entre la consommation annuelle d’électricité des séchoirs à cheveux équipant le salon et la consommation correspondant au temps moyen de séchage par cliente (CE 25 juillet 1986 n°50497).

De même le vérificateur peut reconstituer les recettes d’une boulangerie par utilisation de la méthode du rendement par quintal de farine, c’est-à-dire mesurer pour une période d’une semaine, par exemple, la quantité de farine utilisée et les marchandises vendues. Cependant le juge n’accepte de telles reconstitution que lorsque la méthode retenue par le vérificateur n’est ni exagérément sommaire ni radicalement viciée, et que par ailleurs, le contribuable n’a pas proposé une méthode d’évaluation plus convaincante (CE 29 octobre 2003).

En ce qui concerne les restaurants, comme dans l’arrêt du 18/07/2024 (CAA Toulouse, 18 juill. 2024, n° 22TL21401), dès lors que l’administration dispose d’une part, d’une comptabilité fiable des achats d’alcool et d’autre part, d’une quantité suffisante d’additions établies, permettant d’apprécier la consommation moyenne de vin par client, elle procède souvent à la reconstitution, en se fondant sur la quantité de vins vendue sur une période donnée (CE 27 mars 2000). Cependant une reconstitution faite sur les seuls achats de fromage est jugée sommaire (CE 24 novembre 1986). De même, une méthode de reconstitution du chiffre d’affaires d’un établissement de restauration rapide, reposant sur le nombre de clients évalués à partir du nombre des serviettes en papier achetées, est radicalement viciée dans son principe (CAA Bordeaux 9 mars 1999).

Ont été jugés trop sommaires, une reconstitution effectuée à partir d’articles choisis simplement au hasard (CE 10 février 1993) ; une reconstitution des recettes d’une poissonnerie à l’aide d’un relevé des prix ne portant que sur une matinée (CE 5 mars 1993) ; une reconstitution du chiffre d’affaires d’un bar-restaurant, sur toute la période vérifiée, à partir d’un fragment de bande enregistreuse, sans tenir compte du nombre de jours ouvrables, ni des variations saisonnières, ni des modifications de conditions d’exploitation au cours de la période (CE 7 mai 1986).

Lorsque le juge considère que la méthode de reconstitution de la comptabilité est radicalement viciée dans son principe, il procède systématiquement à la décharge des impositions (CE 24 juillet 1987 n°52778). Cependant, lorsque la méthode apparaît simplement excessivement sommaire, il apprécie au cas par cas.

Dans un arrêt du 03/11/2023, (Conseil d’État, 3e - 8e chambres réunies, 03/11/2023, 460520),  le Conseil d’État a jugé comme étant radicalement viciée, la méthode dite "des cafés". Au cas particulier, après avoir écarté comme non probante la comptabilité présentée par le contribuable, le vérificateur a procédé à la reconstitution de son chiffre d’affaires, et pour reconstituer les recettes non déclarées du restaurant exploité sous l’enseigne "Les Flots Bleus", le vérificateur a suivi la méthode dite "des cafés", consistant à estimer, d’une part, le nombre de ventes de café non enregistrées, en évaluant le nombre de cafés servis à partir des achats et de l’évolution des stocks, et en en déduisant le nombre de cafés enregistrés comme vendus, la consommation estimée du personnel et une réfaction de 5% au titre des cafés offerts, à estimer, d’autre part, le chiffre d’affaires associé à chaque café vendu, et enfin à multiplier le nombre estimé de cafés dont la vente n’a pas été enregistrée par le chiffre d’affaires par café vendu estimé.

Le contribuable soutenait que la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement était radicalement viciée, dans la mesure où si le nombre de cafés regardés comme vendus par le vérificateur incluait les cafés vendus isolément, les cafés vendus avec des glaces, et les cafés gourmands et cafés liégeois, il ne tenait pas compte des cafés simples inclus dans le prix de la majorité des menus. Le Conseil d’Etat lui a donné  raison en jugeant que le contribuable est fondé à soutenir qu’en écartant le moyen tiré de que la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement était de ce fait radicalement viciée, la cour administrative d’appel a commis une erreur de qualification juridique.

Arnaud SOTON

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal

Dans un arrêt du 18/07/2024 (CAA Toulouse, 18 juill. 2024, n° 22TL21401), la Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé que la méthode des vins pour la reconstitution des recettes est radicalement viciée dans son principe si elle est, à elle seule, inadaptée à cette reconstitution et si l'application des coefficients multiplicateurs qu'elle induit est entachée d'une imprécision excessive.

Dans cette affaire, la Cour d’appel a considéré que cette méthode était inadaptée, compte tenu de la fraction très marginale (aux alentours de 2,5 %) de la vente des vins en bouteille dans l'activité de la société ayant fait l’objet de la vérification de comptabilité. La Cour a relevé aussi que l'application des coefficients multiplicateurs aux ventes de vin en bouteille provoque une marge d'erreur aboutissant indéniablement à une imprécision excessive.

