C’est ce que vient de juger le Tribunal administratif de Versailles, qui clarifie ainsi un flou non artistique qui n’était pas sans avantager les collectivités.

L’article L.761-1 du code de justice administratif (équivalent de l’article 700 du code de procédure civile - plus connu) prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il déterminer, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. C’est ce qu’on appelle les frais « irrépétibles », dans lesquels sont inclus les honoraires d’avocat notamment.

Pour cela, il tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Si la mise en œuvre de cet article ne pose pas de difficulté dans la majorité des cas, en contentieux de l’urbanisme, elle se complique.

En effet, le code de l’urbanisme prévoit plusieurs hypothèses visant à régulariser a posteriori de l’autorisation de construire dont la légalité est contestée devant le juge administratif. Ainsi ce dernier peut sursoir à statuer sur la demande d’annulation, le temps que le pétitionnaire concourt à régulariser son autorisation auprès de l’autorité compétente, en lui délivrant un permis modificatif.

Cela met fin à l’illégalité qui avait initialement et légitimement motivé le(s) requérant(s) à saisir le juge administratif et peut même conduire au rejet de leur requête s’il ne demeure aucune illégalité.

La problématique qui se pose alors tient à la qualification de « partie perdante » à l’instance dans pareil cas. S’il n’était la faculté de régularisation, la décision aurait été annulée et l’administration aurait vu les frais irrépétibles mis à sa charge sans difficulté en tant que partie perdante, mais quad ce sont les requérants qui voient leur action être rejetée, ils semblent « perdre ».

Encore récemment, le cabinet a vu un rapporteur public conclure à la condamnation de notre client requérant à rembourser à la commune ainsi qu’au pétitionnaire leurs frais d’instance. A l’audience puis à l’occasion d’une note en délibéré, nous avons évidemment souligné l’iniquité d’une telle condamnation. Les juges ont heureusement partagé ce point de vue mais s’en sont tenu à une solution intermédiaire : ils ont considéré d’un côté que le requérant n’aurait pas à rembourser, dans les circonstances de l’espèce, les frais d’instance de la commune et du pétitionnaire, et de l’autre, qu’il ne pouvait voir ses frais d’instance remboursés par la commune, n’étant pas la partie perdante.

Le Tribunal administratif de Versailles n’a pas hésité pour sa part à retenir le contraire. Après avoir rappelé que le rejet de la requête n’était intervenu qu’à la suite de la régularisation du permis de construire ordonnée par le juge du fait d’une illégalité soulevée à bon droit par les requérants, il juge que dans le cadre de cette procédure particulière et dans les circonstances de l’espèce, la commune doit être regardée comme partie perdante au sens de l’article L.761-1 précité.

La circonstance que la régularisation avait été ordonnée par le juge semble avoir été ici déterminante. On peut se demander si la régularisation « spontanée », cas du récent dossier que nous avons précédemment évoqué, conduirait à la même solution.

Il faudra en tout cas attendre que d’autres juridictions, notamment d’appel, généralisent cette analyse, avant de pouvoir vraiment s’en réjouir. L’optimisme n’est pas forcément de mise vue l’approche actuelle du contentieux de l’urbanisme, issue des réformes législatives de ces dernières années. Tout tend à limiter et dissuader les recours des tiers contre les autorisations administratives et la probabilité réduite de voir la commune rembourser les honoraires d’avocat du requérant en cas de régularisation y participe indirectement.

Non seulement la solution retenue par les juges versaillais paraît la plus équitable, mais surtout elle concourt à encourager les collectivités à bien instruire les dossiers de permis de construire et à éviter de se reposer sur leur pouvoir de régularisation a posteriori en cas de contentieux. Une négligence remédiable peut désormais coûter de l’argent et l’intérêt public commande donc de tout mettre en œuvre pour l’éviter.