Les faits

Un agent hospitalier a été admis à faire ses droits à la retraite à compter de février 2018. Ayant élevé les trois enfants de sa concubine, il a sollicité le bénéfice de la majoration pour enfant à charge, qui lui a été refusée par la CNRACL (caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales).

Il a donc saisi le Tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d’annulation. Il a décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat.

La solution

Le principal grief du requérant était une méconnaissance du principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, en ce que l’article 24 du décret du 26 décembre 2003 prévoit pour les concubins une charge de la preuve de l’entretien de l’enfant plus compliquée que pour les couples mariés.

En effet, cet article impose de justifier d'avoir assumé pendant une durée d'au moins neuf ans la charge effective et permanente des enfants de son concubin par la production de tout document administratif établissant que les enfants regardés comme recueillis au foyer ont été retenus pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu, alors que cette obligation n'est pas imposée aux conjoints.

Le Conseil d’Etat valide dans un premier temps la différence de traitement résultant de l’obligation de justifier « avoir assumé la charge effective et permanente » des enfants de son concubin, car elle trouve sa justification dans une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la norme.

Il résulte du code civil qu’à la différence des époux, les concubins ne sont légalement tenus à aucune solidarité financière à l'égard des tiers ni à aucune obligation réciproque. A l'inverse, le régime du mariage a pour objet non seulement d'organiser les obligations personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais également d'assurer la protection de la famille. Ce régime assure aussi une protection en cas de dissolution du mariage.

Pour autant, le Conseil d’Etat estime qu’il existe bien une rupture d’égalité dans la mesure où l’article 24 limite la possibilité de pouvoir justifier avoir assumé la charge effective et permanente de l'enfant de son concubin aux seuls cas où le pensionné a, pour cet enfant, perçu les prestations familiales ou le supplément familial de traitement ou a bénéficié de l'avantage familial au titre de l'impôt sur le revenu.

Il ne peut pas être interdit d’établir par tout moyen avoir assumé avec son concubin la charge effective et permanente des enfants.

Si le requérant est donc fondé à soutenir que l’article 24 ne peut lui être opposé en ce sens, il n’obtiendra pas ici pour autant l’annulation sollicitée faute d’avoir apporté une preuve suffisante.

Il n’avait produit au débat qu’un contrat de location et des factures de gaz et électricité au nom du couple, mais sans apporter la preuve d’avoir participé au règlement des dépenses.

Le Conseil d’Etat en conclut qu’il ne peut bénéficier de la majoration.

Le mode de preuve est certes libre, mais il doit permettre une preuve solide !