Conseil d'État

N° 350551

ECLI:FR:CESSR:2013:350551.20130522

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

3ème et 8ème sous-sections réunies

lecture du mercredi 22 mai 2013

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901379 du 4 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur d'académie du Val-d'Oise du 29 janvier 2009 rejetant sa réclamation relative au reversement d'un trop-perçu de supplément familial de traitement et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les sommes déjà reversées ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée avant et après les conclusions à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 24 septembre 2007, un titre de perception d'un montant correspondant à un trop perçu de supplément familial de traitement entre le 5 janvier 1999 et le 31 août 2001 a été émis à l'encontre de M. B..., professeur des écoles ; que M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2009 rejetant sa réclamation contre ce titre de perception et au remboursement de la somme déjà reversée par voie de compensation sur ses rémunérations ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque, après la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une des parties, il lui appartient d'en prendre connaissance ainsi que de le viser dans sa décision ; que, s'il a toujours la faculté d'en tenir compte après l'avoir analysé et avoir rouvert l'instruction, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans un mémoire en réplique produit le 29 mars 2011, soit après la clôture de l'instruction, fixée au 14 avril 2010, M. B... soutenait que l'action en restitution du trop perçu de supplément familial de traitement engagée par le rectorat était prescrite en application des dispositions de l'article 2277 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, compte tenu de la règle énoncée peu avant la clôture de l'instruction par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux dans sa décision du 12 mars 2010, Mme A..., n° 309118, selon laquelle la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil s'applique à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'une action en paiement ou d'une action en restitution de ce paiement ; que le tribunal administratif ne pouvait régler le litige dont il était saisi sans tenir compte du mémoire produit par M.B..., qui contenait l'exposé d'une circonstance de droit nouvelle, et sans rouvrir l'instruction ; que le jugement attaqué a ainsi été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, par suite, M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à en demander l'annulation;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 mai 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., au ministre de l'éducation nationale et au ministre de l'économie et des finances.