Marché de construction : dommage : recours provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime

 

 Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime

Texte de la décision

Entête

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 753 FS-B

Pourvoi n° B 22-20.490




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023

La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° B 22-20.490 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Artelia ville et transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6],

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.




Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Artelia ville et transports et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Exposé du litige

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2022), l'office public d'aménagement et de construction de la Savoie (l'OPAC) a confié à M. [P], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'urbanisme d'une zone d'aménagement concerté à Chambéry.

2. M. [P] a sous-traité des études de voirie et réseaux divers à la société Etudes et projets, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Artelia ville et transport (la société Artelia), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).

3. A la suite d'affaissements de la voirie, la juridiction administrative a ordonné une expertise, rendue commune à la MAF par ordonnance du 15 avril 2005.

4. Par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC a saisi la juridiction administrative au fond pour voir notamment condamner M. [P], la MAF, la société Artelia, la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à l'indemniser de son préjudice. La société [P] architectes (la société [P]) a déclaré venir aux droits de M. [P]. La juridiction administrative a condamné la société [P], la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à payer diverses sommes à l'OPAC. L'intervention de la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la commune de [Localité 7], a été déclarée non admise. Les demandes de garantie formées par la société [P] contre la société Artelia et la MAF ont été rejetées comme formées devant une juridiction incompétente.

5. Par acte du 5 mars 2010, l'OPAC a assigné son assureur la société Sagena, devant un tribunal de grande instance. Par acte du 3 janvier 2011, la société Sagena a notamment appelé en intervention forcée la société [P] et son assureur la MAF. Par conclusions des 2 et 5 juillet 2012, la MAF a demandé la garantie des sociétés Artelia et MMA.

6. Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement de l'OPAC et l'absence d'objet des recours subséquents.

7. Par acte du 29 janvier 2019, la société Axa a notamment assigné la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P] et de la société [P], en paiement de diverses sommes.

8. Par acte du 8 février 2021, la MAF a appelé en garantie les sociétés Artelia et MMA.
 

Moyens





 

Motivation


12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime.

13. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que, par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC avait saisi le tribunal administratif pour que soit engagée la responsabilité de M. [P] et de son assureur la MAF et que celle-ci, en cette qualité, n'avait agi en garantie contre les sociétés Artelia et MMA que le 8 février 2021, dès lors que les demandes formées par conclusions des 2 et 5 juillet 2012 l'avaient été par la MAF en sa qualité d'assureur de la société [P] et non de M. [P], elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P], était prescrite.

14. Ayant constaté, d'autre part, que, par acte du 3 janvier 2011, la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], avait été assignée en garantie par la société Sagena, elle-même recherchée par l'OPAC, et ayant retenu, par une interprétation souveraine de la motivation et des dispositions ambiguës de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 novembre 2021, que la MAF s'était désistée de ses propres demandes reconventionnelles de garantie, de sorte qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption résultant des conclusions des 2 et 5 juillet 2012 était non avenue, elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], était prescrite.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.
 

Dispositif

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer aux sociétés Artelia ville et transports, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de globale de 3 000 euros ;