Un "spectacle" qui devrait être homologué au titre de la formation permanente des avocats qui pratiquent le droit pénal.
Le procès est une tragédie: l'auteur prendra trois exemples dans l'antiquité, au moyen âge et au XIème
Quelques extraits de la présentation :
Lorsque les valeurs de l'accusé et les valeurs du juge ne sont pas les mêmes: la rupture!
Jacques Vergès raconte sa défense des membres du FLN, notamment celle de Djamila Bouhired. Alors qu'il rentrait en France,
"De retour à Paris, je me rendais à la buvette du Palais un jour, quand un confrère, partisan de l'Algérie Française, me fit signe de s'asseoir à sa table. C'était une époque où les avocats pouvaient avoir des opinions très différentes, et n'en continuer pas moins de s'estimer. Et même d'entretenir à l'occasion des rapports d'amitié".
Le confrère lui dit: "Bravo pour la merde que tu as foutue", et lui demande : "Est-ce que tu tiens à la vie de ta cliente ?" Vergès lui répond : "Plus qu'à la mienne". Le confrère lui conseille donc d'agir très vite car l'exécution de la sentence (condamnation à mort) pourrait être rapide.
En quelques semaines, Vergès rédige un livre avec l'écrivain Georges Arnaud, le propose aux Editions de Minuit à Jérôme Lindon, et le livre paraît. Ils l'adressent au Général de Gaulle, qui leur répond un mois plus tard :
"Messieurs, je vous remercie de m'avoir adressé votre petit livre sur Djamila Bouhired; je sais, dirai-je par expérience, que tout drame français est un monde de drames humains, de celui-là vous avez eu raison de ne rien cacher. Votre évidente sincérité ne peut laisser personne indifférent. Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments les meilleurs et très distingués. PS: Avec, pour vous, Vergès, mon fidèle souvenir. Je fus ému qu'il se souvînt ou qu'on lui ait rappelé que j'avais, de 17 à 20 ans, servi sous ses ordres comme volontaire, que j'avais été un de ces cinquante mille ou soixante mille volontaires non pas conscrits, mais volontaires, venus en Angleterre de notre propre chef, lui apporter notre modeste soutien. Mais tous ces modestes soutiens réunis lui donnaient la force de prétendre être ce qu'il devait être, la France, et non pas une légion étrangère comme l'auraient souhaité nos amis anglais et américains."
Lorsque l'on revient sur terre dans des procès "ordinaires" et que l'on partage la pauvre humanité de nos clients:
"Dans ces procès obscurs qui sont le quotidien des tribunaux, nous, avocats, avons cette chance de pouvoir assumer l'humanité de tous nos clients. Nous devons les défendre, tous, comme le disait Albert Naud. Mais les défendre, ce n'est pas les excuser. Sans cela nous perdrions notre crédibilité, nous cesserions d'être des avocats pour devenir des complices. Notre place est d'être debout devant lui, revêtus de notre robe. Il y a un paradoxe de l'avocat comme il existe un paradoxe du comédien. Non pas s'identifier à la cause de l'accusé, mais s'en laisser imprégner pour comprendre ce qui s'est passé. Encore une fois, comprendre ne veut pas dire justifier, minimiser, absoudre. Comprendre, c'est au contraire armer la société pour que le crime ne se reproduise pas."
"Nous devons comprendre tous les accusés, sans exception. Ceux qui appellent la sympathie, bien sûr : Antigone, qui a violé la loi de la Cité; Jeanne d'Arc, qui est en coquetterie avec l'Eglise; Julien Sorel, qui a tenté de tuer son ancienne maîtresse. Mais aussi les autres, les rebuts, les indéfendables. [...] On raconte qu'un jour un jeune confrère commis pour défendre un affreux criminel s'en excusait. Le président lève l'audience, convoque le jeune confrère, lui reproche ses propos et lui dit : "En vous commettant pour défendre cet homme, le bâtonnier vous a fait un grand honneur. Vous ne le méritez pas. Je lui demanderai de commettre un autre de vos confrères."
L'avocat de la partie civile, l'avocat général, le président, les jurés, chacun a son rôle à jouer.
Ce texte bouleversant me fait l'effet d'un héritage.
C'est tremblant que j'avais abordé Me Verges en 1991 pour qu'il dédicace ma carte d'étudiant.
C'est avec joie que j'ai suivi sa formation à Marseille l'an dernier à l'institut de défense pénale.
Plus que jamais dans le monde qui se prépare le serment de l'avocat me semble un refuge pour les faibles, victimes d'abord, bien entendu mais également pour les misérables qui partagent notre humanité!
Merci à Mon Cher Confrère d'avoir autorisé la publication de cette photo.
Jusqu'au 29 décembre - Théâtre de La Madeleine - 19 rue de Surène - 75008 PARIS
Les dimanches à 18h et 21h et les lundis à 21h.
Et pour aller plus loin, le site.
Pas de contribution, soyez le premier