Urbanisme, vie privée, proportionnalité et obligation de démolir
Note P. Cornille, constr.-urb. 2021-5, p. 23
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-11.726
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300170
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 04 mars 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, du 07 novembre 2019
Président
M. Chauvin
Avocat(s)
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Didier et Pinet
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 mars 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 170 FS-P
Pourvoi n° J 20-11.726
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021
M. U... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 20-11.726 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant à la commune de Cabrières, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [...], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. P..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la commune de Cabrières, et après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 novembre 2019), M. P... est propriétaire d'un mas situé sur la commune de Cabrières, en zone agricole du plan local d'urbanisme où ne sont autorisées que les constructions nécessaires à l'activité agricole.
2. Lui reprochant d'avoir aménagé dans les lieux plusieurs appartements à usage d'habitation, qu'il a donnés à bail, la commune de Cabrières l'a assigné en remise en état.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. M. P... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :
« 1°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant, pour ordonner la remise en état des logements n° 7, 8, 9, 10 et 11, que seuls les locataires des logements de M. P..., concernés par la mesure de démolition, pouvaient invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, quand la remise en état des logements destinés à l'habitation en locaux destinés à l'exploitation agricole, qui a pour effet de contraindre les locataires à quitter leur domicile, ne peut être ordonnée qu'après un examen de tous les intérêts en présence, la cour d'appel a violé l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
2°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant que, répondant à l'intérêt général, la mesure sollicitée était proportionnée, sans rechercher si, la mise en conformité de logements occupés par des familles toutes composées de jeunes enfants âgés entre six mois et cinq ans, n'avait pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au domicile des locataires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
6. Il résulte de cette disposition que celui qui invoque la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), doit justifier d'un intérêt personnel à agir, en démontrant qu'il est victime de la violation alléguée.
7. Cette condition rejoint celle découlant de l'article 34 de la Convention. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pour pouvoir introduire une requête en vertu de ce texte, un individu doit pouvoir se prétendre victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention, ce qui suppose qu'il ait été personnellement touché par la violation alléguée (CEDH, décision du 12 novembre 2013, Occhetto c. Italie, n° 14507/07, § 37).
8. Ayant relevé que le logement de M. P... n'était pas concerné par le litige et exactement retenu que seuls ses locataires étaient à même d'invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision d'ordonner la remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d'urbanisme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer à la commune de Cabrières la somme de 3 000 euros ;
CIV. 3
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 mars 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 170 FS-P
Pourvoi n° J 20-11.726
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021
M. U... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 20-11.726 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant à la commune de Cabrières, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [...], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. P..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la commune de Cabrières, et après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 novembre 2019), M. P... est propriétaire d'un mas situé sur la commune de Cabrières, en zone agricole du plan local d'urbanisme où ne sont autorisées que les constructions nécessaires à l'activité agricole.
2. Lui reprochant d'avoir aménagé dans les lieux plusieurs appartements à usage d'habitation, qu'il a donnés à bail, la commune de Cabrières l'a assigné en remise en état.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. M. P... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :
« 1°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant, pour ordonner la remise en état des logements n° 7, 8, 9, 10 et 11, que seuls les locataires des logements de M. P..., concernés par la mesure de démolition, pouvaient invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, quand la remise en état des logements destinés à l'habitation en locaux destinés à l'exploitation agricole, qui a pour effet de contraindre les locataires à quitter leur domicile, ne peut être ordonnée qu'après un examen de tous les intérêts en présence, la cour d'appel a violé l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
2°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant que, répondant à l'intérêt général, la mesure sollicitée était proportionnée, sans rechercher si, la mise en conformité de logements occupés par des familles toutes composées de jeunes enfants âgés entre six mois et cinq ans, n'avait pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au domicile des locataires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
6. Il résulte de cette disposition que celui qui invoque la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), doit justifier d'un intérêt personnel à agir, en démontrant qu'il est victime de la violation alléguée.
7. Cette condition rejoint celle découlant de l'article 34 de la Convention. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pour pouvoir introduire une requête en vertu de ce texte, un individu doit pouvoir se prétendre victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention, ce qui suppose qu'il ait été personnellement touché par la violation alléguée (CEDH, décision du 12 novembre 2013, Occhetto c. Italie, n° 14507/07, § 37).
8. Ayant relevé que le logement de M. P... n'était pas concerné par le litige et exactement retenu que seuls ses locataires étaient à même d'invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision d'ordonner la remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d'urbanisme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer à la commune de Cabrières la somme de 3 000 euros ;
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