Le 2 novembre 2017, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation (Arrêt n° 2523) a jugé qu’une confusion de peine peut être ordonnée entre une peine prononcée par une Juridiction Française et une peine prononcée par une Juridiction d’un autre Etat Membre de l’Union Européenne, dès-lors que cette dernière a intégralement été exécutée au jour où il est statué.

 

En l’espèce, à l'occasion de l'exécution en France d'une peine de dix ans d'emprisonnement, M. Z a saisi la Cour d’Appel de Lyon d'une requête tendant à voir ordonner la confusion de cette peine avec deux peines de trois ans, neuf mois, un jour et de vingt et un mois d'emprisonnement exécutées en Espagne depuis le 24 octobre 2012.

 

La Cour d’Appel de Lyon ayant accueillie cette requête, le Ministère Public s’était pourvu en Cassation.

 

La question de droit reposait sur le caractère applicable, ou non, de l’article 132-23-1 du code pénal selon lequel :

 

«(…) les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un État membre de l'Union européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises et produisent les mêmes effets juridiques que ces condamnations ».

 

Cet article est issu de la décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale.

 

Pour mémoire, dans un arrêt du 21 septembre 2017 (Aff C-171/16 – Trayan Beshkov), la Cour de Justice de l’Union Européenne s’était prononcée sur l’application spatiale et temporelle de cette décision-cadre.

 

La Haute Juridiction européenne avait ainsi juger que la procédure de reconnaissance des décisions pénales :

 

« doit être interprétée en ce sens qu'elle est applicable à une procédure nationale ayant pour objet l'imposition, aux fins de l'exécution, d'une peine privative de liberté totale prenant en compte la peine infligée à une personne par le juge national ainsi que celle imposée dans le cadre d'une condamnation antérieure prononcée par une juridiction d'un autre État membre à l'encontre de la même personne pour des faits différents ».

 

En d’autres termes, chaque Etat Membre doit considérer les décisions des autres Etats de l’Union de manière équivalente que ses propres décisions dans le cadre de l’application de ses propres règles de droit pénal.

 

Cette reconnaissance, automatique, cours à compter de la date d’entrée en vigueur de la décision-cadre, soit le 1er juillet 2010.

 

 

Au cas d’espèce, la demande de confusion de peine entre la décision espagnole et la décision française devait donc être analysée de la même manière que s’il s’agissait de deux décisions françaises.

 

 

Or, Monsieur Z rentrait bien dans le cadre d’un concours réel d’infraction.

 

En effet, les faits ayant emporté la condamnation espagnole dataient du 9 mai 2007.

 

Or, les faits présentés devant la Cour d’Appel de Lyon avaient été commis en 2002 et 2003, mais n’ont été jugés que le 11 juin 2013.

 

Pour mémoire,

 

« il y a concours d'infractions lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction » (Article 132-2 du Code Pénal).

 

Les faits jugés en Espagne avaient bien été commis avant la condamnation définitive en France.

 

Il y avait donc lieu de constater le concours d’infraction, et, partant, d’appliquer une confusion de peines.

 

Or,

 

« lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.

Chaque peine prononcée est réputée commune aux infractions en concours dans la limite du maximum légal applicable à chacune d'entre elles » (Art. 132-3, Code pénal).

 

Les peines privatives de liberté sont de même nature.

 

Il convenait donc de considérer que la peine exécutée en Espagne était commune aux infractions poursuivies en Espagne et en France.

 

La Cour de Cassation statue alors en ces termes :

 

« permet d’ordonner la confusion d’une peine prononcée par une juridiction française et d’une peine prononcée par une juridiction d’un Etat membre de l’Union européenne dès lors que la seconde a été intégralement exécutée au jour où il est statué sur la requête en confusion ».

 

Cet arrêt, promis à la plus large publication, approfondit encore l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union dans un mouvement d’unification de territoire d’application des crimes et délits.

 

En voyant les peines exécutées dans d’autres Etats Membres de l’Union reconnues, il est aussi permis de souligner, en ce temps de la défiance de la raison d’être de l’Union, cette pierre posée vers l’approfondissement de la citoyenneté et la sécurisation des droits de ses ressortissants.

 

Reste néanmoins à savoir si la limitation posée par la Cour de Cassation selon laquelle la confusion est possible uniquement avec une peine totalement exécutée est conforme à l’interprétation de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

 

En l’état, tel n’est pas évident, interrogeant un reliquat de résistance des Juridictions françaises.

 

Camille Menu

Avocat au Barreau de Lyon

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