En l’espèce, la société qui exploite un bar restaurant sous l'enseigne " Le café de la grille " dans l’Hérault a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir écarté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de ses recettes, lui a notifié des rappels de TVA et des rehaussements de ses résultats imposables. Pour reconstituer les recettes de la société, l’administration fiscale a appliqué au chiffre d'affaires reconstitué de la vente de vin en bouteille, des coefficients multiplicateurs. Or le chiffre d'affaires tiré de la vente de vin en bouteille représentait respectivement 1,92 %, 2,54% et 2,33% du chiffre d'affaires global de la société sur les trois exercices vérifiés. La vente de vin en bouteille ne représentait ainsi qu'une fraction très marginale de l'activité de la société, alors que les coefficients multiplicateurs étaient de 51,93, 39,29 et 42,86, respectivement sur les trois années vérifiées.

La société a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA et d’IS. Le tribunal ayant rejeté sa demande, la société a relevé appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Toulouse, en soutenant que la méthode dite " des vins " employée par la vérificatrice pour reconstituer ses recettes est radicalement viciée dans son principe dès lors que le chiffre d'affaires tiré de la vente de vins en bouteille ne représentait que 2 % environ de son chiffre d'affaires global des trois exercices contrôlés.

La Cour d’appel a suivi son raisonnement et a considéré que cette méthode était inadaptée, compte tenu de la fraction très marginale de la vente des vins en bouteille dans l'activité de la société ayant fait l’objet de vérification. La Cour d’appel a relevé aussi que l'application des coefficients multiplicateurs aux ventes de vin en bouteille provoque une marge d'erreur aboutissant indéniablement à une imprécision excessive, et comme sont sanctionnées les méthodes radicalement viciées dans leur principe ou excessivement sommaires dans leur application, la Cour d’appel a prononcé la décharge des impositions, en annulant le jugement n° 2004662 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier.

Rappelons que dans certaines situations, l’administration fiscale peut estimer que la comptabilité de l’entreprise est dénuée de toute valeur probante au regard des graves irrégularités qu’elle comporte. Le rejet de la comptabilité est possible, d’abord lorsque la comptabilité est irrégulière, c’est-à-dire lorsqu’elle comporte des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, lorsqu’il y a absence de pièces justificatives, ou encore la non-présentation de la comptabilité.

Il a été jugé que le fait qu’une comptabilité comporte des omissions volontaires de recettes suffit en principe à établir son absence de valeur probante (CE 24 novembre 1986 n° 46012). L’omission de comptabilisation des recettes, pour une partie de la période vérifiée, affecte ainsi la valeur probante de la comptabilité, pour toute la période (CE 7 juillet 1982). Est également dépourvue de valeur probante, une comptabilité commune à deux entreprises différentes, même si elles sont installées dans les mêmes locaux (CE 3 décembre 1982). La valeur probante fait aussi défaut en l’absence de documents comptables, alors même qu’il est établi qu’ils ont été détournés par le comptable (CE 2 juin 1982). Il en est de même lorsque la comptabilité a été détruite par un incendie (CE 26 juillet 1982), ou encore lorsque les documents ont été volés (CE 27 février 1984). Cependant l’omission de dépenses faites sans factures, et d’un faible montant pendant une période limitée ne prive pas la comptabilité de valeur probante (CE 27 octobre 1982).

Le rejet de comptabilité est possible également lorsque la comptabilité est apparemment régulière, mais que le vérificateur a des raisons sérieuses d’en contester la sincérité. C’est le cas d’une boîte de nuit ou d’une boulangerie qui soutiendrait qu’elle n’encaisse jamais d’espèce. En cas de rejet de la comptabilité, le vérificateur détermine les bases d’imposition à l’aide de tous les éléments dont il dispose et il a la liberté de choix de la méthode. La méthode employée est très variable, selon la nature de l’activité de l’entreprise et des indices et éléments dont dispose le vérificateur. Dans certains cas, le vérificateur ne dispose d’aucune information interne à l’entreprise et il doit donc faire avec les moyens de bord. Le fait qu’une comptabilité soit dépourvue de valeur probante ne fait pas obstacle à ce que l’administration utilise des éléments tirés de cette même comptabilité pour reconstituer le chiffre d’affaires.

Les principales méthodes utilisées par l’administration sont celles de l’extrapolation et celle de l’enrichissement. « L’extrapolation consiste à généraliser ou à interpréter des résultats déjà obtenus, dans un domaine où le manque de données n’a pas permis l’analyse » (Thierry Lambert, Procédures Fiscales, LGDJ). Cette méthode permet ainsi au vérificateur de dégager un pourcentage de dissimulation et à le généraliser.

