Le 26 octobre 2021, la 14è Chambre du Tribunal Judicaire de Lyon (comparutions immédiates) a prononcé une peine de 12 mois, dont 7 intégralement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, et 5 aménagés ab initio dans le cadre d’une mesure de détention à domicile.

Cette décision est intéressante dans un dossier ou était requise une peine de 12 mois ferme avec mandat de dépôt s’agissant de faits commis en récidive et dont la première peine avait fait l'objet d'une peine de prison ferme de 10 mois non-aménagés.

Pour mémoire, les articles 132-25 et 132-26-1 du code pénal prévoient, de longue date, la possibilité, pour les Juges, d’aménager une peine dès son prononcé, sans attendre une convocation ultérieure devant le Juge d’Application des Peines.

Culturellement, les Juges du prononcé de la peine tendaient néanmoins à considérer que tel n’était pas leur office, renvoyant le prévenu alors condamné à la Juridiction spécialisée sur ce point.

La Loi n°2019-222 du 23 mars 2019, en son article 74 venant modifier l’article 132-19 du Code Pénal, est à cet égard un changement culturel et politique majeur au sein des Juridictions, posant le principe de l’aménagement de peine dans les termes suivants :

« (…) si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues à l'article 132-25. Dans les autres cas prévus au même article 132-25, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle.

Le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale conformément aux dispositions de l'article 464-2 du code de procédure pénale ».

S’articule ainsi deux régimes en fonction de la durée de la peine prononcée :

  • S’agissant de peines inférieures à 6 mois, l’obligation d’aménager la peine lors de son prononcé et ce, sauf personnalité spécifique de la personne concernée spécialement motivée ;
  • S’agissant des peines supérieures à 6 mois, l’obligation d’aménager la peine si la personnalité et la situation du condamné le permettent, sauf impossibilité matérielle spécialement motivée.

Il faut préciser que par un arrêt du 9 avril 2019 (18-83.874), la chambre criminelle de la Cour de cassation reprend à son compte l’obligation de motiver l'impossibilité d'aménager une peine dès sont prononcé ; et ce, même en l’absence de documents spécifiques dans la mesure où la personnalité et la situation du condamné peut résulter des questions posées à l’audience.

L’on assiste ainsi à un renversement de la charge de la preuve de la possibilité d’aménagement de la peine lors de l’audience correctionnelle.

Dans les faits, cette Jurisprudence demeurait très peu appliquée, le mandat de dépôt demeurant quant à lui la règle s’agissant des procédures de comparution immédiate.

 

Les nouvelles dispositions législatives sont définitivement entrées en vigueur le 24 mars 2020.

 

Devant la résistance des Juridictions, et spécifiquement des Chambres appelées à connaitre des procédures de comparution immédiate, la Chambre Criminelle a pourtant dû rappeler le principe de l’aménagement de peine ab initio, et son incompatibilité avec un mandat de dépôt le 14 avril 2021 (n° 21-80.829).

Notre décision, suite à laquelle, Monsieur X, après 48 heures de garde à vue, et 12 heures dans les geôles du palais de justice de Lyon, est sorti libre, est donc un pas actant un peu plus l’imprégnation de la culture de l’aménagement de peine ab initio et ce, dans toutes les procédures, même les plus sévères.

Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les Défenseurs des Prévenus.

Néanmoins, ces dispositions n’étant pas d’ordre public, et la Juridiction ne pouvant statuer que sur ce qui lui est demandé, il nous appartiendra de nous saisir pleinement de cette possibilité afin d’obliger les Juridictions à œuvrer de cette avancée.