Au terme de deux Arrêts rendus le même jour, le Conseil d’Etat est venu clairement poser des limites à la protection du salarié investi d’un mandat représentatif, qui commettrait certains faits amenant l’employeur à lui notifier, après la procédure d’autorisation préalable de l’inspection du travail (…), son licenciement ; que ces faits soient commis pendant ses heures de délégation, et donc en dehors de son temps de travail, ne constitue pas pour le Conseil d’Etat un droit absolu à protection contre toute mesure de rupture de son contrat de travail.

* C’est ainsi que dans l’Arrêt CE du 27/03/2015 n° 368855, un salarié protégé, en dehors de son temps de travail, et à l’occasion de ses fonctions représentatives, commet un acte de violence délibéré sur un collègue, de surcroît sur le lieu de travail.

La Juridiction suprême administrative estime que ceci justifie un licenciement pour faute, car ceci méconnaît une obligation essentielle découlant du contrat de travail de ce salarié protégé : soit l’obligation de ne pas porter atteinte à la santé et à la sécurité du personnel de l’entreprise.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000030445586&fastReqId=206061420&fastPos=1

* Encore, au terme du second Arrêt du même jour n° 371174, le Conseil d’Etat estime que l’utilisation par un salarié protégé de ses heures de délégation pour exercer une autre activité professionnelle méconnaît l’obligation de loyauté attachée à son contrat de travail, et justifie son licenciement.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000030445614&fastReqId=1669791111&fastPos=4

Que penser finalement de cette Jurisprudence ?

Elle n’a d’abord rien de topique :

– En période de conflits collectifs, et surtout dans le cas de grève avec lock out, il est fréquent que soient opposés salariés grévistes et non grévistes. Or, dans ces moments de crise, les représentants du personnel sont souvent les plus « actifs »…

– Par ailleurs, les salariés protégés utilisent tous, comme il est de règle leurs heures de délégation syndicale sans contrôle a priori de leurs employeurs. Ces derniers ne peuvent effectuer qu’un contrôle a posteriori, et encore en effectuant une procédure judiciaire (…).

Ensuite, elle va nécessairement amener tant les employeurs que les salariés protégés, à se repositionner par rapport à leurs « croyances passées » : ces premiers ne verront plus le salarié protégé comme « indéboulonnable » en cas d’abus dans l’utilisation de son mandat ; ces derniers mèneront leurs combats sur des terrains plus « mouvants » pour eux, et risquent de perdre en liberté d’action…

Surtout, ce qui se dégage de ces Arrêts, est qu’à la logique de l’abus dans l’exercice de fonctions représentatives, semble se substituer celle des obligations de loyauté, de bonne foi, de sécurité, etc…qui sont celles des salariés quels qu’ils soient.

Dès lors, peut-on encore parler de véritable « protection » du salarié investi de missions représentatives, s’il est amené à regarder derrière lui, et à contrôler tous ses faits et gestes à ces occasions ?

De toute évidence et s’il ne le faisait pas, son employeur le fera désormais pour lui…

 

Philippe CANO

Avocat au Barreau d’AVIGNON

Associé de la SCP Corinne CANO et Philippe CANO