La méthode de l’enrichissement, quant à elle, repose sur la présomption selon laquelle il ne peut y avoir d’enrichissement sans gain. Le vérificateur va donc aller voir la caisse privée du contribuable. Dans tous les cas, l’administration a la liberté du choix de la méthode pour reconstituer la comptabilité. Il a été admis la reconstitution du chiffre d’affaires d’un salon de coiffure pour dames en évaluant le nombre de clientes ayant fréquenté le salon pendant les années soumises à vérification grâce au rapport entre la consommation annuelle d’électricité des séchoirs à cheveux équipant le salon et la consommation correspondant au temps moyen de séchage par cliente (CE 25 juillet 1986 n°50497).

De même le vérificateur peut reconstituer les recettes d’une boulangerie par utilisation de la méthode du rendement par quintal de farine, c’est-à-dire mesurer pour une période d’une semaine, par exemple, la quantité de farine utilisée et les marchandises vendues. Cependant le juge n’accepte de telles reconstitution que lorsque la méthode retenue par le vérificateur n’est ni exagérément sommaire ni radicalement viciée, et que par ailleurs, le contribuable n’a pas proposé une méthode d’évaluation plus convaincante (CE 29 octobre 2003).

En ce qui concerne les restaurants, comme dans l’arrêt du 18/07/2024 (CAA Toulouse, 18 juill. 2024, n° 22TL21401), dès lors que l’administration dispose d’une part, d’une comptabilité fiable des achats d’alcool et d’autre part, d’une quantité suffisante d’additions établies, permettant d’apprécier la consommation moyenne de vin par client, elle procède souvent à la reconstitution, en se fondant sur la quantité de vins vendue sur une période donnée (CE 27 mars 2000). Cependant une reconstitution faite sur les seuls achats de fromage est jugée sommaire (CE 24 novembre 1986). De même, une méthode de reconstitution du chiffre d’affaires d’un établissement de restauration rapide, reposant sur le nombre de clients évalués à partir du nombre des serviettes en papier achetées, est radicalement viciée dans son principe (CAA Bordeaux 9 mars 1999).

Ont été jugés trop sommaires, une reconstitution effectuée à partir d’articles choisis simplement au hasard (CE 10 février 1993) ; une reconstitution des recettes d’une poissonnerie à l’aide d’un relevé des prix ne portant que sur une matinée (CE 5 mars 1993) ; une reconstitution du chiffre d’affaires d’un bar-restaurant, sur toute la période vérifiée, à partir d’un fragment de bande enregistreuse, sans tenir compte du nombre de jours ouvrables, ni des variations saisonnières, ni des modifications de conditions d’exploitation au cours de la période (CE 7 mai 1986).

Lorsque le juge considère que la méthode de reconstitution de la comptabilité est radicalement viciée dans son principe, il procède systématiquement à la décharge des impositions (CE 24 juillet 1987 n°52778). Cependant, lorsque la méthode apparaît simplement excessivement sommaire, il apprécie au cas par cas.

Dans un arrêt du 03/11/2023, (Conseil d’État, 3e - 8e chambres réunies, 03/11/2023, 460520),  le Conseil d’État a jugé comme étant radicalement viciée, la méthode dite "des cafés". Au cas particulier, après avoir écarté comme non probante la comptabilité présentée par le contribuable, le vérificateur a procédé à la reconstitution de son chiffre d’affaires, et pour reconstituer les recettes non déclarées du restaurant exploité sous l’enseigne "Les Flots Bleus", le vérificateur a suivi la méthode dite "des cafés", consistant à estimer, d’une part, le nombre de ventes de café non enregistrées, en évaluant le nombre de cafés servis à partir des achats et de l’évolution des stocks, et en en déduisant le nombre de cafés enregistrés comme vendus, la consommation estimée du personnel et une réfaction de 5% au titre des cafés offerts, à estimer, d’autre part, le chiffre d’affaires associé à chaque café vendu, et enfin à multiplier le nombre estimé de cafés dont la vente n’a pas été enregistrée par le chiffre d’affaires par café vendu estimé.

Le contribuable soutenait que la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement était radicalement viciée, dans la mesure où si le nombre de cafés regardés comme vendus par le vérificateur incluait les cafés vendus isolément, les cafés vendus avec des glaces, et les cafés gourmands et cafés liégeois, il ne tenait pas compte des cafés simples inclus dans le prix de la majorité des menus. Le Conseil d’Etat lui a donné  raison en jugeant que le contribuable est fondé à soutenir qu’en écartant le moyen tiré de que la méthode suivie pour reconstituer les recettes de cet établissement était de ce fait radicalement viciée, la cour administrative d’appel a commis une erreur de qualification juridique.

Arnaud SOTON

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal